Al-Ahram Hebdo,Société | Protection ou braderie ?
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
Nos Archives

 Semaine du 20 au 26 Juin 2007, numéro 667

 

Contactez-nous Version imprimable

  Une

  Evénement

  Enquête

  Dossier

  Nulle part ailleurs

  Invité

  Egypte

  Economie

  Monde Arabe

  Afrique

  Monde

  Opinion

  Société

  Arts

  Idées

  Littérature

  Visages

  Environnement

  Voyages

  Sports

  Vie mondaine

  Echangez, écrivez



  AGENDA


Publicité
Abonnement
 
Société

Travail . Un accord signé par le ministère de la Main-d’œuvre et de l’Emigration avec l’Arabie saoudite pour l’envoi de 120 000 femmes de ménage égyptiennes défraye la chronique.

Protection ou braderie ?

« Une femme de ménage égyptienne pour un salaire de 700 rials saoudiens, soit environ 1 000 L.E., avec diplômes, références et professionnalisme garantis ». Telle est la publicité publiée dans un journal saoudien suite à la signature d’un protocole de coopération entre la ministre égyptienne de la Main-d’œuvre et de l’Emigration et la Chambre de commerce d’Arabie saoudite. Cet accord, concernant 120 000 femmes de ménage, a été conclu par les autorités égyptiennes dans le but annoncé de remédier au problème du chômage et de préserver les droits des travailleurs égyptiens dans les pays du Golfe.

Un protocole qui a provoqué un tollé en Egypte. Remous dans le Parlement et les ONG féminines. Dans la rue, l’ambiance est électrique et les esprits sont hantés par ce protocole qui humilie la femme égyptienne. Que ce soit dans les cafés, les bureaux et les moyens de transport, tout le monde en parle et exprime un sentiment de colère et d’indignation face à la politique du gouvernement.

« C’est comme si la ministre de la Main-d’œuvre, avec cet accord, stigmatisait la femme égyptienne comme servante. Un tel accord porte atteinte à la réputation de l’Egypte », explique Gamal Zahran, député au Parlement, tout en rappelant le scandale de Hala Sarhane, animatrice de la chaîne de télévision Rotana, qui a diffusé quatre émissions sur la prostitution en Egypte.

 « Jusqu’à quand va-t-on ruiner la réputation de nos femmes en les présentant une fois comme des prostituées et une autre comme des femmes de ménage ? ». Et d’ajouter : « Les hommes ont du mal à trouver du travail. Et pour régler le problème du chômage en Egypte, le gouvernement n’a rien trouvé d’autre comme solution que d’exploiter nos filles et nos femmes comme domestiques ? Mais pourquoi a-t-on si peu d’égard envers les Egyptiens et leur dignité ? Quelles sont les mesures prises pour offrir plus de sécurité à ces femmes, ou bien vont-elles être victimes à toute sorte d’abus à l’instar de la servante originaire des Philippines ? », s’indigne-t-il.

Réalisant sa bévue, le Dr Aïcha Abdel-Hadi, ministre de la Main-d’œuvre et de l’Emigration, a présenté récemment ses excuses tout en assurant qu’elle a exclu catégoriquement de l’accord signé l’article concernant le travail des femmes égyptiennes en tant que domestiques. Pourtant, cela n’a pas calmé l’opinion publique. Selon la ministre, le programme du gouvernement insiste sur l’importance de créer de nouveaux emplois pour faire face au chômage. C’est dans cette perspective qu’elle a orienté sa politique. « Je ne sais pas pourquoi ce protocole a provoqué tout ce tabac. Les travailleurs égyptiens font souvent l’objet de pratiques discriminatoires dans les pays du Golfe. Plusieurs démarches ont été donc prises à ce propos telles que l’application de 15 accords et protocoles signés avec les pays d’accueil et qui visent à protéger les droits des travailleurs égyptiens, dont le dernier était celui de l’Arabie saoudite », explique-t-elle, tout en ajoutant que les pays signataires sont engagés à garantir des conditions de travail acceptables comme définies dans ces accords. Des comités conjoints sont formés d’experts égyptiens et étrangers pour résoudre les problèmes des travailleurs égyptiens dans ces pays respectifs. « Ainsi travaillons-nous également à régulariser la situation de la main-d’œuvre égyptienne clandestine dans ces pays », souligne-t-elle. Et d’ajouter : « L’insertion de la femme dans le marché du travail est aussi importante pour s’attaquer au problème du chômage ».

 

Un accord humiliant

Moustapha Bakri, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Al-Osboue et député au Parlement, estime, pour sa part, que le fait d’éliminer le mot « servante » du contrat ne résout pas le problème vu qu’elle l’a remplacé par d’autres mots du même sens tels que femme de ménage, nourrice, maîtresse de maison, chef de cuisine et assistante aux personnes âgées. « Ce sont des appellations différentes désignant, en fait, le même travail et accomplissant les mêmes tâches », souligne-t-il, tout en ajoutant que cet accord ne les protégeait pas. Autrement dit, en logeant chez l’employeur, elles risquent de subir non seulement de mauvais traitements, mais aussi des abus sexuels.

D’après Bakri, si le nombre de domestiques originaires des Philippines logées chez leur employeur a connu récemment une grand recul en Arabie saoudite, c’est à cause du comportement inhumain dont elles sont victimes : injures, châtiments corporels et harcèlements sexuels, surtout que le rapport entre la femme de ménage et son employeur n’est pas soumis à une législation. Beaucoup d’entre elles se sont suicidées en se jetant par les fenêtres, d’autres se sont échappées suite à la perte de leurs droits financiers. Ces expériences traumatisantes ont alerté leur gouvernement et ont mis à nu le manque de protection dont sont victimes leurs ressortissants étrangers dans ce pays. Raison pour laquelle ces gouvernements ont mis des conditions strictes garantissant les droits de leurs filles et femmes avant l’accréditation des contrats, telles que toucher un salaire de 2 000 rials par mois, faire le pèlerinage et avoir des congés payants, des horaires fixes et des tâches bien précises. Ce n’est donc pas une bonne à tout faire : le ménage, la cuisine, les emplettes et la garde des enfants.

« Qui pourrait donc protéger la femme de ménage égyptienne des attouchements du mari ou des orgies du fils, surtout en l’absence du rôle joué par notre ambassade qui ne parvient pas à résoudre les litiges qui surviennent entre les employeurs et les employés égyptiens ? », dit-il tout en déplorant les conditions de « quasi-non droit » et d’exclusion sociale dans lesquelles vivent les travailleurs égyptiens dans la majorité des pays d’accueil dans le Golfe.

« Si les personnes occupant des postes prestigieux comme les médecins et les ingénieurs souffrent de l’exploitation en l’absence d’une instance capable de les assister en cas de problème, quel sera donc le sort d’une femme de ménage là-bas ? », souligne Bakri. De plus, la ministre de la Main-d’œuvre n’a pas signé d’accord avec son homologue, mais avec la Chambre de commerce en Arabie saoudite, une instance non concernée par la question des droits des travailleurs. « A qui donc peut s’adresser une femme ou une fille en cas de litige ? Celle-ci n’obtiendra jamais gain de cause et risque même d’être accusée d’un délit quelconque : vol ou dévergondage ».

Le prix de la pauvreté

Face aux conditions strictes imposées par certains pays pour protéger leurs ressortissantes, le côté saoudien n’a qu’à accepter leurs conditions ou trouver une autre alternative. Et le Dr Aïcha, ministre de la Main-d’œuvre, a voulu combler ce déficit par cet accord qu’elle vient de signer en échange d’un salaire de 700 rials et non 2 000, demandé par celle originaire des Philippines par exemple. « La fille candidate au voyage en Arabie saoudite doit être diplômée, avec une bonne maîtrise de la langue anglaise et avoir moins de 30 ans, tout cela pour 700 rials seulement. Mais à ce prix-là, et avec toutes ces qualifications, une jeune femme ne peut-elle pas trouver un travail plus intéressant et décent en Egypte ? », explique le Dr Omayma Moustapha, psychologue, tout en ajoutant que même avec un salaire aussi bas, certains Saoudiens préfèrent tout de même employer des femmes de ménage originaires d’Asie, non seulement parce qu’elles sont plus compétentes, mais aussi parce qu’ils pensent qu’avec 700 rials, on ne peut pas avoir une domestique bien qualifiée. Effectivement, « plus le prix est bas, plus l’objet perd de sa valeur », estime un Saoudien.

Maha Helmi, présidente de l’Association des femmes de l’avenir (Sayedat Al-Mostaqbal), pense que 700 rials, ce n’est guère une offre alléchante qui puisse garantir une vie décente en Arabie saoudite. « Il n’est pas question d’exporter nos femmes et de les humilier pour quelques sous. Pourquoi ce sacrifice ? Pour être réduite à l’esclavagisme et soumise aux caprices et aux ordres du patron, alors qu’en Egypte nombreuses sont les familles qui ont réellement besoin de nourrices et de femmes de ménage ? », se demande-t-elle, tout en ajoutant que dans une société conservatrice comme la nôtre, on n’apprécie pas beaucoup que la femme parte seule pour travailler à l’étranger. D’ailleurs, comment l’Arabie saoudite qui refuse l’accès de la femme célibataire de moins de 45 ans à La Mecque pour faire le pèlerinage sans mehrem (chaperon) va-t-elle accepter l’entrée de femmes de moins de 30 ans qui habiteront et travailleront seules ? Maha nous rappelle des exemples de jeunes filles qui se sont mariées avec des Saoudiens et se faisaient passer pour des servantes dans les familles saoudiennes alors qu’elles étaient des épouses et non des domestiques.

Face à cette avalanche de critiques, certains défendent pourtant farouchement cet accord et estiment qu’il améliore la situation de la main-d’œuvre égyptienne.

« Pourquoi ne pas partir pour travailler selon des conditions et des termes définis par le gouvernement égyptien et acceptés par le côté saoudien ? On n’oblige personne à partir, pourtant, ceux ou celles qui acceptent de le faire n’auront rien à perdre et bénéficieront, en plus, de tous leurs droits sans discrimination aucune », explique Nour Bakr, un expert économique.

Ce n’est pas l’avis de Nihad Aboul-Qomssane, présidente du Centre égyptien des droits de la femme, qui rejette le départ des travailleuses.

« Cet accord n’est qu’un marchandage illégal de la femme et un nouvel aspect d’esclavage au vu et au su du gouvernement. Et au moment où un pays comme l’Allemagne discute le droit de l’ouvrier et son salaire qui atteint 8,25 euros par heure, notre ministre tente de régler le problème de la pauvreté en exportant nos femmes pour servir dans les foyers des Arabes du Golfe. Voilà à quoi est réduit notre pays aujourd’hui qui a toujours été la source culturelle des Arabes en exportant des professeurs d’universités ! », conclut Aboul-Qomssane, non sans sarcasme.

Chahinaz Gheith


 

Le rial ne la fait plus rêver !

Karima, 40 ans, a fait l’expérience de travailler en Arabie saoudite comme femme de ménage. Témoignage.

Elle vient d’arriver d’Arabie saoudite. Son histoire a commencé il y a 3 ans lorsqu’elle s’est présentée à un bureau de recrutement chargé d’envoyer des domestiques en Arabie saoudite. Karima pensait que le sort lui avait souri et qu’elle allait pouvoir se faire de l’argent et, en plus, de faire le pèlerinage.

Son exemple était ses voisines, qu’elle voyait revenir de là-bas avec beaucoup de bagages et rapporter ventilateur, réfrigérateur, tout pour une vie meilleure. « Mon mari avait du mal à trouver un seul travail. Il travaillait un jour et se reposait 10 autres et nous ne parvenions pas à joindre les deux bouts et subvenir aux besoins de mes 3 enfants avec mon salaire qui ne dépassait pas les 400 L.E. par mois », explique Karima qui avoue qu’en Egypte, quand un travail lui déplaisait pour une raison ou une autre, elle avait le choix et la liberté d’en changer, de décider du salaire et d’imposer ses règles comme celle de ne pas tarder la nuit. Karima attendait avec impatience le jour de son départ. Mais le choc était au rendez-vous. Le paradis dont elle rêvait s’est avéré en réalité être un enfer. « Il est vrai que je touchais 1 000 rials par mois, mais j’ai subi des harcèlements de tous genres, parfois du mari et d’autres fois des deux fils qui me comblaient de cadeaux pour que je n’ouvre pas ma bouche », raconte-t-elle, les larmes aux yeux, tout en se souvenant des conditions dans lesquelles elle a vécu et qui lui ont laissé des souvenirs douloureux. « J’étais désespérée car je ne pouvais révéler à personne la manière dont j’étais traitée par cette famille. Et même si je le faisais, qui allait croire les déclarations d’une servante ? », dit Karima, tout en révélant qu’elle a essayé maintes fois de regagner l’Egypte mais en vain à cause du kafil (le garant) qui refusait de lui rendre ses papiers, car il bénéficiait d’une partie de son salaire.

Pour fuir de cet enfer, Karima n’a trouvé qu’un seul moyen, elle a joué le rôle de la fille légère. « J’aguichais le mari devant son épouse, qui, enragée, a décidé de me mettre à la porte ».

Aujourd’hui, Karima est satisfaite de sa vie avec ses enfants. « Vivre sans aucun sou dans mon pays vaut beaucoup mieux que chercher la fortune ailleurs et s’exposer à toutes sortes d’abus », conclut-elle.

Ch. Gh.

 

 

 




Equipe du journal électronique:
Equipe éditoriale: Névine Kamel- Howaïda Salah - Chourouq Chimy
Assistant technique: Karim Farouk
Webmaster: Samah Ziad

Droits de reproduction et de diffusion réservés. © AL-AHRAM Hebdo
Usage strictement personnel.
L'utilisateur du site reconnaît avoir pris connaissance de la Licence

de droits d'usage, en accepter et en respecter les dispositions.