|
|
Main-d’œuvre.
Plusieurs dizaines de milliers de travailleurs égyptiens ont
été refoulés de Libye, suite à des mesures de régulation du
marché du travail.
La
route de l’eldorado libyen barrée
Depuis
deux semaines le Terminal de Salloum, sur la frontière
égypto-libyenne, accueille quotidiennement des milliers de
travailleurs égyptiens. Leur nombre s’élève en tout à 60
000. Ces Egyptiens originaires en majorité du Delta et de
Haute-Egypte étaient partis en Libye à la recherche d’un
emploi. Fuyant le chômage et la pauvreté, ces travailleurs
regagnent aujourd’hui le pays suite aux mesures annoncées en
février dernier par les autorités libyennes et qui visent à
régulariser la situation des travailleurs étrangers sur leur
sol. En effet, de nouvelles conditions doivent être
dorénavant remplies par tout employé étranger pour pouvoir
résider sur le territoire libyen. Il doit avoir un contrat
de travail certifié, une carte d’identité délivrée par les
autorités libyennes et un certificat de bonne santé. Il doit
en outre posséder une police d’assurance, ainsi qu’un
certificat d’impôts. Un délai jusqu’à la fin du mois de mars
a été accordé aux travailleurs étrangers pour régulariser
leur situation. Cependant, un ultimatum a été lancé aux
travailleurs en situation illégale pour quitter le pays sous
peine d’être expulsés manu militari début avril.
Il est 21h00 à la gare routière d’Almaza, au Caire. Un
autobus en provenance de Benghazi chargé de travailleurs
égyptiens s’arrête. La fatigue se lit sur leurs visages. «
Avec ces nouvelles dispositions prises par le gouvernement
libyen, beaucoup d’Egyptiens ont dû partir car régulariser
notre situation va coûter beaucoup d’argent », explique
Hassan Al-Qorachi, qui travaille à Tripoli depuis 9 mois
comme peintre en bâtiment. Selon lui, il faut compter 500
dinars (2 500 L.E.) en plus d’une somme mensuelle de 100
dinars d’impôts et une police d’assurance Hassan habitait
avec 6 de ses collègues égyptiens dans un appartement de
deux pièces. « Je suis journalier. Je gagne 10 dinars par
jour. Comment je peux verser une somme de 100 dinars chaque
mois ? Cela représente pour moi une impossibilité », ajoute
Al-Qorachi, interrompu par Mahrous Anwar, ouvrier originaire
de Qéna, qui s’insurge contre « les mauvais traitements
infligés par la police libyenne aux travailleurs étrangers
». « Le lendemain de l’annonce de ces mesures, la police
nous pourchassait jour et nuit. Ils nous ont demandé nos
papiers et nos contrats de travail, alors que nous n’avions
pas eu le temps de commencer les formalités. Ils ont menacé
de nous retirer nos passeports et de nous obliger à rentrer
en Egypte. Les policiers ne nous relâchaient qu’après
nous avoir extorqué de l’argent sous couvert de le verser au
ministère de la Main-d’œuvre », raconte Anwar, en affirmant
que certains travailleurs égyptiens se sont plaints à
l’ambassade d’Egypte à Tripoli. Peine perdue, souligne-t-il.
« Les responsables nous ont indiqué qu’ils ne pouvaient rien
nous faire. Chaque pays est libre de prendre les mesures
qu’il estime en faveur de sa sécurité et de définir les
conditions de travail des étrangers sur son sol ».
La Libye comme tremplin
Avec une population de 5,7 millions d’habitants, la Libye,
pays producteur de pétrole, accueille une abondante
main-d’œuvre étrangère. Cette dernière provient
essentiellement des pays arabes et africains voisins, comme
la Tunisie, le Maroc, le Soudan et l’Egypte. Ils sont tous
attirés par cet eldorado. Certains d’entre eux la
considèrent comme un point de passage vers l’Italie puis
éventuellement vers d’autres pays d’Europe.
Selon les statistiques officielles du ministère égyptien de
la Main-d’œuvre, le nombre de travailleurs égyptiens
réguliers en Libye s’élève à un million de personnes. Ceci
sans compter environ 500 000 clandestins qui sont non
inscrits sur les registres du ministère. Ils travaillent
notamment dans les secteurs du bâtiment et de l’agriculture.
En effet, la Libye est avec le Golfe les deux principales
terres d’immigration pour les Egyptiens désireux de trouver
un emploi. Ainsi, sont-ils 5 millions de travailleurs dans
ces deux zones. Les transferts en devises de ces
travailleurs constituent une source de revenu importante
pour l’économie du pays.
Le retour de plusieurs milliers de travailleurs peut-il à
présent nuire à l’Egypte ? Le ministère égyptien de la
Main-d’œuvre ne veut pas dramatiser. « Ces nouvelles mesures
ne touchent que les travailleurs clandestins qui sont sans
contrat de travail », souligne Eatemad Ali, responsable au
département de la Main-d’œuvre expatriée au ministère. La
Libye est depuis quelque temps soumise à des pressions
internationales pour empêcher l’immigration clandestine vers
l’Europe à partir de son territoire. Or, les Egyptiens
figurent au premier rang de ces immigrés clandestins vers
l’Europe. Plusieurs réseaux de trafic de main-d’œuvre ont
été récemment démantelés. A travers ces réseaux, de jeunes
Egyptiens partaient en Libye pour ensuite gagner l’Italie
avec des embarcations de fortune. Selon les statistiques du
ministère italien de l’Intérieur, 4 200 Egyptiens ont
accosté en Italie en 2006 après l’interception de leurs
embarcations, et nombreux sont ceux qui périssent en mer.
D’où ces dernières mesures prises par le gouvernement
libyen. La ministre de la Main-d’œuvre, Aïcha Abdel-Hadi, a
affirmé de son côté que la Libye a le droit d’organiser le
travail de la main-d’œuvre sur son territoire et que ce pays
n’a pas violé les accords conclus avec l’Egypte concernant
la main-d’œuvre.
Le ministère de la Main-d’œuvre reconnaît toutefois que le
retour de plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers
représente un fardeau pour l’Egypte. « Sur le plan social,
le retour de ces ouvriers va avoir une influence négative en
augmentant sensiblement le taux de chômage qui atteint
aujourd’hui officiellement en Egypte 10 % de la population
», estime Eatemad Ali, tout en affirmant que le ministère de
la Main-d’œuvre organise des stages gratuitement pour
réorienter cette main-d’œuvre, notamment vers les pays du
Golfe et même en Libye. « Nous avons des demandes sur
certaines spécialités comme les plombiers, les électriciens
et les ouvriers en bâtiment. Nous faisons donc en sorte de
former ces ouvriers pour les diriger vers les secteurs où il
y a une demande. Lorsqu’ils finissent ces stages, les
ouvriers pourraient partir travailler, mais avec des
contrats certifiés », assure Eatemad. Du côté des
travailleurs, ces mesures sont superficielles. « Jusqu’à ce
que nous apprenions de nouveaux métiers, comment
pourrions-nous survivre et combler les besoins de nos
familles ? », s’interrogent les ouvriers .
Héba
Nasreddine
|

|
 |
|
En bref
Droits de l’homme
Le ministère des Affaires étrangères a fustigé Washington,
samedi, pour la publication d’un rapport critique sur la
situation des droits de l’homme en Egypte.
« Le
département d’Etat n’est pas habilité à publier un tel
rapport, car les Nations-Unies n’ont donné à aucun pays le
droit de se constituer gardien des droits de l’homme », a
déclaré le chef de la diplomatie, Ahmad Aboul-Gheit, dans
des déclarations à la presse.
« Ceux
qui ont rédigé ce rapport n’ont aucune notion objective des
réalités dans les pays mentionnés », a accusé Aboul-Gheit,
selon lequel le document est basé sur des informations
imprécises et tronquées. Le rapport a « omis de souligner
les nombreux développements positifs survenus dernièrement
en Egypte dans le domaine des droits de l’homme », accuse-t-il.
Le
rapport, publié le 8 mars, dénonce le gouvernement pour son
manque de respect des droits de l’homme et l’impunité dont
jouissent les membres des services de sécurité. Il dénonce
des « abus graves », comme la torture et les pratiques
abusives contre les détenus, les « arrestations arbitraires
» et « certaines restrictions sur la liberté de culte ».
Fatwas
Le mufti
d’Egypte, cheikh Ali Gomaa, a annoncé avoir lancé un site
officiel sur Internet pour rendre des fatwas (avis religieux)
en quatre langues afin de contrer les cheikhs qui rendent
ces avis religieux sans contrôle sur les chaînes
satellitaires. Le site fatwadaralifta.org livrera aux
fidèles les fatwas concernant les questions sur lesquelles
ils ont sollicité un avis religieux, a déclaré le mufti. Les
fidèles pourront aussi se procurer ces avis à travers quatre
autres canaux créés spécialement dans ce but en appelant le
numéro vert 107, en envoyant leur demande par fax ou à une
boîte postale ou en se rendant à Dar Al-Iftaa, le siège du
mufti, pour obtenir la réponse verbale ou écrite. Les fatwas
seront rendues gratuitement en quatre langues : arabe,
anglais, français et allemand.
« Le but
est de répandre l’avis modéré des oulémas d’Al-Azhar, qui
reflète le juste milieu et la modération de l’islam », a
affirmé le mufti de la République qui a souvent critiqué les
innombrables cheikhs et personnalités recrutées par les
chaînes satellitaires qui rendent des avis religieux aux
spectateurs en se présentant comme des références en islam.
Viagra
Les
douanes du port de Noweiba ont saisi, cette semaine, un
million de pilules de Viagra ainsi que des aphrodisiaques
d’une valeur de 12 millions de L.E. La cargaison était
cachée dans un camion frigorifique en provenance de Syrie.
Le chauffeur du camion, de nationalité syrienne, a été
arrêté et est actuellement interrogé.
Le
gouvernement avait autorisé en décembre 1999, sur ordonnance,
la vente de la fameuse pilule de Viagra, un médicament
contre l’impuissance utilisé comme aphrodisiaque. Le marché
égyptien regorge d’imitations du Viagra, venues de Syrie, du
Yémen, de Chine et d’Inde, vendues à des prix inférieurs, et
les douanes annoncent régulièrement la saisie de pilules de
contrebande.
|
|