Al-Ahram Hebdo, Visages |Azza Fahmy,  Une carrière en prose
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 25 avril au 1er mai 2007, numéro 659

 

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Visages

Le synonyme de Azza Fahmy ce sont les bijoux. Tellement cette femme colle à sa passion. Sa griffe a le goût des ingrédients qu’elle y a mis : force, originalité et profond amour du patrimoine. Elle vient de publier un premier ouvrage, Enchanted Jewellery of Egypt (les bijoux enchantés d’Egypte), éd. AUC Press. 

Une carrière en prose

Elle répétait à sa tante quand elle était toute jeune : « Ma très chère, je serai une notoriété ». Et elle a fini par y arriver. Azza Fahmy est devenue une griffe qui s’est forgée à coup de ténacité et de persévérance. Elle cultive un chic qui a les pieds bien sur terre avec un enracinement très fort dans les racines arabo-musulmanes.

Ces bijoux sont gravés de vers soufis d’Al-Hallaj, de Omar Ibn Abi Rabiaa, d’Ahmad Chawqi. Sur certaines pièces sont inscrits des proverbes égyptiens ou dictons : Bahiya kal chams, gamila wa sabiya (belle comme le jour, toute jeune comme elle est). Ana masriya (je suis égyptienne). C’est son image de marque. Elle en est fière. Son emblème s’étale sur l’enseigne du magasin très haut de gamme au deuxième étage du First Mall à Guiza : il y a son nom, en dessus Le Caire, en dessous l’Egypte. L’ambiance donne très vite le ton.

« Je crois qu’une personne ne peut faire de bons bijoux sans avoir une profonde connaissance du métier. Il y a plus de trente ans de cela lorsque j’étais encore apprentie bijoutière, je traînais toujours avec mon cahier de notes, marquant tous les détails en voyant un maître orfèvre travailler. J’inscrivais les parcours des artisans, le commerce qu’on entretenait avec la Libye, etc. Ainsi, ai-je  rassemblé beaucoup d’informations sur l’histoire du métier et ses pratiques », précise Azza  Fahmy dans un jargon anglo-arabe expliquant comment elle a récolté les informations pour son premier livre sur les bijoux Enchanted Jewellery of Egypt (les bijoux enchantés d’Egypte) éd. AUC press. Dans ce livre, elle décrit les caractères spécifiques de l’artisanat de la bijouterie égyptienne, son évolution au fil des ans et son foisonnement dans le quartier populaire des Sagha à Khan Al-Khalili.

« Je m’intéresse beaucoup à la documentation. Car nous, les Arabes, nous ne préserverons pas les traits spécifiques de notre identité. Les costumes, les accessoires … constituent une part du patrimoine qui sera entièrement perdue sans même en avoir conscience ».

Puis, elle répète à sa manière : « Là où il y a volonté, il y a toujours issue ». Elle crache sa devise en anglais : « When There is a Will There is a Way ».

Dans les années 1960, la jeune Azza  Fahmy a fait des études de décoration. Plus tard, elle fut embauchée comme graphiste de livres. Pendant 8 ans, elle a alors exécuté ses tâches sans vraiment aimer son travail. Elle rêvait de faire des céramiques, d’expérimenter autre chose. « Un jour, j’ai trouvé un livre sur l’art des bijoux à l’époque médiévale en Europe lequel m’a beaucoup marquée. J’ai considéré que Dieu m’a donné un signe pour entamer une nouvelle carrière ».

Comment une jeune fille à l’époque peut-elle se lancer dans le domaine artisanal des bijoux alors qu’elle a déjà un poste et un salaire fixe ? La famille, les amis, tout le monde la regardait d’un air suspect. Sa mère y compris. Celle-ci n’appréciait pas du tout les tendances de sa fille, fréquentant tout le temps les artisans de Khan Al-Khalili et passant ses jours et nuits dans leurs ateliers.

« Moi, je n’y trouvais aucune bizarrerie. En fait, je ne pensais qu’aux bijoux. Je vivais modestement et j’ai voulu gagner ma vie en faisant de la bijouterie sans engager de grands moyens. L’argent était alors un métal raisonnable, à la portée de la main », raconte-t-elle. Or, ce métal relativement bon marché est devenu pour cette femme une fortune et une passion.

En fait, elle a passé deux ans de stage au Khan Al-Khalili, avec son premier maître orfèvre Hag Sayed, dont elle garde aujourd’hui la photo dans son bureau. Avide de tout savoir, elle passait la journée dans son atelier. « J’attachais mes longs cheveux pour éviter le feu du chalumeau, je portais une salopette et des chaussures de sport », évoque-t-elle en souriant. Parmi les artisans et les maîtres du métier, elle était bien accueillie. On lui donnait une pièce à polir, une autre à sculpter ... Et même lorsqu’elle n’avait rien à faire, elle les aidait dans les détails du travail.

Progressivement, ses créations deviennent plus compliquées, plus élaborées. Hag Sayed ne pouvait plus la suivre techniquement. Car à l’époque, elle était entrée en contact direct avec le Centre culturel britannique et son directeur. « M. Daniel suivait mon travail. Un jour, je lui ai dit : Hag Sayed ne peut plus m’instruire. Il n’a rien de plus à me donner. A travers le Centre britannique, j’ai eu une bourse pour étudier la bijouterie en Angleterre. Un vrai tournant parce que j’avais des professeurs qui m’apprenaient suivant une démarche méthodique ou scientifique ».

De retour, elle a loué un appartement dans le quartier populaire de Boulaq et a formé des assistants. Le travail de cet atelier lui a valu une certaine reconnaissance. De jour en jour, le nombre de ses collaborateurs augmentait.  Fahmy cherchait à instaurer une nouvelle gamme de bijoux au goût particulier. En 1995, elle installe son atelier ainsi que l’Institut Azza  Fahmy dans la cité du 6 Octobre. « On a commencé avec 45 personnes, aujourd’hui on compte plus de 150. Dans les réunions, je porte le chapeau du PDG, je parle de plans, d’obstacles et de solutions. Par ailleurs, je m’occupe personnellement de la section de designers. J’en suis la chef. J’accorde beaucoup d’intérêts à la formation de la main-d’œuvre. Sinon la griffe Azza Fahmy, son empreinte, tout sera ruiné ». Ses créations puisent toujours dans les cultures arabe et égyptienne. Il n’est pas question d’imiter un modèle italien ou autre. Pour ses petites pièces, qu’elle considère comme des « sculptures », elle s’inspire de la nature, de l’architecture, de la poésie, de tout ce qui est purement égyptien. Le désert et ses formes ont donné naissance à une collection Désert. Les maisons nubiennes lui ont inspiré une autre, etc. «  J’adore la poésie classique. Alors, j’ai mis ce que j’aime dans mon art. Un coup réussi avec l’emploi de la calligraphie ». Parfois même, il lui suffit quelques mots simples, pour atteindre un public plus large. « Les gens sont nostalgiques, ils aiment ces poèmes et ces dictons anciens. Ils ont le sentiment que petit à petit notre identité arabe se perdra. Mon travail leur donne espoir ». Elle a présenté pendant deux ans d’affilée sa collection Poèmes autour du cou. C’est en fait la metteuse en scène libanaise Nidal Al-Achqar qui a proposé à Azza Fahmy l’idée et le titre de cette collection, qui continue à vendre jusqu’à nos jours. Il s’agit de vers de poètes du XXe siècle : Nazek Al-Malaëka, Fadwa Touqane, Badr Chaker Al-Sayyab, Al-Hadi Adam et d’autres.

Amies de longue date, les deux femmes travaillent parfaitement ensemble. Azza Fahmy a conçu les costumes et les accessoires de deux pièces à succès signées par Al-Achqar, à savoir : Toqous al-echarat wa al-tahawolat (les rites des signes et des transformations) et Monamnemat tarikhiya (miniatures historiques). Fahmy ajoute : « J’ai aussi travaillé avec Youssef Chahine dans Al-Mohaguer (l’immigré) et dans le film Chafiqa wa Metoualli (Chafiqa et Metoualli) de Ali Badrakhane ... Travailler pour le théâtre ou pour le cinéma est un jeu, j’aime m’y lancer de temps en temps ».

En mars dernier, elle a collaboré avec le styliste et designer international Julien Mcdonalds pour une collection à Londres. «  Dans un défilé de mode, les accessoires doivent être impressionnants aux niveaux de la forme et du volume. Par exemple, Naomi portait un gigantesque bracelet. Les boucles d’oreille doivent être grandes pour attirer l’attention du public. En vente, ces productions regagnent leurs tailles et mesures normales ». Et d’ajouter  : « Je suis une mère et divorcée. Les femmes qui ont une carrière réussie et qui ont atteint une indépendance financière, peuvent se permettre de mettre fin à leur vie conjugale si elles ne se sentent pas heureuses. Elles peuvent se passer de la stabilité économique que leur offrent leurs maris. C’est plus sain », dit-elle.

Ses deux filles, Fatma et Amina, se sont engagées avec elle dans le travail. Fatma s’intéresse à la gestion alors qu’Amina a opté pour le design.

Aujourd’hui, la bijoutière peut se permettre de présenter trois collections par an : une pour la haute couture, une collection inspirée du patrimoine arabe, notamment la poésie, et une troisième plus « fashion » introduite par sa fille Amina.

La passion de Azza est in fine une affaire de famille.

May Sélim

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Jalons

1970 : Découverte de l’art des bijoux à travers le livre Les bijoux à l’époque médiévale en Europe.

1975 : Bourse en Angleterre à l’école de City of London polytechnique.

1995 : Inauguration de son atelier à la cité du 6 Octobre.

2001 : Exposition d’une collection privée en or.

2006 : Lancement de sa collection Poèmes autour du cou.

2007 : Coopération avec le styliste Julien Mcdonalds et parution de son premier livre, Enchanted Jewellery of Egypt, à l’AUC Press.

 




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