Peinture .
La galerie Ibdaa expose, sous l’intitulé de L’esprit du
moment, l’esprit de l’image, des peintures d’Ahmad Fouad
Sélim, d’Ahmad Morsi et de Helmi Al-Touni.
Trois
techniques différentes jouant de la notion du « relationnel
».
Interférence
du signe et de la référence
Difficile
de ne pas se laisser noyer dans des méditations
philosophiques, ou dans des remises en question de la
réalité, en passant d’une peinture à l’autre de l’exposition
intitulée L’esprit du moment, l’esprit de l’image. Le
relationnel, ou le signe et sa référence, s’avère être le
thème majeur de cette exposition qui réunit trois peintres
aux styles différents, Ahmad Fouad Sélim, Ahmad Morsi et
Helmi Al-Touni, empruntant l’allure d’un travail collectif.
« Le
relationnel est le langage de l’époque. Nous sommes obligés
d’accepter certaines relations sur le plan du quotidien, ou
parfois même sur le plan spirituel. Et, en d’autres cas,
nous établissons nous-mêmes des relations avec une rue, avec
l’autre ... Il ne faut pas non plus oublier que c’est la
relation entre les lettres qui constitue la langue, et que
la relation entre les mélodies forme la musique », explique
Ahmad Fouad Sélim.
Ainsi,
Sélim élabore-t-il un jeu entre ce qu’il peint et entre la
référence à laquelle il renvoie dans l’esprit des
spectateurs. Dans une de ses peintures, le Sphinx protège
les cieux, à titre d’exemple. Sa partie postérieure et sa
tête peinte sous la forme d’un lion, font croire qu’il
configure la physionomie de plusieurs animaux, mais on
l’identifie facilement. De même, dans une autre peinture, un
jeu de ressemblance s’instaure entre des oiseaux à la
recherche de leurs nids et trois profils de Ramsès II.
L’esthétique est la préoccupation primordiale de Sélim. Or,
n’est-ce pas là une préoccupation commune à tout artiste ? «
J’ai travaillé sur l’esthétique dans une perspective
philosophique ou spirituelle et non artistique. Une
esthétique nichée entre le signe et sa référence. Une
esthétique endogène qui crée un dialogue entre la peinture
et le spectateur ». Sélim réitère alors une pratique qu’il
avait délaissée depuis la fin des années 1960 : Affubler ses
peintures d’un titre révélateur. Un moyen de nouer un
dialogue entre le spectateur et l’œuvre, dans un contexte
préfixé.
Ahmad
Morsi, en revanche, évite de suivre cette démarche,
préférant laisser libre cours à l’imagination des
spectateurs. « J’exprime des émotions qui ne sont pas
seulement les miennes mais aussi celles des autres »,
explique-t-il.
Surnommé
le peintre-poète, Morsi rend la poésie inhérente à ses
œuvres. Avec la pureté des lignes, la simplification des
structures, l’infiltration du pigment bleu, il maintient un
jeu entre l’explicite et l’implicite, le visible et
l’invisible. Les visages de femme scindés en deux moitiés,
ou la femme nue, assise, aux regards contemplatifs, évoquent
les femmes de Modigliani, laissant glisser une maussaderie
douce.
Le corps
féminin est travaillé aussi par Helmi Al-Touni, mais dans
une perspective différente. La femme, symbole de la vie, est
tout le temps mise en opposition avec le fer, l’inanimé. «
L’esprit prédominant, dans notre présent, est celui du
paradoxe. Un paradoxe entre la richesse et la pauvreté,
entre la progression et la régression, etc. Dans cette
exposition, je cherche à exprimer une des formes de
contraste entre le vivant et le fer statique, entre le chaud
et le froid, le gris et le rouge ... », a-t-il écrit dans la
brochure de l’exposition. Ainsi, la sensation ferrugineuse
s’impose-t-elle dans l’arrière-plan des peintures d’Al-Touni.
C’est le cas d’une peinture inspirée de l’œuvre Al-Madina de
Mahmoud Saïd, où une Alexandrine vêtue de rouge figure en
premier plan, face à un mur de fer dans le fond. De même,
dans une peinture à connotation politique, une paysanne
égyptienne, vêtue aussi de rouge, danse avec l’Oncle Sam au
premier plan devant un mur de fer ...
L’esprit
du moment, l’esprit de l’image trahit l’esprit de trois
peintres préoccupés par la réception du spectateur, usant de
techniques diverses pour communiquer une lecture commune
d’une conjoncture livrée à des interprétations tantôt
cohérentes, tantôt disjointes.
Lamiaa Al-Sadaty