Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Hautement  explosif
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 7 au 13 mars 2007, numéro 652

 

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Nulle part ailleurs

Bouteilles de Gaz. De l’usine à l’entrepôt de stockage, des dizaines de manutentionnaires jusqu’au livreur, les bonbonnes sont mises à rude épreuve, en faisant parfois de véritables bombes à retardement.

Hautement  explosif

Bruit d’une explosion sourde. Tout le village de Tamouh, à Guiza, semble avoir été soufflé par une bombe. La panique bat son plein. Et il y a de quoi. Un camion chargé de 350 bonbonnes de gaz, garé devant l’usine de pétrochimie, a explosé. Une semaine plus tard, c’est à Minyet Sammanoud, à Daqahlyia, dans le Delta, que 500 bonbonnes ont explosé. Bilan : des blessés graves et des morts. Au cours de la même période, un couple de jeunes mariés est mort asphyxié suite à une fuite d’une bonbonne de gaz mal fermée. Un incident similaire s’est produit à Minya Al-Bassal, à Charqiya, où une famille entière a perdu la vie. A Matariya, un entrepôt de stockage qui ne répondait pas aux critères de sécurité a pris feu, provoquant l’explosion de 200 bonbonnes. Les flammes d’une hauteur de 32 mètres ont atteint trois maisons qui ont été complètement incendiées. Autre incident, les habitants de Helmiyet Al-Zeitoun ont échappé de justesse à la mort. Un court-circuit causé par des fils électriques, volés par un propriétaire d’un entrepôt à partir d’un poteau, a provoqué une forte explosion. Cela aurait causé d’énormes dégâts s’il n’y avait pas eu l’intervention rapide des pompiers qui ont réussi à éviter le pire. Par ailleurs, et dans le même cadre, 8 000 bonbonnes de gaz ont été saisies à Qalioubiya, car elles ne répondaient pas aux normes de sécurité. Et la liste est encore bien longue. On peut dire sans exagérer que la menace pèse désormais au quotidien au point de devenir un des plus importants sujets de débat. Des bombes prêtes à exploser à tout moment, d’où la question : comment arrivent-elles chez nous dans cet état ? Selon Mohamad Soliman, responsable de la sécurité industrielle, 36 millions de bonbonnes de gaz sont en usage en Egypte, dont la plupart sont périmées et ne répondent plus aux critères de sécurité. La majorité date depuis 40 ans, or dans tous les pays du monde, la durée de vie d’une bonbonne est de 10 ans au maximum. « Les critères de sécurité sont connus par les fabricants et les importateurs. Pourtant, du point de vue solidité et épaisseur, nos bonbonnes dépassent les normes internationales de 20 % et ce, pour qu’elles puissent supporter n’importe quel choc. Malheureusement, ces bonbonnes, à force d’être posées brutalement et traînées par terre, finissent par être en piteux état. Tout cela réduit leur durée de vie et peut les transformer en une véritable bombe à retardement. De plus, aucune indication n’est portée sur la bouteille de gaz quant à la date de sa fabrication », explique-t-il, tout en ajoutant que deux millions de régulateurs chinois ont été importés par le secteur privé et répartis sur 45 usines à travers tout le territoire. Des régulateurs qui ne répondent pas aux normes de sécurité et provoquent des fuites. Pourtant, comme cela c’est souvent le cas chez nous, on ne réagit sérieusement qu’une fois la catastrophe survenue.

Il est 16 heures et Karima n’a pas encore préparé son déjeuner. Sa bouteille de gaz étant terminée, elle ne possède pas de réchaud à pétrole pour préparer de quoi manger. Elle ne cesse de faire le va-et-vient devant la fenêtre, dans l’espoir d’entendre le livreur qui signale son arrivée en frappant à l’aide d’une clé à molette la carcasse d’une bonbonne vide. Un tintamarre que l’on n’entend plus depuis cette grande pénurie. Karima a chargé le portier de faire descendre la bouteille vide depuis le matin et elle n’est pas la seule à être en panne de gaz. Ses voisines qui ont des bonbonnes de rechange sont dans la même situation.

Restaurants, gargotes et hôpitaux, la pénurie a touché tous les secteurs. « La bonbonne qui coûte normalement 4 L.E. se vend au marché noir entre 12 et 20 L.E. Nous sommes prêts à débourser n’importe quel prix pourvu que l’on arrive à se procurer une bouteille pour préparer les repas à nos enfants », se plaint Karima tout en ajoutant que son mari a passé la journée du vendredi devant l’entrepôt d’Al-Hawamdiya, à Guiza, pour tenter de remplir la seconde bonbonne de rechange, mais sans y parvenir. En fait, c’est l’avidité des propriétaires des entrepôts qui a aggravé la crise. Ces derniers vendent quotidiennement leur quota à des marchands ambulants qui les revendent à leur tour avec un bénéfice de 4 ou 5 L.E. par unité.

Soudain, Karima entend au loin le bruit des roues branlantes d’une charrette. Une foule de gens est amassée autour de lui. Avec son apprenti, ils ne savent plus où donner de la tête. Les bonbonnes sont posées par terre brutalement, provoquant un bruit fracassant. Un enfant, ne pouvant transporter la bouteille de gaz sur ses frêles épaules, la fait rouler par terre jusqu’à son domicile. Une scène que l’on voit souvent dans la rue et qui peut dégénérer en véritable catastrophe. En moins d’une demi-heure, le livreur a liquidé toutes ses bouteilles de gaz. Il repart sans que personne ne sache s’il va revenir. Et c’est à Saad, le portier, de faire le reste du travail, à savoir faire monter la bonbonne de gaz et l’installer. Ce dernier ajuste le régulateur et le serre à l’aide d’une clé à molette, ouvre le robinet de la bonbonne et pour s’assurer qu’il n’y a pas de fuite, il se serre d’une allumette. Un geste dangereux auquel utilisateurs et livreurs recourent et qui peut être très dangereux en cas de fuite du tuyau relié au régulateur. Une petite flamme jaillit. Saad se presse aussitôt de fermer le robinet. Il tente de comprendre si la fuite de gaz vient de la bonbonne elle-même ou du tuyau. Il remarque que le tuyau est en mauvais état et se rend au magasin le plus proche pour en ramener un tout neuf et l’installe. Il se rend compte aussi qu’il y a un problème avec le régulateur, de fabrication chinoise. « Je viens de l’échanger il y a à peine un mois », lance Karima au portier. Après plusieurs tentatives, Saad sent toujours une odeur de gaz et conclut que le bouteille présente une défaillance.  

Des installations peu adaptées

Or, si la bonbonne de gaz est mise à rude épreuve par le livreur et le citoyen, elle l’est aussi par les manutentionnaires qui travaillent dans les entrepôts et qui ne respectent pas les critères de sécurité.

A Matariya se trouve une aire de stockage pour bonbonnes de gaz, située dans une zone à forte agglomération au rez-de-chaussée d’un immeuble. L’endroit est mal aéré alors qu’il doit posséder plusieurs bouches d’aération pour éviter que le gaz ne s’accumule en cas de fuite. Plusieurs bonbonnes sont allongées dans le sens vertical et l’entrepôt est dépourvu d’extincteurs. Des manutentionnaires sont en train de charger un camion. Ils balancent brutalement les bouteilles sur le plateau du véhicule. Le bruit qu’ils provoquent est fracassant. L’un d’eux, assis par terre, fume tranquillement une cigarette alors qu’il est interdit de le faire. Plus loin, un ouvrier se prépare une tasse de thé sur un petit réchaud à pétrole. Inconscient du danger, il continue de soulever des bouteilles sans se soucier des mesures de sécurité. Soudain, un citoyen se présente à eux pour échanger une bonbonne qui présente une fuite. C’est la deuxième fois que cela lui arrive. Furieux, Hassan ne comprend pas comment l’usine livre toujours des bonbonnes pareilles, il demande qu’on lui échange la défaillante avec une autre en meilleur état. « La faute est à l’usine de fabrication qui n’a pas l’installation nécessaire pour détecter les fuites de gaz », lui lance un manutentionnaire. Hassan repart tout en se demandant s’il finira, un jour, par mourir brûlé ou asphyxié par une bouteille de gaz .

Chahinaz Gheith

 




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