Le spectre de l’« iraqisation »
Les Libanais ont commémoré vendredi le 32e anniversaire
du début de la guerre civile (1975-1990) avec à l’esprit
la hantise d’un nouveau conflit intercommunautaire. Le
spectre de la guerre sur fond de blocage des
institutions est alimenté par les déclarations
incendiaires des dirigeants des parties adverses et la
situation régionale.
Après avoir jeté aux oubliettes au fil des années la
guerre civile, les Libanais évoquent de plus en plus l’«
iraqisation » de la crise traversée par leur pays. Cette
référence au conflit meurtrier entre sunnites et chiites
en Iraq constitue un triste rappel des réalités du pays
du Cèdre, composé d’une multitude de communautés,
chiite, sunnite, maronite et druze entre autres. Avant
l’invasion américaine de l’Iraq en 2003, c’était plutôt
l’expression « libanisation » qui avait le triste
privilège de désigner, dans des dictionnaires, la
désagrégation d’un Etat et d’un tissu social qui mène,
comme au Liban, à un affrontement entre communautés,
puis à une guerre civile.
La guerre du Liban avait fait dans ce pays minuscule
quelque 100 000 morts, et des milliers de disparus et de
personnes enlevées. Après ce conflit, qui a vu des
interventions militaires syrienne,
israélienne et palestinienne et des affrontements entre
milices locales, les Libanais avaient repris le chemin
de la paix civile. Mais, l’assassinat en février 2005 de
l’ex-premier ministre Rafiq Hariri, tourné vers
l’Occident et, paradoxalement, le départ en avril des
troupes syriennes du Liban, ont changé la donne.
L’impasse est en effet totale entre les deux camps, l’un
proche de l’Occident et de l’Arabie saoudite, berceau du
sunnisme, et l’autre proche de l’axe syro-iranien.
Au-delà des divergences ponctuelles, les deux camps
s’affrontent sur l’identité même du Liban. Le conflit
oppose depuis la mi-novembre le gouvernement de Fouad
Siniora, issu de la majorité parlementaire antisyrienne,
à l’opposition menée par le Hezbollah chiite et soutenu
par le président chrétien Emile Lahoud. En janvier
dernier, de violents affrontements entre sunnites et
chiites dans les rues de Beyrouth ont fait craindre aux
Libanais un nouveau conflit intercommunautaire. Depuis,
chaque camp accuse l’autre de s’armer. Certes, il n’y a
plus au Liban d’armement lourd aux mains des milices (à
l’exception du Hezbollah), comme à l’époque de la guerre
civile, mais les armes légères prolifèrent de
nouveau .