Al-Ahram Hebdo, Dossier | Nouveau pas de danse
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 11 au 17 avril 2007, numéro 657

 

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Dossier

Etats-Unis-Monde arabe . Washington semble avoir mis le holà à sa campagne pour amener les pays arabes à plus de démocratie, préférant obtenir leur soutien pour ses desseins dans la région.

Nouveau pas de danse

Ce n’est pas être plus royaliste que le roi, mais c’est presque autant. « Si l’on s’arrête pour faire le point, on constate une tendance générale à la réforme politique, à une plus grande ouverture politique, à une correspondance plus directe entre les aspirations, les espoirs et les besoins du peuple et les actions des responsables élus ». C’est ce qu’a déclaré Sean McCormak, le porte-parole du département d’Etat américain à la veille du référendum sur les amendements de la Constitution en Egypte. Des mots qui pouvaient émaner du parti au pouvoir même ou de ses défenseurs les plus zélés. Il faudrait vraiment aller chercher entre les lignes pour retrouver une quelconque timide critique de l’Administration Bush contre le déroulement de la démocratie dans le pays le plus peuplé du monde arabe. C’est d’ailleurs à partir d’ici, que les Américains espéraient créer l’effet domino dans la région. Une sorte de démocratie contagieuse qui s’étendrait du Caire à Bagdad.

Si officiellement Washington, et par la voix du locataire de la Maison Blanche, continue à affirmer sa volonté de poursuivre la stratégie de promotion de la démocratie au Proche-Orient, il semble cependant que ces très modernes cow-boys admettent l’idée de Shelley Berkly. Cette Congress Woman, lors d’une session d’audience au Congrès en mai dernier, sur l’aide américaine à l’Egypte, affirmait : « Je commence à croire que la démocratie n’a aucune chance au Proche-Orient aussi bien qu’un homme sur la lune ». Sa campagne avec son collègue Tom Lantos, voulant rendre cette assistance, qui depuis 1979 a atteint 25 milliards de dollars, tributaire d’une réforme démocratique, semble avoir reçu une fin de non-recevoir, même de la part de l’Administration américaine. Car « les Etats-Unis ne peuvent pas dicter à l’Egypte comment procéder », comme l’a précisé, de manière si significative, Rice lors de son escale à Louqsor pour rencontrer ses homologues du Quartette arabe. Un nouveau realpolitik américain, qui pousse Mlle Condi à dresser un « tableau contrasté mais dans l’ensemble positif », d’une Egypte vue « comme le fer de lance régional de la démocratisation », écrit le département d’Etat sur son site.

Mais de manière plus concrète, pour les Américains, soutenir la démocratie, c’est soutenir les Frères musulmans en Egypte, le Hamas en Palestine. « Instaurer un modèle de démocratie même en Iraq est devenu plutôt un modèle de tragédie. Là où ils interviennent, le résultat est soit la montée des islamistes, soit le chaos destructif », explique le politologue Wahid Abdel-Méguid. D’après lui, l’échec politique et sécuritaire en Iraq a poussé Washington à remettre à sine die ses projets proche-orientaux, même si sa volonté d’hégémonie sur la région reste inchangée. L’ordre des priorités est juste remanié. Preuve en est sa réaction trop mitigée face au changement démocratique en Mauritanie, le premier dans un pays arabe. « Cette réussite pleine de promesses fait de la Mauritanie un modèle démocratique aussi bien pour l’Afrique que pour le monde arabe », se contente de déclarer l’ambassade américaine à Nouakchott dans un communiqué.

Aucune autre réaction d’un pays qui est censé promouvoir de « nobles idées » de démocratie. Aucune réaction non plus sur l’arrestation massive et perpétuelle dans les rangs de la confrérie égyptienne des Frères musulmans ou sur la répression des opposants les plus libéraux. Après de vives réactions sur l’arrestation et l’emprisonnement d’Aymane Nour, c’est le mutisme total. La seule véritable critique a porté sur la condamnation d’un blogueur. La collaboration prend le dessus sur la démocratisation. La dernière ne sert pas l’intérêt des Américains, la première oui. « Ils veulent sortir du bourbier iraqien, c’est désormais le premier objectif qui va de pair avec la crise iranienne », précise Abdel-Méguid. Changement de rythme donc et nouveau pas de danse. De plus, seraient-ils en train d’embrigader les pays arabes « modérés », dans leur confrontation avec l’Iran.

Le sénateur démocrate Bill Nelson, au terme d’une visite dans 8 pays de la région en décembre dernier, cité par Taqrir Washington, affirme que « dans chaque capitale arabe, la menace iranienne était en tête de l’agenda des responsables, et à vrai dire, les qualificatifs identiques concernant le danger iranien n’ont été prononcés que par Benyamin Netanyahu, le chef du Likoud, et Abdallah, le roi d’Arabie saoudite ». La mobilisation contre l’Iran et les chiites bat son plein, du moins selon Seymour Hersh, journaliste de renommée et bête noire de Bush. Et donc ne cesse de revenir sur les lèvres des responsables américains, « la crainte arabe de l’influence iranienne, de l’agenda de Téhéran dans la région ». (lire page 5). La scission entre « radicaux et modérés » au Proche-Orient encourage davantage les Américains. Des consultations de haut niveau, des rencontres ici et là dans les capitales arabes et une coopération non dissimulée en matière de renseignements.

Mais les Arabes sont encore loin de répondre favorablement aux espoirs de l’Oncle Sam, du moins selon le politologue égyptien, « car leurs appréhensions sont bien différentes, et les Américains croient naïvement qu’ils sont les mêmes ». Du coup, un terrain de véritable entente peine à être établi.

La visite en Egypte de l’ex-président iranien Mohamad Khatami est-elle l’un des indices de ce manque d’entente ? Le président réformateur s’est, en fait, vu réserver un accueil impressionnant jamais accordé à un responsable iranien depuis la révolution de 1979. Un entretien avec le président Moubarak, et un petit-déjeuner en son honneur en présence de plusieurs ministres égyptiens. Un événement au vrai sens du terme, mais qui n’a trouvé aucun écho dans les médias occidentaux. Une harmonie irano-égyptienne augure mal du plan américain dans la région et encore plus à Israël.

Un jeu d’équilibriste

Ne serait-il cependant pas naïf de croire que les alliés traditionnels de la Maison Blanche rompront leur pacte ? Ne serait-il pas absurde de croire que les autorités des pays arabes « modérés » sont en train de mettre des bâtons dans les roues du projet américain ?

Il est vrai que les idées de grand Moyen-Orient ou de nouveau Moyen-Orient avaient suscité l’hostilité et la méfiance des amis de Washington. (Lire fiche ci-dessous). Pour la première fois, on a vu le président égyptien, aussi exacerbé, s’envoler en direction de Riyad pour critiquer avec le chef du royaume « l’imposition de l’extérieur d’un type spécifique de réformes ». Mais pour ne pas déranger l’ami américain, un plan saoudien, plus tard arabe, de paix avec Israël sera lancé. « Ils sont convaincus que la résolution de la question palestinienne mettra un terme à tous les maux de la région », déplore le politologue. Jusqu’à preuve du contraire, cette question s’avère la plus difficile à régler. C’est vrai, la Palestine est le détonateur qui peut faire exploser la situation, mais d’ici à résoudre ce problème de manière radicale, il y a des hésitations. Le sort d’Israël reste la chose fondamentale pour Washington. « Les Américains, dans leur ensemble, voient Israël comme la victime potentielle d’une mobilisation éventuelle du monde arabe », comme le soutient Guillaume Parmentier, spécialiste des Etats-Unis à l’Institut français de recherches internationales. Du coup, d’après lui, Bush manifeste une position de soutien quasi inconditionnel à Israël même si cela remettrait en cause le processus de paix. Une identification politique et stratégique avec l’Etat hébreu. Paradoxalement, l’électorat juif est en grande majorité du côté des Démocrates, et ces derniers n’ont pas hésité à dépêcher la présidente du Congrès en Syrie qui, d’ailleurs, appartient à « l’axe du mal », selon Bush. Au Caire, le chef de la majorité au Congrès, le Démocrate Steny Hoyer, a rencontré le chef du groupe parlementaire des Frères musulmans, Mohamad Saad Al-Katatni. Changement de cap de la part des Américains, ou concurrence entre Républicains et Démocrates ou bien encore simple rencontre de routine qui ne devrait avoir de répercussions majeures sur la politique de l’Amérique dans le monde arabe ? La réponse pourrait se situer à cheval entre les trois. C’est ce que les plus critiques appellent l’attitude schizophrène des Américaines et qui se résume en fait par l’image aussi négative dont jouit Bush dans cette région.

Une reconquête est plus que jamais nécessaire pour les Américains : un nouveau lifting pour améliorer l’image de leur pays et reconquérir les esprits des habitants du Proche-Orient. Mais comment le faire alors qu’ils soutiennent inconditionnellement Israël et jouent la carotte ou le bâton avec les Arabes ? Une schizophrénie partagée d’ailleurs. Les Arabes font face à cette difficulté de tenter de rester des alliés stratégiques de Washington, sans trop heurter le sentiment national et irriter davantage une population anti-américaine. Un jeu d’équilibriste de part et d’autre mais où l’un excelle et l’autre ne cesse de se casser le cou.

Samar Al-Gamal

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Moyen-Orient, entre grand et nouveau 

Le grand Moyen-Orient, le nouveau Moyen-Orient. Deux concepts inventés par les Américains pour désigner le morcellement de la région et la redessiner selon des divisions ethniques et religieuses.

La formule du « Grand Moyen-Orient (GMO) », tel que défini par Washington, correspond à un découpage régional d’un point de vue stratégique strictement états-unien, sans rapport aucun avec les réalités historiques, culturelles, sociales, politiques ou économiques qui fondent les découpages régionaux en général. Ce terme est utilisé par George Bush et son Administration pour désigner un espace s’étendant du Maghreb et de la Mauritanie jusqu’au Pakistan et l’Afghanistan, en passant par la Turquie, le Machreq et l’ensemble de la péninsule arabique.

Bush a d’abord évoqué la doctrine de remodelage du grand Moyen-Orient, le 26 février 2003, devant une réunion de néo-conservateurs de l’American Enterprise Institute (AEI), avant de la lancer officiellement pour la première fois lors de la réunion du G8 en juin 2004. L’initiative vise un vaste ensemble d’Etats, d’histoire et de culture différentes, représenté par les 22 pays de la Ligue arabe et 5 Etats non arabes : la Turquie, Israël, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan. L’initiative dite du Partenariat pour l’avenir au Moyen-Orient a ainsi été développée en un projet d’un grand Moyen-Orient qui vise à transformer le paysage politique et économique de cette région.

Cette formule n’a convaincu d’autres partenaires que les Etats-Unis eux-mêmes et leur allié israélien, qui partage en bonne partie leurs soucis stratégiques.

Les Etats concernés, à commencer par les pays arabes, ont largement rejeté le découpage proposé. Même les alliés européens de Washington ont montré très peu d’enthousiasme. L’initiative de Washington a donc subi un véritable fiasco.

En juin 2006, l’expression « nouveau Moyen-Orient » apparaît à Tel-Aviv avec Condoleezza Rice, pour remplacer l’expression plus ancienne du « grand Moyen-Orient ».

Le projet du « nouveau Moyen-Orient » était présenté publiquement par Washington et Tel-Aviv dans l’espoir que le Liban serait le point de tension, pour la réorganisation entière du Moyen-Orient, permettant le déchaînement des forces du « chaos constructeur ». Ce « chaos créateur », qui crée l’état de violence et de guerre dans toute la région, sera pour sa part utilisé de sorte que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et Israël puissent redessiner la carte du Moyen-Orient en fonction de leurs besoins et objectifs géostratégiques. En pleine guerre du Liban, Rice a déclaré que « les douleurs du Liban sont les contractions de la naissance d’un nouveau Moyen-Orient ». Rice a été aussitôt critiquée mondialement pour ses déclarations sur le Liban et pour son indifférence à la souffrance d’une nation entière, qui était bombardée sans distinction par l’armée de l’air israélienne.

Ce « nouveau Moyen-Orient », comme il a été retracé par Ralph Peters, lieutenant-colonel américain à la retraite, dans un article intitulé Blood Borders (les frontières du sang) dans le journal Armed Forced, est essentiellement basé sur l’ethnie et la religion. De nouveaux Etats apparaissent, d’autres se divisent et d’autres fusionnent. Tous les Etats de l’Afrique du Nord jusqu’à l’Egypte sont écartés de son plan. L’Iraq sera divisé avec, au nord, un Etat kurde, augmenté des territoires kurdes turcs, iraniens et syriens. Plus au sud, un super-Etat chiite arabe serait constitué des provinces sud de l’Iraq en majorité, des champs pétrolifères du Chatt Al-Arab iranien et leur continuité en Arabie saoudite. La partie Est du Royaume saoudien, pétrolifère, serait ainsi rattachée à cet Etat. Le Koweït serait enclavé dans ce super-Etat chiite.

Des projections de l’esprit qui pourraient ne pas être opérantes, comme on l’a constaté avec l’échec des différentes conceptions que se sont faites les Américains. Or, le seul risque provient de la faiblesse et de la désorganisation arabes qui pourraient aider ce genre de desseins.

Chaïmaa Abdel-Hamid

 




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