Al-Ahram Hebdo,Invité | Rachid Mohamad Rachid,
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 2 à 8 Mai 2007, numéro 660

 

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Invité

Le ministre de l’Industrie et du Commerce, Rachid Mohamad Rachid, explique sa politique et ses options souvent contestées, mais qu’il justifie par une vue perspicace de l’avenir.

« Je suis plus concerné par les grands investisseurs  »

Al-Ahram Hebdo : Votre remède pour stabiliser le marché du fer à béton et du ciment n’a pas fait guérir. Les entreprises concernées insistent toujours à exporter davantage leurs productions, assoiffant ainsi le marché local. Avez-vous déposé vos armes ?

Rachid Mohamad Rachid : Dès le début, notre objectif était d’imposer des frais sur l’exportation, pour que celle-ci devienne moins séduisante aux yeux des exportateurs. Et par ce, ces entreprises offrent leurs produits sur le marché local. Le but d’imposer un droit de douane sur le fer et le ciment ne visait pas à réduire directement les prix locaux.

— Mais, les prix du marché international demeurent toujours plus attirants pour les producteurs ...

— Nous avons anticipé que ces prix internationaux augmenteraient davantage parce que les cours du fer brut importé sont à la hausse, au même titre que ceux du ciment. Nous avons ainsi imposé ce droit de douane en prévision de ces augmentations. Nous savions bien que les prix augmenteraient sur le marché international. Au moment où nous avons entrepris cette étape, le prix d’une tonne de ciment était de 65 dollars, aujourd’hui il a atteint 90. Le prix local d’une tonne de ciment devait, en conséquence, atteindre 400 L.E. et celui du fer 4 000 L.E. Nous avons réussi donc à maintenir les prix locaux à un niveau inférieur. Imaginez-vous ce qui serait passé si l’on n’avait pas imposé ce droit de douane.

— Cela n’a pas soulagé cependant le marché local, qui a vu les prix augmenter du jour au lendemain. Quelle est donc votre prochaine mesure ?

— Nous avons déclaré dès le premier jour que le droit de douane va varier selon la fluctuation des prix internationaux. Nous l’avons déjà haussé pour les grands producteurs, de 160 à 180 L.E. Quant aux petits exportateurs, nous avons exempté leurs produits de ce droit et il en serait de même avec les exportations du ciment blanc.

— Un autre sujet brûlant, lié toujours au ciment et au fer à béton. Il s’agit de l’énorme subvention à l’énergie dont ils bénéficient. Ne trouvez-vous pas injuste qu’une minorité d’entreprises qui réalisent 40 % de bénéfices s’accaparent des subventions à hauteur de 7 milliards L.E. ?

— Ne parlons pas de subventions pour ne pas soulever l’opinion publique. Dans le monde entier, le secteur industriel bénéficie de prix d’énergie privilégiés. N’empêche que ces prix sont actuellement révisés. Le gouvernement est en train d’élaborer une étude qui sera annoncée fin juin pour calculer le prix de l’énergie pour tous les secteurs industriels.

— Quels sont les principaux traits de cette étude ?

— Il s’agit en fait de hausser le prix sur un intervalle de deux à trois ans. Ensuite, une autre augmentation, sur 5 ans. Dans les 10 ans qui suivent, chaque industrie pourra calculer le prix de l’énergie selon une équation précise, en fonction des cours internationaux de l’énergie. Je vous en trace les grandes lignes. Les détails au cours des intervalles pourraient changer d’après les résultats de l’étude et les négociations avec les parties concernées.

— L’Organisme anti-monopole mène depuis plusieurs mois des investigations concernant le cas des entreprises du ciment ou du fer à béton. Pourtant, il a déjà conclu à des charges contre 4 autres entreprises publiques. Est-ce que ce retard est dû aux pressions des grandes entreprises ?

— Non. Pas du tout. En fait, dans le cas des 4 entreprises publiques, c’était beaucoup plus facile. Là, c’est le gouvernement, propriétaire des entreprises, qui nous a présenté les cas. Il voulait connaître la situation de ces entreprises afin de les restructurer, pour pouvoir les vendre plus tard. Donc, les informations ont été offertes à l’Organisme en toute transparence. Dans le cas du ciment et du fer, les investigations prennent plus de temps. Les accusés n’ont pas intérêt à dévoiler leurs informations. Ils avancent les leurs, de leur point de vue, mais l’Organisme doit fouiller pour avoir d’autres informations indépendantes.

— Monopole, ambiguïté des prix de l’énergie ... ne trouvez-vous pas ces conditions défavorables à l’ambiance de l’investissement ?

— En général, c’est oui. Cependant, il est à noter que l’ambiance des investissements s’est beaucoup améliorée, de sorte que les bons indicateurs dépassent de loin nos prévisions. La semaine dernière, j’ai préféré ne pas publier les derniers indicateurs industriels, de peur que les médias ne nous accusent de les avoir édulcorés. Ainsi, en un seul mois, 8 milliards de L.E. ont été versées en capitaux frais sur le marché. Les médias nous avaient déjà critiqués quand nous avions prévu des investissements dans le secteur industriel à hauteur de 175 milliards de L.E. sur 10 ans. En fait, sur un intervalle de 6 mois seulement, nous en avons reçu 18 milliards.

— Les fruits de ces réformes ne touchent cependant que les grands investisseurs ...

— Je ne le nie pas. Je suis plus concerné par les grands investisseurs car ils représentent 80 % de l’activité industrielle. D’autant plus que les problèmes qu’ils soulèvent deviennent très urgents. En premier lieu, le manque de terrains convenant à l’activité industrielle. Nous avons une longue liste de 800 usines projetées qui ne trouvent pas de locaux. Ainsi, nous sommes en train de régler ces problèmes en allouant 800 000 feddans au secteur privé, dans des régions appropriées, pour y installer et gérer des zones industrielles. Sans oublier le problème du manque de la main-d’œuvre qualifiée. Pour y remédier, nous avons récemment créé un fonds de 500 millions de livres, pour la formation de la main-d’œuvre. Finalement, ce que vous appelez « les grands », ne le sont pas vraiment, selon les normes internationales. Nous avons, en fait, un grand défi de productivité. Ces soi-disant grands ont besoin d’accroître leur productivité. J’ai été choqué quand j’ai appris que les 7 plus grandes entreprises de prêt-à-porter égyptiennes ont chacune un chiffre d’affaires aux alentours de 100 millions de L.E., soit le niveau d’une entreprise internationale petite ou moyenne.

— Cette croissance n’est-elle pas d’ailleurs liée à la croissance mondiale et aux flux records de capitaux étrangers dans le monde entier ?

— Certainement. Nous bénéficions actuellement de liquidité internationale record. La croissance en Chine n’était-elle pas basée sur le boom américain ? En revanche, si la croissance en Chine ralentit, ou les cours pétroliers baissent, nous serons touchés. C’est la nature des choses dans ce monde ouvert. Les économistes ne disent-ils pas : « Sur le long terme, nous mourrions tous » ? D’ailleurs, nous sommes actuellement en train d’améliorer nos fondements économiques, pour devenir mieux préparés aux chocs extérieurs.

— L’Egypte s’est récemment lancée dans des négociations pour modifier l’Accord d’association avec l’Union Européenne (UE). Vous avez réclamé la réciprocité. Une ouverture européenne du secteur agricole contre une ouverture égyptienne du secteur des services. Ne craignez-vous pas la compétition avec ce bloc économique géant ?

— Il s’agit d’un accord, et donc de profits mutuels. Là, il faut comprendre que pour la première fois, l’UE est face à une proposition d’ouvrir son marché agricole. Les négociateurs européens hésitent énormément. Ce ne seront pas des négociations faciles. Ces pays sont toujours les avocats de l’ouverture des marchés et c’est le moment qu’ils appliquent véritablement leurs slogans. Il faut s’attendre au moins à trois ans de négociations.

— Est-ce que les entreprises égyptiennes sont capables de faire face aux entreprises européennes géantes dans le domaine des services ?

— Vous en serez surpris. L’Egypte possède déjà un grand nombre de services libéralisés et ayant réalisé des succès : télécommunications, hôtellerie, construction, entre autres. Mais je reconnais qu’il y aura un prix à payer, comme par exemple la concurrence qui sera exercée par exemple par un bureau de comptabilité ou d’avocat européen. Toutefois, nous croyons que nous profiterons sur le long terme. Prenons l’exemple de la technologie informatique. Une fois libéralisée, nous avons vu de grands noms s’installer, comme Oracle et Microsoft. Au début, le haut personnel était étranger. Maintenant, il est majoritairement égyptien. De plus, l’accès libre à la main-d’œuvre permet aux employés égyptiens de travailler en Europe.

— Parlant des accords commerciaux, une récente étude effectuée par Oxfam assure que de nombreux accords bilatéraux ont de mauvaises répercussions sur l’économie des pays émergents ...

— C’est tout à fait vrai. Dans le cas d’accords bilatéraux, la position des pays émergents est plus faible et ils sont obligés de se soumettre à de nombreuses conditions, sous la pression des pays développés. Mais, en Egypte, ce n’est pas le cas. Tout d’abord, nous n’avons pas un grand nombre d’accords avec ces pays. Ainsi, nous n’avons conclu que trois grands accords commerciaux, dont un seulement avec un grand rassemblement économique. L’Accord d’association avec l’Union européenne, l’Accord de la zone de libre-échange interarabe, et le marché commun de l’est et du sud de l’Afrique (Comesa). Quant aux autres accords bilatéraux, il n’y a que celui avec la Turquie, qui fait partie du processus de Barcelone, celui de l’Efta (Suisse, Norvège et Islande), on parle toujours des pays européens. Le reste des accords, avec la Chine, le Singapour, et autres. En réalité, ce ne sont que des arrangements permettant à l’Egypte de profiter de l’expérience de l’autre partenaire. Par ailleurs, il faut signaler que l’on a choisi de libéraliser le marché égyptien sans aucune pression étrangère. Prenez l’exemple de la réduction des taxes douanières sur les produits importés. Nous l’avons appliquée à deux intervalles, en 2004 et en 2007. Ces baisses vont au-delà de nos engagements internationaux, mais nous avons estimé qu’elles sont importantes pour l’économie égyptienne.

Névine Kamel et Salma Hussein

 




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