Téléphonie mobile .
Etisalat est opérationnelle depuis le 1er mai. Les tarifs
proposés ne font pas d’ombre à ses concurrents Mobinil et
Vodafone, mais la société compte sur les nouveaux services
de la 3G pour séduire les consommateurs.
Etisalat entre enfin dans l’arène
«
Certaines choses ne valent certainement pas l’attente ». Les
commentaires ironiques n’ont pas manqué à l’issue de la
conférence de presse organisée le 30 avril dernier,
annonçant l’entrée en service, le 1er mai, d’Etisalat, la
troisième société de téléphonie mobile en Egypte. Cinq mois,
marqués par le slogan « Certaines choses valent l’attente »,
ont en effet déjà passé depuis qu’Etisalat a acheté sa
licence d’exploitation. Mais les prix annoncés sont bien
plus chers que ceux de ses deux concurrents, Mobinil et
Vodafone, sur le marché depuis bientôt 10 ans. D’où le
persiflage des journalistes.
Même si le prix de la ligne (abonnement ou carte) est le
même, voire parfois moins cher, que celui de Mobinil et
Vodafone, le prix de la minute de communication et du SMS
est, lui, de 25 à 30 % plus cher chez Etisalat (voir
encadré). A la grande déception des consommateurs qui
s’attendaient à une tendance inverse, surtout après
l’augmentation des tarifs de 35 % ces 2 dernières années. «
Nous ne voulons pas mener une guerre des prix contre nos
concurrents », se défend Hazem Métoualli, directeur exécutif
du secteur commercial de l’entreprise. « Nous présentons
simplement un service d’un genre différent et de qualité
supérieure. Il s’agit des services et des appels
audiovisuels que permet la technologie de 3e génération
(3G). Etisalat a cependant fait un joli coup marketing. En
ce qui concerne les cartes prépayées, les prix indiqués
incluent les taxes. Alors que les prix des cartes de Mobinil
et Vodafone sont indiqués hors taxes », ajoute-t-il.
Etisalat
parie donc sur la technologie 3G et compte ainsi attirer 3
millions de clients fin 2007, séduits par la visioconférence
et d’autres facilités comme la transmission rapide des
données.
Plusieurs experts s’attendaient à ce niveau de prix.
D’autant plus qu’Etisalat a dépensé près de 20 milliards de
L.E., 17 pour l’achat de la licence et 3 autres pour
l’infrastructure. « Etisalat ne peut pas commencer avec des
prix inférieurs à ceux de ses concurrents. Car il lui faut
rentrer dans ses investissements et réaliser des profits.
N’oublions pas qu’au tout début de la téléphonie mobile, la
ligne coûtait entre 2 et 3 000 L.E. Mobinil a donc récupéré
très vite. Même chose pour Vodafone, qui a profité d’un
monopole pendant un an sur le marché des cartes prépayées.
En revanche, Etisalat arrive alors que la concurrence bat
son plein et sur un marché pratiquement saturé », explique
Mohamad Fahmi, expert en télécommunications auprès de la
société de courtage Prime.
Tarifs hyper concurrentiels
Car Mobinil et Vodafone ont déjà attiré un nombre très
important de clients, notamment au cours de ces 5 derniers
mois, grâce à de multiples offres d’abonnement à tarifs
hyper concurrentiels. Selon les chiffres officiels de
l’Organisme régulateur des télécommunications, les deux
opérateurs se partagent presque à égalité quelque 20,32
millions d’usagers en date du 31 mars 2007. C’est pourquoi
les deux opérateurs ne sont pas inquiets. « Nous avons une
grande confiance en nos clients et capacités. Nos clients
n’ont pas besoin de changer d’opérateur : nos services
satisfont leurs besoins, en qualité comme en prix », a
répété à maintes reprises Naguib Sawirès, PDG de Mobinil.
Même son de cloche chez les responsables de Vodafone, qui a
décroché la licence 3G. Omar Al-Cheikh, directeur des
affaires gouvernementales chez Vodafone, affirme que « nos
clients n’auront pas besoin de changer d’opérateur ». A
noter que Vodafone a acheté la licence 3G pour la mettre en
service au lendemain du début de l’activité d’Etisalat.
Alors que Mobinil a lancé au début de l’année la technologie
Edge (Enhanced Data Rates for Global Evolution). Une affaire
qui a déclenché une longue bataille avec l’Organisme
régulateur des télécommunications, auquel Mobinil s’est
finalement plié en retirant le service du marché. « C’est
une technologie de troisième génération et son utilisation
exige l’obtention préalable d’une licence. C’est pourquoi
Mobinil doit retirer ce service du marché dans un délai
maximum de deux semaines », expliquait à l’Hebdo Omar Badawi,
président de l’Organisme national de régulation des
télécommunications. « La technologie Edge n’est qu’une
version améliorée de la technologie GPRS (General Packet
Radio-Service) utilisée par la société depuis 1998. Les
technologies Edge et GPRS ne sont qu’une simple application
de la deuxième génération. Elles ne nécessitent pas
d’équipement particulier, comme c’est le cas pour la
troisième génération », faisait de son côté valoir Mobinil,
raison pour laquelle elle refuse encore aujourd’hui
d’acheter la licence 3G.
Exclusivité chèrement payée
Quelles sont donc les chances du 3e opérateur de téléphonie
mobile d’attirer un nombre conséquent de clients ? Sachant
qu’Etisalat couvre seulement 40 villes et que les offres
présentées sont destinées à la classe aisée.
Suivre un match de foot, des informations télévisées, ou
encore appeler en visioconférence, c’est sur ces services
qu’Etisalat compte attirer 3 millions de clients en un an et
10 millions au bout de 3 ans. Les premières statistiques
révèlent qu’un tel objectif est réalisable. « Avant même le
lancement d’Etisalat, 700 000 personnes ont réservé leur
ligne. Un chiffre qui doit encore augmenter », affirme un
responsable d’Etisalat. Une confiance renforcée par la
possibilité de quitter Mobinil ou Vodafone en conservant son
numéro exact (avec le préfixe 010 ou 012), après un accord
obtenu auprès de l’Organisme régulateur des
télécommunications. Une option possible dès la 3e semaine de
fonctionnement d’Etisalat.
En somme, Etisalat propose une exclusivité chèrement payée,
comme lors du lancement de la téléphonie portable en 1998. A
cette époque, les consommateurs ont exprimé leur
mécontentement face au prix très élevé d’une ligne de
portable. Ce qui ne les a pas empêchés de se précipiter pour
acheter. Un responsable au sein de l’Organisme régulateur
des télécommunications, qui a requis l’anonymat, confie à
l’Hebdo que l’expérience prouve que le consommateur égyptien
aime l’exclusivité, même si cela lui coûte très cher. Il
assure que Mobinil et Vodafone ont gagné quelque 70 millions
de L.E. grâce au service Call Tone (consistant pour
l’appeler à écouter une chanson choisie par l’appelé, au
lieu des classiques tonalités d’appel). Un responsable de
Mobinil avoue même qu’étant donné l’importante demande, ce
service a dû être suspendu. « Dix millions des clients de
Mobinil veulent ce service. C’est trop pour notre réseau.
Nous travaillons à son élargissement, et en attendant, le
service est suspendu ».
Les consommateurs risquent, aussi, de s’engouffrer dans la
technologie 3G. Il semble bien que pour suivre un match de
foot en douce au bureau, ou voir sa bien-aimée en
l’appelant, on ne compte vraiment pas.
Névine Kamel