L’amendement constitutionnel et les partis
Hassan Abou-Taleb
Politologue
La
demande du président Moubarak d’amender un nombre d’articles
constitutionnels se rapporte surtout au système électoral et
à ceux régularisant la vie politique. Pour ce qui est de la
loi des élections, il était question d’amender les articles
62 et 94. La première concerne les libertés, les droits et
les devoirs généraux. On peut la lire littéralement comme
suit : « Le citoyen dispose du droit d’élection, de proposer
sa candidature et d’exprimer son opinion dans un référendum
conformément aux préceptes de la loi et sa contribution dans
la vie publique est un devoir national ».
Quant à l’article 94, il s’agit du régime au pouvoir, où il
est dit : « Si la place d’un membre se trouve vacante avant
l’échéance de son mandat, le nouveau membre devra achever le
mandat de son prédécesseur ».
Conformément aux recommandations du président Moubarak sur
l’amendement de ces deux articles, l’objectif est que la
Constitution permette au législateur de choisir le système
électoral garantissant une représentativité plus large des
partis politiques au sein de l’Assemblée du peuple et du
Conseil législatif. Ces amendements garantissent à la femme
une participation plus efficace dans la vie politique et lui
permettent un taux de représentation plus important au sein
des conseils législatifs.
La question qui s’impose à l’ombre d’une telle conjoncture
est la suivante : est-ce que ce sont les élections qui
garantiront aux partis une plus grande efficacité ou est-ce
que toute la question nécessite un réexamen et une
réévaluation de la vie politique en donnant plus de liberté
à la formation des partis ? C’est pourquoi la demande du
président s’est également articulée autour de l’article 5
propre au régime politique qui stipule que le système
égyptien repose sur le pluralisme. Le président Moubarak a
demandé de rajouter deux paragraphes à cet article. Le
premier pour confirmer certaines constantes régissant la
personnalité égyptienne et à laquelle tout le monde
s’attache, et celle interdisant toute discrimination entre
les citoyens sur la base de la religion, du sexe ou de la
race. Un troisième article interdit l’exercice de toute
activité politique, ou même la formation de partis sur la
base de la religion, du sexe ou de la race. Pour ancrer le
principe de l’unité nationale et celui de citoyenneté et
surtout pour empêcher une quelconque discrimination entre
les deux éléments de la nation égyptienne, c’est-à-dire
musulmans et coptes.
Dans ce contexte, il va falloir faire deux remarques : la
première concernant l’existence d’une relation organique
entre la vie politique et la loi régularisant le processus
électoral et la seconde sur l’existence d’une autre relation
organique entre la loi régularisant la création des partis
et la capacité d’instaurer une véritable vie partisane,
libre et basée sur la compétition.
Le résultat logique est que le simple amendement de
l’article sur le système électoral, bien qu’il s’avère d’une
grande importance, n’est pas à lui seul suffisant pour
insuffler l’esprit de compétition politique et garantir un
plus grand espace de participation politique. D’autres
conditions doivent être insérées dans la Constitution. Ce
qui nécessite une révision de la loi régularisant la
création des partis, n°40 de l’année 1977 qui avait déjà
subi quelques amendements en 2005.
Le système électoral en vigueur en Egypte est celui du
scrutin uninominal qui a été déterminé par la loi 201 de
l’année 1990. De l’avis de nombreux observateurs, ce système
est responsable de 5 aspects négatifs dans la vie politique.
D’abord, il est derrière l’affaiblissement des partis, et
ceci lorsqu’il a autorisé la candidature des indépendants
détachés de leurs partis, la faiblesse de la représentation
de la femme parce qu’elle s’engage dans les élections sans
appui émanant des partis ou des institutions. Il a également
permis à la confrérie interdite un énorme succès malgré
toutes les entraves, comme il y a une représentation faible
des coptes. Et enfin, nous avons un phénomène nouveau, à
savoir celui des indépendants qui se sont séparés de leur
parti avant les élections pour les réintégrer après. Ce qui
a sans doute affaibli la concurrence entre les partis et a
multiplié le phénomène de la violence et des pots-de-vin. Ce
système a surtout affaibli le contrôle que le député est
censé exercer sur le gouvernement, surtout que sa force et
sa popularité sont en général tirées de sa bonne relation
avec le gouvernement qui lui procure les services propres à
sa circonscription.
Dans ce contexte, si la loi est amendée au profit du scrutin
par liste, en tant que mécanisme pour raffermir le rôle des
partis dans la vie politique, il serait indispensable de
promulguer une nouvelle loi garantissant un système
d’élection à travers les partis qui deviendront le seul
canal légitime pour les candidatures. Ceci donnera plus de
chances aux candidatures féminines et coptes. En réalité, il
existe 3 grandes problématiques à propos du premier système
électoral qui contraint la liberté des partis. Et donc, par
conséquent, une partie des citoyens continuera à considérer
que les partis actuels ne répondent pas à leurs ambitions
politiques. Et donc, les craintes selon lesquelles le
système par liste détournerait les citoyens au lieu de les
attirer trouvent leurs justifications. La solution serait
alors de donner plus de liberté aux partis à condition
qu’ils ne soient pas des partis religieux et qu’ils
obtiennent une autorisation.
La deuxième problématique réside dans la faiblesse des
partis et la précarité de leurs ressources en comparaison
avec le Parti National Démocrate (PND, au pouvoir). Et donc
le système électoral du scrutin par liste amplifiera
davantage l’hégémonie du PND sur la vie politique. La
solution dans ce cas-là serait de liquider toute contrainte
sur le travail des partis existants. Tout en donnant à ses
membres l’occasion de réformer leurs partis à travers une
démocratisation interne du parti et l’ouverture sur les
foules.
Quant à la troisième problématique, elle réside dans le fait
que le scrutin par liste n’aborde pas sérieusement la
représentation de la femme et des coptes. La question relève
avant tout de la nature de la culture politique et sociale
dominante et de la capacité des partis à devenir le miroir
des deux éléments de la nation, musulmans et coptes, et
également des femmes et des hommes sans distinction.
Le législateur propose dans ce cas que le nouveau système
électoral soit un scrutin par liste et comprenant un quota
pour les indépendants. Il faudrait discuter à ce moment-là
le nombre des indépendants et avant tout donner plus de
liberté aux partis et changer la philosophie animant
l’activité des partis. c
Le principe du pluralisme doit s’exercer dans un climat de
concurrence libre, sans interférence aucune de la part d’un
organisme administratif dans les affaires internes d’un
parti.