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Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 5 au 11 décembre 2007, numéro 691

 

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Nulle part ailleurs

Education. Une école destinée aux véritables prodiges continue de mener une mission exceptionnelle contre vents et marées. Visite guidée. 

Chez les forts en thème 

C’est à Aïn-Chams, une zone populaire et démunie à la périphérie est du Caire, que se trouve cette école dont on parle peu, mais qui constitue une sorte d’exception dans le système éducatif égyptien. Elle porte d’ailleurs le nom d’« Ecole secondaire des prodiges ». Elle n’admet en fait que les meilleurs éléments au niveau national.

Fondée en 1958 à l’époque du président Gamal Abdel-Nasser, elle faisait partie de sa vision de la société et du progrès. Cet établissement contribuerait à former une génération de savants qui feraient un jour de l’Egypte une puissance industrielle.

En pratique, il s’agissait de sélectionner les meilleurs élèves de la fin du cycle préparatoire et les regrouper dans cette école moderne où ils recevraient une instruction d’un très haut niveau.

Peut-on parler d’un défi relevé ? Il est de toute façon clair que depuis l’ouverture de cet établissement jusqu’à nos jours, un bon nombre d’éléments ont réussi à se frayer un chemin dans les meilleures universités du monde et briller dans des postes-clés.

Avec le temps, l’inscription s’est limitée aux élèves qui résident au Caire et ce, dans la perspective de créer une école dans chaque gouvernorat. Un projet qui est malheureusement resté lettre morte.

Aujourd’hui, cette école qui est d’ailleurs un internat, chose devenue rare en Egypte, semble n’être connue que des parents et élèves qui désirent s’y inscrire ou des habitants du quartier, mais beaucoup ignorent même son nom. Ce n’est qu’à l’annonce des résultats du bac à la radio que le nom de l’école semble beaucoup revenir avec les meilleures notes reçues par ses candidats.

Le bâtiment est le même depuis les années 1950, sauf que la verdure qui l’entourait a disparu pour céder la place aux bidonvilles qui ont rampé jusqu’aux murs de l’école. Des murs qui n’ont visiblement pas été repeints depuis des années, des classes et une cour vétuste, mais qui enferment des jeunes qui possèdent une volonté et des rêves qui dépassent toutes les barrières.

Dans la discrétion la plus totale, sans publicité ni dons, le sérieux de l’école est sans précédent.

Plus de 2 500 élèves qui ont obtenu un pourcentage de 90 % ou plus en troisième année préparatoire se présentent chaque année pour s’inscrire dans cet internat. Cependant, ce n’est pas seulement le pourcentage élevé qui ouvre les portes de l’école à un élève, ce dernier doit d’abord passer un test de QI.

Seuls les 96 premiers sont admis. Et pendant les trois années d’études qui suivent, celui qui ne prouve pas sa perfection devra quitter, car il n’y a pas de places pour les élèves normaux. Aujourd’hui, seuls 87 élèves passeront le bac à l’école.

« Il y a des premiers dans toutes les écoles, mais les nôtres sont différents car on choisit les meilleurs parmi les meilleurs et on leur offre tous les avantages possibles pour les aider à atteindre le maximum de la supériorité », explique Al-Bassiouni, directeur de l’école. Pour une école gouvernementale, ce qu’on présente ici est vraiment un privilège si on le compare à  une autre école publique, et d’après Al-Bassiouni, cette chance offerte à ces jeunes brillants les aide à atteindre la supériorité facilement. Ce n’est pas suffisant d’être bon, il y a d’autres critères qui définissent la distinction qui n’existent pas ailleurs. Et c’est pour cela qu’on leur offre le maximum pour atteindre la perfection. « Dans une école secondaire normale, je ne pense pas que j’aurai pu atteindre mon niveau actuel. Et ce, pour plusieurs raisons, notamment le nombre d’élèves par classe qui peut atteindre les 70 dans une école normale », dit Omar, élève en troisième année secondaire et qui rêve de devenir médecin. Bien sûr dans une classe de vingt élèves ou moins, la situation est différente, mais il y a aussi plusieurs autres facteurs qui aident ces élèves à se distinguer des autres.

Le choix des professeurs est différent. Ces derniers doivent répondre à une série d’examens pour être accepter.

Emad Al-Sayed, professeur de technologie, affirme que si le professeur n’a pas un certain niveau scientifique et ne possède pas certaines qualités personnelles, il ne pourra continuer avec ces élèves dont le niveau intellectuel est très haut.

« Ils sont différents, ils ont beaucoup de connaissances et veulent toujours plus. Il faut vraiment être bien préparé pour être à la hauteur. Ils sont capables de détecter la moindre erreur », dit Emad, en ajoutant que parfois c’est lui qui apprend de ses élèves. Youssef, professeur, de la même matière et qui a travaillé dans d’autres écoles secondaires avant de venir ici, dit qu’il doit lui-même non seulement bien étudier avant de rentrer en classe, mais aussi se documenter sur d’autres aspects ne figurant pas dans le programme.

 

Une journée studieuse

D’ailleurs, certains de ces élèves ont leur mot à dire sur le programme officiel. « Je découvre de plus en plus que nos programmes sont stériles, il faut les modifier pour laisser plus de chance à l’étudiant de devenir plus créatif et lui donner la possibilité de faire de la recherche », dit Ahmad, élève en deuxième secondaire et qui veut devenir médecin.

Une journée type à l’internat débute à six heures du matin et se prolonge jusqu’à très tard le soir. Les garçons commencent par prendre leur petit-déjeuner puis mettent de l’ordre dans le dortoir, ensuite commence la journée scolaire normalement par le salut du drapeau et les rangs. Si dans les autres écoles gouvernementales cette journée se termine à midi, ici c’est une journée complète jusqu’à 14h30 dont le temps est partagé entre les cours, les différents laboratoires et la bibliothèque. La période de récréation et les quelques minutes entre les différents cours ne sont pas les mêmes qu’ailleurs. Le silence règne. On n’entend pas de cris, ni une voix haute ou des insultes. On ne voit pas de jeunes courir les uns derrière les autres ou se pousser pour causer du désordre. Ici, on est là pour travailler, le sérieux est de rigueur, on est jeune mais raisonnable. Pas d’éléments perturbateurs. On se balade, on blague, on fait de la musique, du sport, de la lecture.

Chacun est occupé à faire quelque chose. Même si un élève veut commettre une faute, il ne trouve pas l’occasion car il est d’abord contrôlé par ses camarades, puis par les surveillants de l’école. L’esprit de réussite règne et domine le quotidien. « La concurrence est forte entre les élèves, et un centième de point peut créer la panique chez l’élève qui redoublera d’effort pour réussir », explique Al-Bassiouni. Cette fraction, pour Mohamad, peut changer sa moyenne, une chose qui de son point de vue est inacceptable.

L’après-midi on recommence de nouveau, puisque les professeurs restent à tour de rôle à l’école pour aider les élèves à faire leurs devoirs s’ils en ont besoin. « C’est un système idéal sur lequel doivent prendre exemple toutes les écoles. Une chose qui semble difficile à cause du sureffectif dans les classes et la baisse radicale du niveau des professeurs. Heureusement, certains ont la chance de venir ici », dit Al-Bassiouni.

Il ajoute qu’on a tendance à comparer avec les écoles publiques, mais il met à défi n’importe quelle école privée, avec tous les moyens et les fonds qu’elle possède, de se comparer à l’école des prodiges. « C’est la volonté de nos élèves qui fait la différence », dit-il.

Moustapha Abdel-Tawwab, élève de deuxième secondaire, affirme que même si les élèves des autres écoles atteignent des pourcentages élevés, ce n’est que grâce aux leçons particulières, mais les élèves de cette école ne connaissent guère cette véritable gangrène, c’est grâce à leur persévérance qu’ils obtiennent ces pourcentages. Ce dernier, qui travaille assidûment pour adhérer la faculté de médecine, affirme qu’il n’aurait pas pu être la même personne qu’il est aux niveaux personnel et scientifique s’il avait continué dans une autre école. Les professeurs travaillent différemment, explique Bayoumi, enseignant de langue arabe.

Il dit qu’avec des élèves qui montrent une volonté de fer, qui sont sérieux, rigoureux et intelligents, le maître ne peut que réagir en leur donnant toutes ses connaissances, surtout qu’ils ne sont pas nombreux, alors le professeur les connaît un par un. 

Aussi le fait que l’école soit un internat fait une grande différence dans la personnalité de ces jeunes étudiants. Il n’y a pas de papa qui caresse ni de maman qui prépare les affaires. L’enfant est donc livré à lui-même, il devient indépendant et autonome et, comme l’explique Al-Bassiouni, fait de lui un homme responsable. « Cela se confirme par la suite soit au cours du cursus universitaire ou pendant les travaux de recherche plus tard, ils se conduisent avec responsabilité et se distinguent parmi les autres non seulement par leurs bonnes notes, mais aussi par leurs connaissances scientifiques et leur culture générale », dit-il très fièrement. Issus d’une couche sociale loin d’être aisée, ils veulent profiter de cette chance qui ne leur coûte que 100 L.E. par an, pour changer leur réalité par le seul moyen existant, l’éducation. 

Et chaque élève prend en exemple ses prédécesseurs, et les cas ne manquent pas. Le professeur Mohamad Abdou, directeur de l’Institut de plasma et de la technologie de l’énergie nucléaire à l’Université de Californie aux Etats-Unis, affirme que son succès est le résultat de l’éducation qu’il a reçue dans cette école secondaire et qui lui a offert un environnement scientifique convenable qui lui a permis de continuer ses études difficiles après cela à la faculté de polytechnique, qui venait d’ouvrir à l’époque un nouveau département d’énergie nucléaire. Après quoi plusieurs universités étrangères lui ont offert des bourses et il a continué ses études et son travail de chercheur. L’ancien élève Mohamad Al-Gawadi a toujours aimé les sciences et la littérature, il est aujourd’hui médecin et membre de l’Académie de langue arabe. « Mes professeurs m’ont toujours encouragé à écrire et à participer aux concours que je gagnais toujours. Le talent ne suffit pas, il faut de l’encouragement, sans quoi je n’aurais pas réussi dans ces deux branches et je ne serais pas devenu ce que je suis », dit Al-Gawadi, toujours fidèle à son école. Il lui rend visite de temps à autre, se promène dans ses couloirs et envoie tous ses livres pour les exposer à la bibliothèque. C’est la seule école, selon Al-Bassiouni, dont 95 % des élèves poursuivent des hautes études pour atteindre le magistère et le doctorat. Ministres, doyens, ingénieurs nucléaires et autres génies se sont distingués et ont marqué pour avoir été dans cette école, celle des rêves.

Mais tous les anciens élèves ne sont pas fidèles comme Al-Gawadi, c’est rare que ces derniers se souviennent de leur école. « Si ces gens devenus célèbres aujourd’hui se rendaient compte comment une visite serait stimulante pour les élèves, ils ne manqueraient pas de le faire tous les jours », dit Al-Bassiouni.

Une école qui relève tous les défis en continuant à garder le niveau et ce, avec des fonds minimums qui font que l’on ne peut même pas repeindre les murs pour offrir un cadre agréable à ces génies en herbe. Pourtant, ils continuent envers et contre tous. Une lueur d’espoir lorsque l’on connaît la crise que traverse le système d’éducation égyptien.

Hanaa Al-Mekkawi

 




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