Cinéma indépendant .
A travers une panoplie de manifestations et de festivals, il
connaît ces deux dernières années un succès franc en Egypte.
Seul bémol, le manque d’harmonisation de perspectives entre
ses auteurs.
Indépendants pleins d’assurance
Les
petites boîtes enregistrent une montée fulgurante. En moins
de trois ans, les cinéastes indépendants égyptiens se sont
taillé une place importante, aussi bien sur le plan national
qu’international, grâce à un concept fixe : insérer un
contenu universel dans de petites productions à vocation
grand public. Plusieurs festivals, manifestations,
productions, ateliers et nombreux prix portent désormais le
label « Indépendant », annonçant l’avènement d’une nouvelle
alternative cinématographique.
« Nous vivons l’âge d’or du cinéma indépendant en Egypte,
souligne le critique et chercheur Nabil Saleh.
Nous
n’avons jamais assisté à un tel essor de ce courant
cinématographique, longtemps confiné dans l’étiquette de
cinéma d’amateurs, de manière injuste d’ailleurs, par les
professionnels. Or, il a le vent en poupe ».
Alors
que le cinéma indépendant est déjà né en Europe dans les
années 1960, afin de renouveler les règles artistiques, ce
n’est que vers la fin des années 1990 qu’il a commencé à se
frayer une voie en Egypte, en dépit d’obstacles, notamment
d’ordre financier. Un groupe de jeunes réalisateurs, dont
Hala Khalil, Ahmad Rachwane, Tamer Ezzat et Ahmad Hassouna,
ont pris en charge de « présenter un cinéma différent,
brisant toutes les règles et conditions commerciales, afin
de s’affranchir des contraintes de l’Etat et de la logique
commerciale », explique Ahmad Chaker, jeune réalisateur
indépendant. Le recours à des caméras numériques et à de
petites unités de montage a rendu cette entreprise possible.
Aujourd’hui, financer un film indépendant peut démarrer à
partir de 1 000 L.E. Après ses nombreux succès
internationaux, le cinéma indépendant en Egypte capitalise
sur le renouveau de ses talents.
Les
années de préparation sont passées, et le cinéma indépendant
en Egypte connaît, depuis 2001, une popularité croissante,
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Aymane
Helmi, l’un des responsables du groupe Hala, ne cache pas sa
satisfaction devant les résultats encourageants obtenus par
la production locale sur le plan international. « Une
vingtaine d’œuvres indépendantes égyptiennes ont concurrencé
des films conçus selon les canaux mondiaux, dans différents
festivals internationaux, ce qui augure d’une grande percée
de nos artistes indépendants partout dans le monde »,
estime-t-il.
Ainsi,
l’ambition du groupe Hala est-elle de pouvoir favoriser une
meilleure compréhension entre les peuples et d’apporter une
contribution positive au développement de la culture et de
l’industrie cinématographiques africaines, en offrant un
espace de rencontre pour les professionnels de l’industrie
cinématographique et en développant la distribution de ses
œuvres dans les pays arabes et en Europe.
Depuis
sa création il y a deux ans, le groupe égyptien Hala s’est
fait une spécialité du travail de niches en privilégiant la
recherche de nouveaux auteurs et de nouvelles œuvres
indépendantes. Quatre mois après son organisation du
Festival des films indépendants, en parallèle à la 30e
édition du Festival international du film du Caire, le
groupe Hala a mis sur pied le lancement d’une première, le
Festival des films tournés par portables, qui se tiendra du
20 au 25 mars au Caire. Une nouvelle forme du cinéma
autonome. « C’est l’un des genres du cinéma indépendant qui
a envahi le monde ces dernières années, et qui entame
son apparition, cette année en Egypte, visant à donner
vie à des œuvres encore plus libres dans leurs idées et
modestes dans leurs budgets », souligne Ahmad Salah, l’un
des organisateurs du festival. Et d’ajouter : « Presque tous
les réalisateurs indépendants financent eux-mêmes la
production de leurs films, ce qui les amène à cumuler
plusieurs tâches aux différentes phases du processus de
création, et à approfondir leur expérience cinématographique
».
Se faire
une place au prix d’épreuves amères
Cependant, se faire une place dans le paysage audiovisuel,
sans l’aval de grandes sociétés de production bien
installées sur le marché, n’est accessible qu’au prix de
certaines épreuves amères.
«
Enfant, je rêvais toujours de raconter des histoires, d’être
romancière. Puis j’ai assisté des amis dans la fabrication
de leurs propres films, et j’ai acquis ainsi l’expérience
m’habilitant à transcrire mes contes en images », avoue Hala
Khalil. Elle travaille ensuite comme scénariste amatrice,
puis fait ses débuts de réalisatrice en 1999 avec Tiri ya
tayyara (cerf-volant). « Presque toutes les grandes boîtes
de production ont refusé d’épauler nos premières œuvres,
d’où notre recours à l’autofinancement ».
Pour sa
part, Aïten Amin, qui incarne un certain renouveau du cinéma
égyptien, pose un regard critique sur ses jeunes collègues.
« La production indépendante connaît actuellement une
certaine variété et une montée en flèche. Mais beaucoup de
films ne sont que des adaptations d’œuvres existantes. Je
m’inscris alors en réaction contre ce courant qui cherche la
facilité ».
Toutefois, qualifiés d’indépendants, ces cinéastes cherchent
à l’être également entre eux-mêmes. Alors qu’ils ont tous le
même objectif artistique : le désir de s’exprimer librement
et de développer ce genre dont ils sont dépositaires, les
indépendants égyptiens n’arrivent pas à coordonner en
harmonie les dates de sortie de leurs œuvres. « Les entités
indépendantes égyptiennes ont tout intérêt à tisser des
liens communs, seuls garants de l’épanouissement de leurs
projets et de leur continuité », rétorque Nabil Saleh.
Après
une telle réussite, une stratégie commune de création et de
distribution s’avère indispensable pour associer les efforts
des différents camps du cinéma indépendant, dans une
perspective de coexistence et d’alternance des projets et
des ambitions, loin de la subjectivité du profit personnel.
Yasser
Moheb