Somalie .
La Force de paix de l’Union africaine a entamé son
déploiement à Mogadiscio, où elle a déjà été la cible
d’attaques. De quoi souligner l’hostilité qu’elle suscite
dans un pays en guerre depuis seize ans.
L’Amisom mise à rude épreuve
Deux
mois après la chute des Tribunaux islamiques en Somalie, une
force de paix a commencé à se déployer cette semaine à
Mogadiscio, où elle a déjà été la cible d’attaques,
soulignant la difficulté de sa tâche et l’hostilité qu’elle
suscite dans ce pays.
En effet, plus de 1 000 soldats, tous Ougandais, de la Force
de paix africaine en Somalie (Amisom) sont depuis le 6 mars
dans la capitale, mais ils n’ont pas encore commencé à
patrouiller et ont déjà été la cible d’attaques qui ont fait
au moins quatre blessés chez les soldats ougandais et 12
morts civils. Cependant, l’Union Africaine (UA) et l’Ouganda
ont affirmé que les attaques et les menaces ne les
arrêteraient pas. Cette mission est la quatrième dans la
liste des missions étrangères lancées pour établir la paix
dans ce pays. Toutes avaient failli à leur tâche.
« Mais cette mission a un atout par rapport aux autres du
fait qu’elle est africaine. Cela dit, on doit prendre en
considération un facteur important, à savoir la psychologie
des Somaliens qui refusent le principe même de la présence
d’une force étrangère sur leur territoire. Et c’est
justement à cause de cela que les précédentes missions ont
échoué », explique le Dr Sayed Feleifal, analyste au Centre
des études africaines. Selon lui, le gouvernement somalien
doit toutefois profiter de la présence de la mission de paix
africaine pour accélérer le processus de paix et trouver un
compromis qui permet la réconciliation.
Pour le moment, le gouvernement de transition semble en
effet opter pour cette option. Le gouvernement a annoncé son
intention d’accélérer le désarmement de la population
civile, afin de renforcer son autorité sur l’ensemble du
territoire. « Avant la fin du mois, chaque maison de
Mogadiscio sera fouillée et aucun civil n’aura plus le droit
de porter des armes, le gouvernement seul sera responsable
de la sécurité du pays », a déclaré le ministre adjoint de
la Défense, Salad Ali Jelle, dans la capitale somalienne. Il
a ajouté que le gouvernement entraînait actuellement 45 000
nouveaux soldats à cet effet. Ces recrues sont épaulées par
les Forces de paix africaines. « Les militaires
patrouilleront dans toutes les rues de Mogadiscio et les
fauteurs de troubles auront le choix entre le respect du
gouvernement ou l’exil. Nous avons besoin d’une trentaine de
jours pour pacifier la ville. Aucun homme armé ne sera
toléré », a-t-il précisé en affirmant que le gouvernement «
ne suppliera pas que l’on rende les armes. Nous les
retirerons de force ». Pour le moment, le gouvernement
déploie près de 3 000 soldats pour tenter de rétablir la
sécurité dans la capitale somalienne et pour aider la Force
de paix de l’Union africaine à consolider le pouvoir du
président somalien, Yusuf Abdullahi Ahmed.
Certains analystes estiment toutefois que le déploiment des
soldats somaliens ou africains n’est pas la seule solution
pour établir la paix dans ce pays. « Les autorités
somaliennes doivent introduire des membres de l’opposition
au gouvernement et répondre à leurs revendications
légitimes. Pour que la paix revienne, il est nécessaire que
toutes les parties, c’est-à-dire les chefs de guerre, les
Tribunaux islamiques et le gouvernement de transition
s’entendent sur les questions essentielles et parviennent à
un accord de paix », juge le Dr Ahmad Hicham, professeur à
la faculté de sciences politiques et économiques, à
l’Université du Caire. D’après ce dernier, vu que la mission
africaine ne peut pas rester longtemps sur place, notamment
en raison du manque de financement, les Somaliens doivent
régler leurs différends eux-mêmes.
Manque de financement
Or, l’Amisom manque d’ores et déjà de moyens financiers. Le
secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon, a lancé cette
semaine un appel à un soutien international à l’UA en
Somalie et exhorté les parties somaliennes à autoriser le
passage de l’aide humanitaire. « Il y a un besoin urgent de
stabiliser la situation pour aider à créer les conditions
favorables au dialogue et à la réconciliation et pour
faciliter le retrait des forces éthiopiennes », a-t-il dit.
l’Amisom doit progressivement prendre le relais de l’armée
éthiopienne, qui a infligé une débâcle aux Tribunaux
islamiques en Somalie. Elle arrive dans la capitale, théâtre
d’attaques quasi quotidiennes depuis des semaines. Le
gouvernement somalien attribue les violences aux islamistes
qui les nient toujours. Mais, les islamistes somaliens ont
affirmé avoir tiré sur cette force la semaine dernière. La
fusillade, qui a eu lieu entre l’Amisom et des individus non
identifiés, a été revendiquée par les Tribunaux islamiques.
C’est la première fois que les islamistes revendiquent une
attaque à Mogadiscio depuis leur chute il y a deux mois.
Depuis des semaines, les Tribunaux islamiques, qui
contrôlaient jusqu’à fin décembre-début janvier la
quasi-totalité du centre et du sud, ont juré de s’en prendre
à l’Amisom. Un leader islamiste, Aden Hashi Ayro, a lancé la
semaine dernière ce message : « C’est le moment pour la
jeunesse somalienne de combattre l’occupation des forces
étrangères ».
Mission difficile donc. D’autant plus que la situation en
Somalie est plus compliquée qu’elle ne le paraît. Selon le
Dr Sayed Feleifal, « les Somaliens, tiraillés par des
guerres civiles depuis 1991, ont presque oublié le concept
d’appartenance à une même patrie. Aussi, sont-ils devenus
quasi inaptes à négocier un accord de paix pour régler leurs
litiges. Là, la communauté internationale doit intervenir,
leur prêter secours et peut-être exercer une certaine
pression sur eux afin de leur apprendre à aplanir leurs
divergences et vivre en confrères au sein d’un seul pays »,
explique-t-il.
A cet effet, le président somalien Abdullahi Ahmed a
convoqué une conférence de réconciliation à partir du 16
avril à Mogadiscio, mais il s’est gardé de dire si les
islamistes étaient invités.
De quoi
susciter un certain scepticisme.
Maha
Salem