Al-Ahram Hebdo, Visages | Ali Al-Hefnawi
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 30 mai à 5 juin 2007, numéro 664

 

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Visages

Ali Al-Hefnawi, président du Village intelligent, le considère comme le plus grand accomplissement de sa vie. Il compte aussi d’autres exploits comme la fondation de l’Université française d’Egypte et le rapprochement des milieux d’affaires franco-égyptiens, qui lui ont valu une récente décoration par Jacques Chirac.

Le conciliateur des cultures

Rares sont les hommes qui arrivent à établir une conciliation entre deux cultures, deux réalités, deux mondes. Ali Al-Hefnawi en fait partie.

Il appartient à ce genre d’hommes dont on détecte la quiétude et la gaieté de cœur de prime abord. Il nous a accueillis avec convivialité dans son bureau au Village intelligent, mais s’est absenté un laps de temps pour accompagner un hôte d’honneur. « Je dois remplacer le ministre des Télécommunications, qui est tombé malade, pour faire visiter le village au président de la République du Salvador. Faites comme chez vous », a-t-il dit avant de s’éclipser. Une ambiance rappelant celle des films américains règne sur les lieux. Un jeune homme sur son trente et un passe dans le bureau de la secrétaire pour lui soumettre un document, un autre pénètre dans le bureau d’en face et demande un rapport, une demoiselle élégante salue avec simplicité et en hâte ses collègues ... Dans cette niche, où grouille un va-et-vient incessant, on dénote un dynamisme de vive allure, conçu par le maître des lieux. « Le Dr Ali représente pour nous un exemple à suivre. On cherche tous à copier son sens de l’ordre et de l’organisation », souligne la gérante de son bureau. Et d’ajouter : « Il vient chaque jour en premier et quitte une heure après les horaires fixes du travail ». Son emploi de temps se déroule comme prévu, rarement interviennent des changements pour le bousculer. Au terme de sa mission en compagnie de son invité, Al-Hefnawi nous retrouve pour entamer la discussion. La sérénité qu’il affiche en permanence invite à percer son mystère. Son origine et sa culture décantent bien d’histoires. « Mon grand-père maternel était un ami et compagnon du militant Mohamad Farid. Il fut exilé par le khédive Tewfiq en Suisse où il s’est marié, et n’est rentré en Egypte qu’en 1936 pour marier ses filles à des Egyptiens », évoque-t-il. Quant à son père Moustapha Al-Hefnawi, il est le célèbre avocat égyptien qui avait élaboré la loi de la nationalisation du Canal de Suez. « Mon père était un ami de Nasser, mais sur une divergence de leurs points de vue, il a dû quitter la compagnie 9 ans après la nationalisation du canal pour s’installer à Paris et exercer le travail d’avocat libre ». Il dit toute sa dette à son père, qui lui a inculqué le sens de la détermination et de la persévérance.

« La défaite de 1967 est un événement bouleversant qui a marqué notre génération et celle de nos parents. C’est un cauchemar qui a généré une frustration nationale et qui nous a précipités dans la quête d’une alternative ». Peut-être d’une autre vie ? « A l’époque, quitter l’Egypte était une affaire difficile, qui exigeait un visa de sortie signé par Nasser lui-même. Mais, j’avais de la chance parce que mon père, ayant fait son doctorat en France, détenait ce visa, qui m’a autorisé à quitter le pays ». Il observe un silence, quelques instants, comme pour se remémorer tous ces incidents de grand impact. « Sortir du pays, c’était s’affranchir d’une impasse. Tant le pays était enfermé sur lui-même comme un îlot, un lieu clos. On ne lisait que la presse égyptienne, ne regardait que la télévision égyptienne ... alors que le désir de s’ouvrir sur le monde hantait toujours mon esprit ». Epris de liberté, il rêvait, dès sa tendre enfance, de devenir pilote. « La famille a rejeté ce vœu en raison de la guerre », regrette-t-il.

Ainsi, cet ancien élève des Frères fut-il contraint à se tourner vers l’étude de l’architecture, ainsi que l’informatique et le droit. « J’ai étudié le droit peut-être pour faire plaisir à mon père », dit-il en souriant. Et d’ajouter : « La vie dans un pays comme la France fait apprendre aux jeunes l’amour des sciences. Combien de fois, en me promenant dans le Quartier latin, j’ai décidé d’assister à des cours de sociologie, ou autres ... C’est très important de s’ouvrir sur d’autres horizons ». Malgré sa passion éperdue pour la France, il a refusé d’acquérir la nationalité française qu’on lui avait proposée, préférant ne s’attacher qu’à la sienne propre. « A l’époque, on proposait la nationalité française aux jeunes hommes brillants qui ont fait leurs études en France. Mais, j’étais toujours fier d’être un Egyptien », explique-t-il. Il était cependant acquis à l’idée de devoir permettre aux Egyptiens de bénéficier d’un enseignement favorisant une méthodologie identique à la française. « Fonder une université française au Caire était un rêve qui a pu se concrétiser avec la promulgation de la loi sur les universités privées en 1992. Cette université est, en effet, différente dans son concept des autres universités privées, puisqu’elle ne vise pas le profit. Dans le sens où ses dividendes ne sont pas partagées par les investisseurs, mais exploitées dans la réalisation de ses objectifs », affirme-t-il.

Il fut la dernière personne décorée par l’ancien président français Chirac, avant son départ de l’Elysée, pour avoir œuvré des années durant au rapprochement des Egyptiens et des Français à travers, par exemple, le Club d’affaires franco-égyptien qu’il présidait. Aussi bien tout en étant l’agent de 42 entreprises françaises dont il a facilité l’introduction sur le marché égyptien.

Cet homme est habité d’un enthousiasme qui semble être le moteur de tout son parcours. C’est de là peut-être que jaillit cette puissance qui ne se contente pas seulement de connaître d’autres cultures, mais aussi de reconnaître leur apport. Cela a aiguisé sa volonté de passer du domaine de l’architecture, sa spécialisation, à ceux des télécommunications et de la technologie pour entamer une nouvelle phase dans la vie. « Vers la fin des années 1980, j’ai écrit une série d’articles sur le développement technologique dans la presse égyptienne. Quelques années plus tard, j’ai rencontré Atef Ebeid, qui était à l’époque le premier ministre, et il m’a présenté le projet de la vallée technologique, qui était à son stade préliminaire, me proposant d’assumer la direction du Programme du développement technologique en Egypte ». Or, le projet n’a pas pu voir le jour. Trois ans plus tard, il quitte ce poste pour devenir le PDG de l’entreprise Alcatel pendant trois ans. Cependant, l’an 1999 marque un tournant dans son itinéraire. « Cette date correspond à la fondation du premier ministère des Télécommunications et de la Technologie de l’information dont Ahmad Nazif assurait le portefeuille. Il m’a proposé de travailler avec lui comme premier conseiller. Pour commencer, on a occupé trois pièces au Central de Ramsès. Ahmad Nazif devenu l’actuel premier ministre, Tareq Kamel, ministre des Télécommunications, et moi-même, nous passions des heures à mettre au point le plan d’un nouveau technopôle ». Il s’agissait cette fois d’un village intelligent et non pas d’une vallée. « Inspirés du modèle français de Sophia Antipolis, nous avons commencé à concevoir un projet s’étalant sur une superficie de 300 feddans, pour atteindre maintenant les 700 ... L’idée consistait à favoriser un environnement propice pour la création technologique et donc à attirer le plus grand nombre d’investisseurs étrangers pour exploiter cette ambiance sous le label This is the smart place to make business », souligne Al-Hefnawi dans un anglais parfait.

Le Village intelligent semble, en effet, être une utopie technologique. Les bâtiments rappellent les films de science-fiction avec leurs façades métalliques qu’enchâssent des vitres bleues, de vastes espaces verts, des lacs ... tous embrassent la route désertique de Guiza.

Ce fut pourtant un grand projet qui n’a pas eu que des adhérents. Certains journalistes de l’opposition ne voyaient pas d’un bon œil l’édification du village dans un pays où fait défaut la technologie, alors que l’Inde, un des pays les plus avancés en la matière, n’en possédait pas un. « Cela est complètement irrationnel », commente-t-il calmement. « L’Inde possède une région qui s’appelle Bengalore, destinée à la production de technologie. Et puis l’Egypte a commencé à produire de la technologie. A preuve la conversion des bureaux gouvernementaux, comme des écoles, à l’informatique vers la fin des années 1990. Depuis, les équipements en ordinateurs ont grimpé », note-t-il. Cependant, un nombre restreint de la population est conscient de la mission du village, selon l’évaluation du Video Streaming sur Internet. « Beaucoup de gens interrogés par ce programme visuel ont affiché une méconnaissance du fonctionnement du village, l’assimilant à un site touristique ou une station balnéaire. En fait, ces gens lisent peu ou sont peu informés », explique-t-il fermement. Et d’ajouter : « Maintenant, le rêve de tout nouveau diplômé en Egypte est de travailler au Village intelligent ». Ainsi Al-Hefnawi exprime-t-il sa satisfaction de voir ce projet atteindre ses objectifs, dont entre autres la création de nouvelles chances d’emplois pour les jeunes, l’attraction d’investissements étrangers, et la divulgation d’un savoir technologique au sein de l’Egypte et ailleurs. « Il convient de souligner que ce sont des Egyptiens qui ont bâti les networks de GSM d’Alcatel au Portugal, en Roumanie, au Pakistan ainsi qu’en Afrique. Tous ont reçu un apprentissage au centre de formation d’Alcatel du Village intelligent », dit-il en toute fierté.

On imagine qu’avec une passion pareille pour le monde technologique, l’idée d’être un jour à la retraite pourrait lui être un cauchemar. Or, il se résout, comme d’habitude, à des compromis. « J’irai vivre dans ma ferme à Al-Tell Al-Kébir, près de la région du canal qui m’est chère, où je passerai mon temps à écrire des livres sur mon expérience dans la vie ». Et d’ajouter sur un zeste d’humour : « Je vais aussi pratiquer l’agriculture. Que pensez-vous de la culture des oignons ? ».

Lamiaa Al Sadaty

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Jalons

1948 : Naissance au Caire.

1967-1976 : Diplômé par le gouvernement, école nationale de beaux-arts à Paris, doctorat en architecture.

1974 : Fondation de son premier bureau d’architecture : Groupement d’architectes franco-arabes.

1986 : Fondation de son entreprise Communication internationale multilingue à Paris.

1999 : Nommé premier conseiller au premier ministère des Télécommunications et de la Technologie

          de l’information, présidé par Ahmad Nazif.

2007 : Légion d’honneur par l’ancien président français Chirac.

 

 

 




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