Côte-d’Ivoire .
Le coup d’envoi du démantèlement de la « zone de confiance »
a été donné lundi. Un pas vers la réunification du pays
coupé en deux depuis septembre 2002.
Mesures de confiance
La
Côte-d’Ivoire a commencé lundi à démanteler la « Zone De
Confiance » (ZDC) sous contrôle international qui la coupe
en deux depuis la fin 2002, un pas vers la paix consécutif à
la récente réconciliation entre le président Gbagbo et le
chef rebelle Guillaume Soro. La suppression de la ZDC, créée
par l’Onu, soutenue par la France, pour séparer les
belligérants ivoiriens après la tentative du coup d’Etat de
la rébellion des Forces Nouvelles (FN) contre M. Gbagbo, a
débuté officiellement avec la levée d’un premier barrage
international à Tiébissou (centre). Le président Gbagbo et
M. Soro, nommé premier ministre fin mars, ont assisté à la
cérémonie consacrant la suppression de cette bande de terre
d’environ 12 000 km2, d’est en ouest, programmée par
l’accord de paix qu’ils ont signé le 4 mars à Ouagadougou.
Après plus de quatre ans de présence, Casques bleus onusiens
et soldats français seront progressivement remplacés dans
cette zone par des unités mixtes loyalistes-rebelles
ivoiriennes. « Ce processus s’étalera sur plusieurs semaines
», a prévenu le commandant des Casques bleus, le général
Fernand Amoussou. La fin de la ZDC favorisera la circulation
entre le nord et le sud, la relance des échanges commerciaux
et le redéploiement de l’administration dans le nord,
déserté par les fonctionnaires depuis 2002. Elle devrait
favoriser l’organisation des élections, clé de la
réunification du pays, sans cesse repoussées depuis la fin
du mandat de M. Gbagbo en 2005 en raison de blocages
politiques, mais que ce dernier semble vouloir organiser
rapidement depuis sa réconciliation avec M. Soro. Elle pose
enfin à terme la question du retrait de quelque 8 000
Casques bleus et 3 500 soldats français déployés en
Côte-d’Ivoire, alors que l’accord de Ouagadougou a relégué
la communauté internationale, jusqu’ici très impliquée, au
rang d’observateur du processus de paix.
La France, dont les effectifs de Licorne passeront de 3 500
à moins de 3 000 hommes, et l’Onu n’ont pas caché leur
volonté de se retirer dès que la situation le permettra.
Paris voit la fin de la ZDC comme un événement « extrêmement
important et positif ». Une partie des quelque 3 500 Casques
bleus et 2 000 soldats français qui patrouillaient en ZDC
resteront dans cette zone, cantonnés dans 17 postes
d’observation d’où ils pourront intervenir « en cas de
besoin », mais qui seront progressivement supprimés. Selon
des sources militaires, les derniers pourraient disparaître
en décembre.
A l’heure du bilan, le général Amoussou a estimé que les
forces impartiales avaient « rempli leur mission » en ZDC en
évitant les hostilités entre nord et sud, sauf en novembre
2004, lorsque l’armée loyaliste avait bombardé la zone
rebelle, tuant plusieurs dizaines de civils et neuf soldats
français. Il a jugé la situation « calme » dans le pays, à
l’exception de l’ouest, territoire des milices, frontalier
du Liberia, où la situation des droits de l’homme reste «
très alarmante », selon l’Onu. La fin de la ZDC traduit
l’apparent déblocage du processus de paix ivoirien observé
depuis la signature de l’accord de Ouagadougou, suivi de la
nomination de M. Soro au poste de premier ministre. Lors de
son premier discours à la nation, vendredi, M. Soro a
demandé « pardon » aux Ivoiriens « pour tous et au nom de
tous », acteurs et victimes de la crise. La veille, M.
Gbagbo avait également fait un geste de réconciliation en
promulguant une amnistie pour les crimes de guerre commis
depuis septembre 2000.
Cette mesure vise à accélérer la réconciliation nationale,
également prônée par le premier ministre Guillaume Soro.
Selon la nouvelle loi d’amnistie, « sont amnistiées de plein
droit (...) les infractions contre la sûreté de l’Etat et la
Défense nationale commises par les nationaux ivoiriens se
trouvant sur le territoire ou en exil entre le 17 septembre
2000 et la date de signature de la présente ordonnance (12
avril) ». Cette amnistie, qui couvre toute la crise
militaro-politique déclenchée par la tentative du coup d’Etat
rebelle contre M. Gbagbo en septembre 2002 « ne s’applique
pas aux infractions économiques et aux crimes et délits
autres que l’atteinte à la sûreté de l’Etat ». Cette mesure,
qui ne devrait guère être approuvée par les associations de
défense des droits de l’homme, couvre ainsi les crimes,
parfois massifs, commis ces dernières années et restés
impunis, tels que les massacres d’opposants au camp
présidentiel, de forces loyalistes par les rebelles ou de
rebelles entre eux. Elle pourrait également permettre le
retour au pays d’anciens dirigeants exilés, notamment des
officiers comme l’ex-chef d’état-major Mathias Doué.
Cette amnistie était prévue par l’accord de paix
inter-ivoirien signé le 4 mars à Ouagadougou par le
président Gbagbo et le chef de la rébellion Guillaume Soro,
qui a entraîné une apparente réconciliation entre les deux
hommes, ponctuée par la nomination de M. Soro au poste de
premier ministre fin mars.
Hicham Mourad