Al-Ahram Hebdo, Visages | Erminia Kamel
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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 13 au 19 juin 2007, numéro 666

 

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Visages

Erminia Kamel, directrice artistique de la troupe de ballet de l’Opéra du Caire, vient de fêter ses 25 ans de carrière. Cette ballerine d’origine italienne continue à se dépenser corps et âme.

Tourbillon de danses

Arouss Al-Nil (la sirène du Nil) n’est pas seulement le dernier ballet classique purement égyptien où a joué cette danseuse étoile de l’Opéra, il y a deux ans. C’est aussi une attribution adéquate à la ballerine d’origine italienne qui a choisi de célébrer sa dernière apparition sur scène, en soliste, avec ce rôle de sirène, symbole du sacrifice.

L’histoire d’Erminia Kamel et son allure, avec ses longs cheveux dorés, la rapprochent de cette sirène du Nil. Car la ballerine rêveuse, également épouse et mère, s’est sacrifiée de bon gré pour l’amour et la famille. « La sirène du Nil a une valeur symbolique pour moi. On ne m’a pas jetée dans le Nil, mais je suis arrivée d’Italie pour plonger dans un monde tout à fait autre. Ce nouveau monde m’a rendue plus puissante. Il m’a offert une nouvelle vie que j’apprécie beaucoup », affirme chaleureusement Erminia Kamel.

Née à Milan, Erminia, née Gambarelli, est issue d’une famille italienne, très mélomane mais loin de la danse classique. A l’âge de 6 ans, la petite Erminia a commencé à créer des petites chorégraphies avec sa sœur de cinq ans son aînée. « Je me rappelle qu’à l’époque, mon père a filmé la scène. Ma sœur était assez ennuyée, cependant, je l’obligeais à danser, la traitant d’idiote. Je lui disais : Tu vas être belle, bouge, ne crains rien. Tout le monde pensait que ma passion pour la danse était un peu exagérée », se rappelle la ballerine qui, à l’âge de 9 ans, a demandé à sa mère de prendre des cours privés de ballet en suivant son cursus normal d’éducation. Un an plus tard, son professeur de danse propose à ses parents que la petite contribue à la sélection de Noël, celle de l’Académie de ballet de la Scala de Milan. « Ce n’était pas facile. 400 candidates ont participé à la compétition. Seules 20 ont été sélectionnées, ensuite 15 et enfin 6 ont été retenues, y compris moi. On m’a dit que j’avais le mouvement harmonieux et l’oreille musicale », assure-t-elle. Jusque-là, toute son ambition était centrée sur la réussite à accéder à la compagnie de ballet de l’Académie de la Scala de Milan. Une fois ce rêve atteint, elle n’a pas tardé à se heurter à la vie réelle. La jeune danseuse de la Scala ne pensait pas au mariage, puis elle a rencontré son prince charmant. « La surprise de ma vie a été que l’homme que j’ai aimé et qui a demandé ma main en mariage devait retourner à son pays, l’Egypte ». L’Egyptien venu à la Scala pour acquérir plus d’expériences en matière de danse n’était que Abdel-Moneim Kamel, directeur actuel de l’Opéra du Caire. A l’époque, il était soliste de la troupe de l’Opéra du Caire et alors boursier à Milan. « On constituait un parfait duo, interprétant des rôles secondaires pendant deux ans. Nous avons dansé ensemble les plus beaux ballets classiques, à la Scala. Puis, un jour, Kamel m’a franchement avoué qu’il devait rentrer en Egypte pour former une vraie compagnie de ballet à la place de celle qui existait et dont les danseurs sont éparpillés ici et là, après l’incendie de l’ancien Opéra du Caire dans les années 1970. Mon mari me racontait comment les membres de l’ancienne troupe s’asseyaient sur le trottoir, face à l’Opéra incendié, en le pleurant ». Erminia Kamel, normalement très obstinée en ce qui concerne sa carrière de danse, n’a pas tardé à comprendre le sens de la vie à deux. Elle a sacrifié son rêve de devenir soliste professionnelle à la Scala pour partager le rêve de son partenaire, et l’a suivi en Egypte.

Passionnée de la culture pharaonique, islamique et copte, elle ne se sentait pas tout à fait perdue. Elle avait en effet l’habitude de lire des bouquins sur l’Egypte que son père s’appropriait en Italie. Sa mission la plus ardue était plutôt de déconstruire les barrières la séparant des gens du pays. « Au début, les gens me prenaient pour quelqu’un de snob et orgueilleux. Peut-être parce que j’étais timide et réservée. Petit à petit, J’ai dû changer. J’ai permis aux autres de partager mon monde. Et actuellement, j’ai plus d’amis égyptiens qu’étrangers. Avec eux, je sors prendre l’air tous les vendredis », raconte Erminia. Ses petites escapades du vendredi lui rappellent les promenades avec son père architecte. Durant ses visites en Egypte, il aimait se rendre avec sa fille dans les vieux quartiers, observant les détails architecturaux de leurs bâtiments. « Cette magnifique finesse architecturale fait défaut à l’art moderne, à qui manque les petits détails », explique Erminia Kamel. Son penchant pour tout travail détaillé est fortement lié non simplement à son goût, mais aussi à sa profession. « La vie est une question de détails ; il faut la mener avec passion, même s’il s’agit parfois de petites choses inutiles. La danse est un monde que nous créons. Que le ballet existe ou pas, peu importe. Ce qui est salutaire, c’est la passion des danseurs, ceux qui aiment offrir à leur public un moment de pure joie ou d’oubli, communiquant spirituellement avec eux ». Cette communication, entre elle et le récepteur, provient d’une forte sincérité, la rendant capable de créer un contact avéré. C’est la même chose que l’on ressentait en la voyant danser avec Abdel-Moneim Kamel à la Scala de Milan. « C’est la danse qui a favorisé le premier contact entre nous. La danse nous a aidés à mieux nous connaître, non pas à nous aimer. Car, l’amour vient toujours en coup de foudre », déclare Erminia Kamel qui, au bout de 25 ans, n’a jamais regretté sa décision.

Dans le temps, elle ne savait pas qu’au Caire, beaucoup d’occupations l’attendaient : avec son mari, elle devait rassembler les danseurs, oser de nouvelles chorégraphies, recréer une saison de ballet et à la fois danser. « Je me souviens de ma première apparition sur scène, au Caire. C’était au théâtre Gomhouriya, en 1982, dans le ballet de Giselle. Je tremblais au début, tous les yeux étant braqués sur moi. Des yeux inaccoutumés à voir une étrangère sur scène. J’avais peur, mais mon mari m’a beaucoup encouragée », se souvient-elle.

1987 a été pour elle un autre moment-clé. Non seulement elle a eu son fils unique Karim, mais aussi l’on a construit le nouvel Opéra du Caire. La danseuse-mère a retrouvé les planches deux mois après l’accouchement et allaitait l’enfant dans les coulisses entre deux scènes. « A partir de cette date, mon mari et moi, nous avons recommencé notre carrière professionnelle. J’ai essayé de poursuivre le même système que j’ai appris à la Scala et que mon mari a acquis grâce à ses professeurs russes venus au Caire ».

Petit à petit, le couple a réussi à établir des classes de danse, des répétitions, des salles d’entraînement, de relaxation ou de maquillage …

Soliste, ensuite directrice artistique de la troupe de ballet de l’Opéra du Caire, Erminia Kamel lie toujours la danse au jeu d’interprétation, elle tient à enseigner à ses étudiants l’importance de l’expression physique. Raison pour laquelle Le Boléro, ce ballet moderne qu’elle a joué maintes fois, est le plus proche de son cœur. Pour elle, la communication verbale et gestuelle est très importante. « Chaque pas doit avoir une expression, un motif d’existence, tout en respectant le système de la danse classique et la propre personnalité de la ballerine qui doit s’imprégner d’un caractère déterminé », déclare Erminia Kamel.

La ballerine refuse sévèrement toute accusation d’exploiter le pouvoir de son mari, l’actuel directeur de l’Opéra, pour danser à 45 ans passés. « Pour éviter toute critique et ne pas me tourmenter, j’ai décidé d’arrêter de danser une fois que j’ai senti mes muscles fatigués. Je suis assez cruelle avec moi-même. C’est le public ordinaire qui m’a voué l’admiration et qui compte pour moi. Lui, il ignore si je suis l’épouse du directeur de l’Opéra ou pas. Jusqu’à présent, on me demande pourquoi je ne danse pas. Le ministre de la Culture, Farouk Hosni, m’a aidée sans me connaître ». Et de s’exclamer : « Je suis plus connue en Egypte qu’en Italie ! ».

Un corps menu, bien proportionné et un visage radieux lui ont permis de monter sur scène le plus longtemps possible. Aujourd’hui, elle se plaît dans son rôle de directrice. Lorsque le ballet de l’Opéra est en performance, elle s’assoit au sommet de la grande salle, dans la salle réservée au contrôle sonore. Les nerfs tendus, ses pieds ne cessent de bouger, mimant les gestes des danseurs sur scène. « Quand ils font une belle performance, je pleure. Mon mari me dit : Calme toi ! Tu étais plus relaxe en tant que danseuse ! », dit-elle sur un ton de satisfaction, animée par un rêve grandissant .

Névine Lameï

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Jalons

20 juillet … : Naissance à Milan.

1970 : Entrée à la Scala de Milan.

1982 : Arrivée au Caire et mariage avec Abdel-Moneim Kamel.

1987 : Naissance de son fils unique Karim.

1988 : 1re danseuse de l’Opéra du Caire, avec le ballet Carmina Burana.

2006 : Dernière apparition sur scène dans Arouss Al-Nil (la sirène du Nil).

 




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