Arabie-Iran
. La première visite du président Mahmoud Ahmadinejad à Riyad semble avoir débouché sur peu de
résultats concrets. Les deux pays restant opposés sur les questions régionales
qui les séparent.
Une rencontre qui laisse à désirer
Simples
vœux pieux et réelle volonté de surmonter leurs divergences. Les résultats de
la première visite officielle du président iranien Mahmoud Ahmadinejad
en Arabie saoudite divisent. A l’issue de leur première rencontre officielle à
Riyad, dont l’objectif était de faire baisser la tension dans la région et
calmer les crises qui la déchirent, notamment en Iraq et au Liban, les chefs
d’Etat saoudien et iranien ont fait le serment samedi de combattre les tensions
entre chiites et sunnites, qualifiées du plus grand danger menaçant le monde
musulman.
Le
président conservateur iranien et le roi Abdallah d’Arabie saoudite ont
également souligné l’importance de l’unité du peuple palestinien, de la mise en
œuvre du plan de sécurité des autorités iraqiennes et
de la préservation de l’unité et de l’indépendance de l’Iraq. « Les deux
dirigeants ont déclaré que le plus grand danger menaçant la nation musulmane
actuellement est la tentative de répandre des dissensions entre musulmans
sunnites et chiites, et que des efforts devraient être exercés pour mettre fin
à de telles tentatives et serrer les rangs », a indiqué l’agence de presse
saoudienne SPA. Toujours selon l’agence, le président iranien a déclaré
soutenir les efforts saoudiens pour calmer la situation au Liban, en proie à
une crise politique et aux tensions communautaires. Téhéran est cependant un
important soutien du Hezbollah, le groupe chiite libanais qui tente de
renverser le gouvernement appuyé par les Etats-Unis et l’Arabie saoudite entre
autres.
Ces
déclarations de bonne intention cachent cependant mal la tension et
l’inquiétude d’une grande partie des gouvernements arabes, sunnites pour la
plupart, dont celui de l’Arabie saoudite, face au soutien iranien aux chiites
du Liban et de l’Iraq, où les Etats-Unis accusent également Téhéran d’aider les
milices qui combattent les forces d’occupation. Aux yeux de nombreux sunnites,
dont Riyad, l’Iran, dont le programme nucléaire inquiète également, est un
facteur d’instabilité dans la région. Malgré un dialogue continu, les relations
entre les deux puissances régionales restent tendues, le Royaume saoudien,
berceau du rite sunnite, s’inquiétant de l’influence grandissante de l’Iran
chiite au Liban et en Iraq.
Riyad
et Téhéran souhaitaient notamment coordonner leurs positions avant la tenue le
10 mars de la conférence internationale de Bagdad, convoquée par le
gouvernement iraqien pour tenter de ramener la paix
dans le pays. Mais rien n’indique qu’ils y sont parvenus. Sous fortes pressions internationales, notamment américaines, au sujet
de ses ambitions nucléaires, l’Iran cherche apparemment à casser son isolement
accru, y compris dans la région. La tournée d’Ahmadinejad
au Soudan et en Arabie saoudite semblait destinée à atteindre cet objectif, au
moment où Riyad est soucieuse d’éviter toute confrontation militaire entre les
Etats-Unis et l’Iran. Ceci n’enlève cependant rien aux facteurs de tension
entre l’Iran et les pays de la région. Téhéran a accru son influence en Iraq,
désormais dirigé par des chiites, et au Liban avec le Hezbollah qui mène
l’opposition et un mouvement de protestation contre le gouvernement qui a
paralysé le pays. L’Arabie saoudite est l’un des principaux bailleurs de fonds
du Liban et a des liens étroits avec le gouvernement de Fouad Siniora.
Pas les mêmes vues
Selon
un diplomate arabe en poste à Riyad, « l’Arabie saoudite comprend que l’Iran
est un protagoniste important dans la région avec lequel elle doit traiter même
si les deux pays n’ont pas les mêmes vues ». Le secrétaire général du Conseil
saoudien de sécurité nationale, le prince Bandar bin
Sultan, avait récemment effectué une visite à Téhéran. « Les contacts de
l’Arabie saoudite avec l’Iran visent à amener Téhéran à jouer un rôle positif
en Iraq et au Liban », a ajouté le diplomate. L’activisme régional du Royaume
saoudien est d’autant plus important qu’il s’apprête à accueillir les 28 et 29
mars le sommet annuel des chefs d’Etat arabes, alors que les crises se
multiplient dans la région.
Tout porte à croire qu’en l’absence
de tout accord concret annoncé à l’issue de leur sommet, les déclarations des
chefs d’Etat saoudien et iranien sont plutôt des vœux pieux. Pour preuve : le
président iranien n’a pas manqué de souligner avant son départ de Téhéran son
opposition à la politique américaine en Iraq, soutenue par Riyad. « Les Iraqiens devraient être autorisés à mettre en œuvre leurs
décisions et leur sécurité eux-mêmes », a-t-il dit, estimant que le régime iraqien subit des ingérences des Etats-Unis et que la
principale condition à la réduction des violences est un départ des forces
d’occupation. Ahmadinejad n’a pas manqué non plus
lors de sa visite à Khartoum, jeudi, d’appeler les musulmans à se rassembler
derrière l’Iran lors d’une conférence devant des responsables et intellectuels
soudanais.
Hicham Mourad