Guinée .
La poursuite des troubles et l’application de l’état de
siège ne laissent pas espérer de réconciliation entre les
syndicats et le pouvoir. De quoi susciter des inquiétudes
régionales et internationales.
L’introuvable compromis
Après
plusieurs semaines de troubles, rien n’augure une fin
prochaine de la crise socio-politique que traverse la
Guinée. La situation demeure toujours explosive menaçant ce
pays de sombrer dans le chaos, au point que le président
guinéen Lansana Conté a décrété pour la période du 12 au 23
février l’état de siège, accordant de nombreux pouvoirs à
l’armée. En effet, l’état de siège limite nombre de libertés
individuelles et prévoit notamment un couvre-feu de 18
heures sur 24. Cette décision avait suivi l’annonce par les
syndicats de la reprise d’une grève générale illimitée, qui
avait été suspendue le 27 janvier, à la suite d’un accord
fragile avec la présidence. Mais les syndicats à l’origine
de la contestation contre le régime en Guinée ont réclamé la
semaine dernière la levée de cet état de siège, comme
préalable aux négociations avec les autorités pour trouver
une solution à la crise qui paralyse le pays.
Pour l’heure donc, la situation semble bloquée. Syndicats,
responsables de l’Etat et de l’armée étaient en effet censés
se retrouver samedi, mais les syndicalistes ont rejeté cette
rencontre. La Confédération Nationale des Travailleurs de
Guinée (CNTG) et l’Union Syndicale des Travailleurs de
Guinée (USTG), les deux grands syndicats, ont coupé court
aux espoirs de réconciliation en annonçant leur refus de
rencontrer les autorités comme initialement prévu. « Pour
l’instant, la réunion avec les autorités est annulée. Les
réunions sont interdites, tant en public qu’en privé,
pendant l’état de siège. Nous demandons la levée de l’état
de siège, la sécurité des syndicalistes, l’arrêt des
perquisitions de nuit et des tueries », a affirmé Rabiatou
Sérah Diallo, secrétaire général de la CNTG. Ce dernier
avait participé ce week-end à une première réunion avec le
président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, des
représentants du Conseil économique et social, du patronat,
de l’armée et des chefs religieux. Cette rencontre, qui
devait constituer un premier pas vers la reprise du
dialogue, n’a fait que souligner l’ampleur des divergences
entre le pouvoir et les syndicats. Pour toute réponse à la
demande de lever l’état de siège, Aboubacar Somparé a
répondu : « Sans état de siège, il y a des violences. L’état
de siège sera levé quand il n’y aura plus de menaces ».
Calme avant la tempête
Sur le terrain cependant, la situation reste apparemment
calme mais tendue, notamment du fait de la présence de
l’armée dans les rues de Conakry. Cependant, pour Ibrahim
Abdel-Razzaq, analyste au Centre des études africaines, ce
n’est pas forcément là un signe d’amélioration de la
situation. « C’est le calme qui précède la tempête. Les
Guinéens ont longtemps supporté des conditions de vie très
dures. Maintenant, ils sont au bord de l’explosion. Ce sont
les autorités qui doivent trouver des compromis et une issue
à cette crise », explique Ibrahim Abdel-Razzaq, ajoutant que
l’issue ne risque pas d’être trouvée par la manière forte.
Par ailleurs, l’instauration de l’état de siège a provoqué
la réprobation internationale et l’envoi samedi dernier à
Conakry d’une mission exploratoire de la Communauté
Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO, 15 pays).
Les émissaires envoyés à Conakry par la CEDEAO —
l’ex-président nigérian Ibrahim Babangida et le président de
la commission de la CEDEAO Mohammed Ibn Chambas — ont
rencontré le président Conté et des diplomates occidentaux.
Aucun détail n’a été révélé sur ces entretiens. De sa part,
Babangida a estimé qu’une telle situation pourrait menacer
la stabilité de la sous-région, relevant que la Guinée
partage des frontières avec six Etats, dont des pays à
l’équilibre fragile comme le Liberia, la Sierra Leone, la
Guinée-Bissau et la Côte-d’Ivoire.
En effet, la CEDEAO a décidé qu’elle devait être davantage
impliquée pour déterminer les voies et les moyens qui
pourraient aboutir à une solution à l’impasse dans laquelle
se trouve le pays. Pour sa part, l’Onu a annoncé avoir
accordé à la Guinée une aide humanitaire de près de 2,35
millions de dollars pour les « besoins les plus urgents »
dans ce pays en proie à une crise sociale et dont l’activité
économique est totalement paralysée.
Maha
Salem