Al-Ahram Hebdo, Visages | Mohamad Abdel-Fattah,  L’Hercule national 
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 28 mars au 3 avril 2007, numéro 655

 

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Visages

Champion du monde 2006, le lutteur Mohamad Abdel-Fattah, dit Bougui (84 kg), débute la saison la tête dans les JO de 2008. Depuis 20 ans qu’il s’entraîne, pas question que la médaille olympique lui échappe une troisième fois.  

L’Hercule national  

Robuste, vêtu à la mode, visage rayonnant et yeux miel. Le champion du monde de lutte gréco-romaine (catégorie 84 kg), Mohamad Abdel-Fattah, dit Bougui, a la démarche d’une vedette de cinéma. Sa voix douce et sa manière de s’exprimer le rapprochent plus d’un comédien romantique. Difficile d’imaginer qu’il pratique un sport aussi violent. « J’ai souvent pensé à tenter ma chance dans le cinéma. J’ai même essayé d’être modèle dans les spots publicitaires », avoue-t-il. Le plus étonnant est qu’en dépit de sa jeunesse et de son effervescence, il maintient toujours un calme olympien. Ce qui fait sans doute son charisme.

A 28 ans, Bougui est le prince charmant de pas mal d’adolescentes. Là où il se trouve, les admiratrices l’entourent. Malgré tout, il reste timide, les regards des jeunes filles le troublent. « Ça me rend confus. Je n’arrive toujours pas à entamer une discussion avec une jeune fille égyptienne. A l’étranger, les rapports sont beaucoup plus faciles. Ici, il faut toujours changer de stratégie, faire semblant », dit-il.

Le meilleur lutteur égyptien en 2007 passe la plupart de son temps à l’étranger, en Europe ou aux Etats-Unis. L’année dernière, il a réalisé un vrai exploit et décroché son titre mondial, grâce à ses entraînements aux Etats-Unis sur bourse d’un an octroyée par la Fédération américaine de lutte. Réputé pour son style de jeu spectaculaire et sa rage de vaincre, Bougui vient de recevoir une nouvelle invitation de la Fédération américaine de lutte, pour s’entraîner avec sa sélection à Colorado Springs (Etats-Unis). « On lui a même proposé la nationalité américaine. Lorsqu’il a refusé, on lui a proposé de s’entraîner avec la sélection américaine pour que leurs lutteurs profitent de son expérience », témoigne le père de Bougui, suivant de près l’évolution de son fils. Depuis, Bougui passe plusieurs mois de l’année aux Etats-Unis. Dernièrement, il a aussi passé du temps avec la sélection suédoise. « L’entraînement aux Etats-Unis est totalement différent de celui suivi en Egypte. Les Américains ont tous les équipements nécessaires pour améliorer mon physique. L’atmosphère et le lieu d’entraînement sont sains, contrairement à l’Egypte, où je suis la plupart du temps au Centre olympique de Maadi, suivant un régime alimentaire qui ne me convient pas. De plus, je m’entraîne sur une montagne, avec des lutteurs d’un très haut niveau. Les grandes nations de lutte viennent au camp américain pour s’entraîner », fait remarquer le lutteur.

Le Centre olympique de Colorado Springs et le Centre olympique de Maadi, c’est le jour et la nuit. Le premier est à 3 000 mètres d’altitude, son restaurant est ouvert 24 heures sur 24, offrant un régime alimentaire adapté à chaque athlète. « Je m’entraîne dans une salle immense, avec des équipements de pointe. Le programme d’entraînement ne se limite pas à la pratique de la lutte. Il consiste aussi à escalader une montagne, à nager dans une eau agitée et à faire des kilomètres à vélo », ajoute-t-il. A Colorado Springs, Bougui s’est bien intégré à la communauté. D’abord, la langue constituait un obstacle, mais au fur et à mesure, il a commencé à parler l’anglais. « Au début, la vie aux Etats-Unis était un peu difficile. Lorsqu’on apprenait que j’étais égyptien, donc arabe, on me regardait d’un air suspect. Je passais pour un extraterrestre. En m’approchant, l’on changeait d’attitude, m’interrogeant sur mon pays et ma religion », raconte Bougui. Ajoutant : « En Egypte, je m’ennuie, contrairement aux Etats-Unis où je m’entraîne 2 fois par jour. Durant les week-ends, je sors avec mes amis, au cinéma ou au club ». Les Américains se sont pas insensibles à son physique oriental et son titre de champion. Ce qui n’est pas sans lui déplaire. « Je n’ai aucun inconvénient à épouser une Américaine, mais jusque-là, je n’ai pas rencontré la femme de mes rêves : calme, douce, sensible, avec beaucoup d’esprit », avoue-t-il.

Grâce à sa résidence aux Etats-Unis, l’hymne national égyptien a retenti à Guangzhou, en Chine, lors des Championnats du monde, début octobre dernier. En remportant la finale de la catégorie 84 kg contre le Turc Nazmi Avluca, Bougui a raflé la première médaille d’or pour l’Egypte depuis 46 ans. En effet, le dernier titre mondial avait été obtenu en 1960 par feu Moustapha Hamed en catégorie 62 kg lors des Mondiaux de Tokyo, au Japon. « Cette médaille m’est très précieuse. C’est un rêve que je caressais depuis bien des années. Avant ces Mondiaux, j’ai subi les attaques virulentes des médias et de la Fédération égyptienne. Cette dernière a même annulé ma bourse aux Etats-Unis, prétendant que je ne m’y entraînais pas, que je m’étais marié et que je voulais obtenir la nationalité américaine. Face à ce déluge de fausses accusations, je n’ai pas pu me défendre. Cette médaille est donc arrivée au bon moment, c’était ma seule riposte », déclare-t-il. Ajoutant : « Je ressentais depuis longtemps que je méritais cette médaille ».

Depuis des années, son niveau s’est nettement amélioré, mais la chance ne lui souriait pas. Aux Jeux Olympiques (JO) de Sydney 2000, il a été classé 8e après un mauvais arbitrage du match en quarts de finale. Aux JO d’Athènes 2004, il s’est heurté encore une fois au mauvais arbitrage, a perdu son calme et s’est fait éliminer de la compétition. Ce n’est pas tout : à chaque édition des Championnats du monde, il subissait une blessure. La seule médaille qu’il a décrochée était celle de bronze, aux Championnats du monde 2002.

Dans la défaire, Bougui devient une boule de nerfs, au grand dam de tous. « Les JO étaient mon rêve d’enfance, j’aspirais à une médaille olympique. Voir ce rêve filer entre mes doigts ces deux dernières éditions m’a rendu fou. Je me sentais victime d’un arbitrage injuste ». Malgré ses échecs, il n’est pas peu fier de son coéquipier Karam Gaber, qui a remporté le titre olympique de la catégorie 96 kg à Athènes en 2004. Amis d’enfance, la relation entre ces deux hommes a traversé des turbulences, mais a atteint le respect mutuel qu’ils se vouent.

Ses débuts, à 8 ans au club de Suez, montrent que Mohamad Abdel-Fattah n’était pas comme les autres. En 1986, à 9 ans, il a remporté le Tournoi de Suez. En 1994, il a intégré la sélection nationale, mais ce n’est qu’en 1996 qu’il a été sélectionné lutteur principal par le directeur technique de l’équipe de l’époque, Yahia Kazarian. Cet Arménien d’Egypte a aidé Bougui à atteindre un niveau international et lui a inculqué la noblesse du jeu. Son décès en 2002 a beaucoup affecté le champion. Mais il s’est vite ressaisi, il le devait pour sa famille. « Mes parents ont tout sacrifié pour que je me consacre à la lutte. Aujourd’hui, lorsque je suis seul au Caire dans mon nouvel appartement de Maadi, j’ai le cafard. Je ne me sens bien que lorsque mes proches sont à mes côtés », dit-il, ému. C’est aussi à sa famille qu’il doit sa réputation de sportif attaché aux valeurs religieuses, chose rare parmi les stars du milieu. Il aime la vie, les filles, la danse et prie régulièrement à la mosquée. Cette année, il est même parti en pèlerinage à La Mecque.

Ses 20 ans de lutte ont imprégné sa personnalité. « Grâce à ce sport, ma volonté s’est affermie tout comme mon esprit de combat, essentiels pour renverser une situation lors d’un match comme dans la vie. J’ai appris à réfléchir vite et à prendre des décisions rapides », précise-t-il, avant d’affirmer que « la lutte est un sport qui nécessite une grande intelligence. Il y a quand même un prix à payer. Car pour m’y consacrer, j’ai raté beaucoup de plaisirs ». Pendant ses études à la faculté de commerce de Suez, il est tombé amoureux, mais n’a pas eu le temps ni les moyens de s’investir dans ce sentiment à cause de ses entraînements au Caire ou à l’étranger. Aujourd’hui, depuis sa médaille d’or, tout va beaucoup mieux matériellement. Ceci dit, il pense déjà à son avenir une fois sa carrière sportive terminée. Journaliste à Al-Ahram Al-Riyadi, grâce à l’aide de son rédacteur en chef, Ibrahim Hégazi, il apprend un autre métier, sachant qu’un de ces jours, il aura à couvrir les exploits des autres. Le mois dernier, il a aussi signé un contrat avec le club égyptien Cairo AC Milan pour fonder une Académie de lutte portant son nom « L’Académie Bougui ». Il y tient le rôle de consultant, offrant son expérience aux enfants. Mais pour le moment, il est le lutteur professionnel qui continue à rêver. « Je vais continuer à pratiquer la lutte, je ne sais pas jusqu’à quand. Si je remporte la médaille olympique à Beijing en 2008, je vais encore me mettre à rêver d’une autre médaille olympique, celle de 2012 », conclut le champion .

Doaa Badr

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Jalons 

1978 : Naissance à Suez.

1996 : Membre de la sélection égyptienne.

1998 : Médaille d’argent aux Championnats du monde juniors.

2000 : Huitième aux JO de Sidney.

2002 : Médaille de bronze aux Championnats du monde.

2004 : Exclu des JO d’Athènes.

2006 : Médaille d’or aux Championnats du monde.

 




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