La
liberté d’expression dans l’impasse
Salama A. Salama
En
Egypte et dans le monde arabe, nous avons un grave problème
concernant la compréhension et la pratique d’un des plus
importants droits de l’homme : la liberté d’opinion et
d’expression.
Cette
liberté se reflète sur la vie publique dans les domaines des
activités politiques et intellectuelles. Cependant, la loi
intervient à cet égard, décidant des dimensions dans
lesquelles il est permis de pratiquer ce droit.
Le
fondement de la liberté d’expression c’est le droit
d’exprimer une pensée ou un avis différent de ceux dominant
dans la société, quelle que soit leur force. Ce droit est
quasi inexistant dans les pays encore novices en matière de
démocratie et de façon plus générale, dans les sociétés
fermées.
Mais
dans les sociétés qui ont pour base une culture critique, la
liberté d’expression est une dynamique qui implique de
nombreux domaines : la liberté de presse, la liberté de
croyance et la liberté de manifester pacifiquement. Et cette
liberté ne s’applique pas seulement au dialogue politique
mais s’étend également aux activités artistiques, aux
pensées religieuses et à tout ce qui incarne l’esprit de
l’homme. Ceci est davantage plus clair dans une ère comme la
nôtre, dans laquelle la technologie de pointe
(communication, Internet, etc.) s’est imposée comme une
évidence et un défi.
Il
semble que notre capacité d’assimiler la liberté
d’expression selon cette conception mondialisée n’existe
plus. En très peu de temps, une multitude de questions
concernant la liberté d’expression s’est manifestée causant
une crise grave. Un jeune étudiant azhari a été condamné à 4
ans de prison pour avoir nui à l’islam et insulté le chef de
l’Etat dans des écrits publiés sur Internet. Ces blogs ne
sont autres que des chroniques que n’importe qui peut écrire
et publier sur son site électronique. Le verdict a suscité
de nombreuses critiques, puisque jamais auparavant des
publications sur Internet n’ont été jugées, sauf en Chine.
Cet événement est intervenu alors que l’Egypte se prépare à
accueillir, en 2009, une conférence internationale des
Nations-Unies sur la rationalisation de l’emploi d’Internet.
C’est peut-être pour cela que le ministre des Affaires
étrangères a répondu avec véhémence contre ce qu’il a
considéré comme une ingérence dans les affaires de la
justice égyptienne.
Or, la
véhémence est ici injustifiée et la colère inutile. Nous
vivons dans un environnement mondial qui nous juge selon nos
comportements, conformément à des normes internationales. Et
c’est alors que peu après, nous avons entendu parler de la
fuite à l’étranger de l’écrivaine Nawal Al-Saadaoui, à cause
de ses idées qui ont suscité la colère d’Al-Azhar, qui
aurait intenté un procès contre elle ; l’obligeant à
comparaître devant le Parquet général. Puis, il y a eu le
chaos suscité autour d’un programme présenté par la célèbre
femme de médias Hala Sarhane sur les prostituées. Ce
programme a été considéré comme nuisant à la « réputation du
pays », parce qu’il a abordé un sujet tabou. Les échos de
cette histoire ont atteint le Parlement et attiré
l’attention sur la situation de chaos qui sévit dans le
secteur des chaînes satellites arabes à cause de l’irrespect
de la déontologie de la presse. Et enfin, nous avons entendu
une nouvelle annonçant l’interdiction de diffusion de la
chaîne iraqienne Al-Zawraa pour des raisons politiques,
suite à une exigence américaine. Tous ces événements se sont
succédé rapidement, prouvant que les problématiques
relatives à la liberté d’expression demeurent obscures et
confuses autant pour l’opinion publique, que pour les médias
et pour ceux qui appliquent les textes de la loi.
S’il a
été possible de parvenir à des règlements interdisant la
détention pour des délits de publication, comme il s’est
passé pour le journal Al-Dostour, les mêmes règlements
doivent être appliqués à la publication sur Internet et les
chaînes satellites. Et il est devenu urgent de s’accorder
sur les règles garantissant la liberté d’expression sans que
le gouvernement ni des institutions religieuses n’imposent
leur autorité sur la pensée et l’opinion.