Al-Ahram Hebdo, Visages | Anba Moussa,  Le moine de la rencontre
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 26 décembre 2007 au 1 janvier 2008, numéro 694

 

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A 69 ans, Anba Moussa, évêque des jeunes coptes orthodoxes, est constamment à la résidence de leur diocèse, à Deir Al-Malak, prêtant une oreille attentive à leurs soucis et problèmes. 

Le moine de la rencontre 

Depuis 1980, le pape Chénouda III a chargé ce moine charismatique d’être l’évêque des jeunes du rite copte orthodoxe. Anba Moussa (moine supérieur) est ainsi à l’écoute des jeunes coptes, non seulement en Egypte, mais aussi dans les pays d’émigration. Une charge qui est venue couronner une vie ecclésiastique ayant commencé en 1963.

Né à Assiout (en Haute-Egypte), dans une famille de la classe moyenne, le père était démocrate et bien éduqué, propriétaire de terres agricoles, et la mère, une femme au foyer qui ne lisait que l’évangile et se consacrait à élever ses neuf enfants. A l’époque, Anba Moussa s’appelait encore Emile Aziz Guirguis. A 15 ans, lorsqu’il a obtenu le baccalauréat, à un âge très précoce, il a été admis sans restriction aucune à la faculté de médecine, de l’Université d’Assiout. C’est dans ce domaine humain que l’universitaire a trouvé sa vocation. Il a senti en lui une voix qui hélait, l’appelant à se consacrer entièrement au service de l’église. Exempté de service militaire, le jeune médecin a pratiqué, à Béni-Souef, pour quelques années sa « profession de piété », jusqu’au jour où il a été convié, auprès du nouveau moine de Béni-Souef, qui dans le temps, était Anba Athanassios. En habit civil, Emile Aziz Guirguis, dit aujourd’hui Anba Moussa, a été nommé serviteur des jeunes, pendant 12 ans environ, puis il a été évêque adjoint d’Anba Athanassios, dans les années 1970. Dans cet archevêché de Béni-Souef, il a appris à mieux connaître Athanassios, son parrain d’esprit ouvert et cultivé. Ce dernier accordait au jeune serviteur la liberté totale de tout discuter, et de se déplacer à son aise. « C’était un sage. L’un des meilleurs à expliquer l’Evangile. Toujours au service de l’Homme, il a fondé multiples projets humanitaires : des pouponnières, des forges pour les pauvres, des classes d’alphabétisation. Il avait beaucoup de contacts, non seulement sur le plan local, au Conseil des églises du Moyen-Orient, mais aussi à l’échelle mondiale, avec les autres rites chrétiens », indique Anba Moussa.

Suivant les pas de son parrain, ce dernier a voulu s’immiscer au service des jeunes. « A qui veux-tu rendre service ? », lui a posé la question le pape Chénouda III, en l’honorant du titre d’évêque général. C’est alors qu’il a répondu promptement : « Aux jeunes ! ». « Ceux-ci se trouvent à la base de la société et de l’église. Les jeunes, c’est l’énergie, le futur. J’arrive même à entendre les palpitations de leurs cœurs. Je touche de près leurs besoins quotidiens et leurs aspirations. L’ecclésiastique est un enseignant, un juge qui tranche parmi ses enfants, un avocat qui élève leurs besoins au père, notre Dieu céleste », dit Anba Moussa.

A tout moment, il est entouré de jeunes fidèles, dans le salon du diocèse des jeunes, lié au patriarcat des coptes orthodoxes, où il loge actuellement. Ce diocèse sacré, lié à l’église de l’Archange Mikhaïl, au quartier cairote de Deir Al-Malak, se prépare à accueillir le Noël copte. Un décor très vif, des guirlandes de toutes les couleurs et un sapin de Noël. On est dans les 43 jours de carême précédant la fête, et l’heure est aux louanges et aux cantiques. C’est une manière de recevoir l’Enfant Jésus. Dans le salon du diocèse, une masse de jeunes coptes attend impatiemment son tour pour discuter avec lui de leurs soucis et obtenir la bénédiction d’Anba Moussa. Et les jeunes émigrés ? L’évêque fait de son mieux, malgré ses 69 ans, de les atteindre, organisant des colloques réguliers de quatre jours, dans leurs pays d’émigration. « Mes colloques ont un but déterminé. C’est d’apprendre aux jeunes émigrés à être liés à Dieu, à l’Eglise mère et à la nation. Il faut toujours les imprégner de nostalgie, leur rappeler leurs racines et l’histoire de leur pays, pour ne pas s’occidentaliser. En discutant les problèmes d’un jeune, il ne faut jamais omettre son enfance », soutient Anba Moussa d’une clairvoyance avérée. Et d’ajouter : « Les problèmes des jeunes coptes en Egypte diffèrent de ceux de leurs homologues émigrés. Ces derniers souffrent d’autant de problèmes de sexe, de chasteté et d’irréligion. Alors que pour les jeunes de l’Egypte, leurs problèmes sont plutôt liés au chômage, au mariage et au travail. Pour eux, le futur n’est pas chose donnée. Leurs besoins dépassent leurs moyens. Cela sans compter les problèmes d’occidentalisme, avec Internet, le pal talk et le facebook. Je ne suis pas contre la technologie et l’idée de créer un groupe d’ami(es), mais il faut savoir choisir ».

L’évêque n’a pas tardé à créer, au profit des jeunes et en collaboration avec eux, des sites intéressants sur le Net, qui rapprochent les jeunes coptes de l’Eglise mère. Ce sont des sites de préparation de jeunes évêques, de jeunes leaders, un site intitulé « Festival de la prédication ». Celui-ci lui permet en effet, à travers les 33 000 courriels électroniques mensuels, d’établir un contact direct avec les jeunes. « Telle est ma mission d’évêque. Je suis là pour tout le monde », souligne Anba Moussa, dont la vie de chasteté et d’abstinence ne l’éloigne guère de celle plus turbulente des jeunes. Car avant tout, il se considère le moine de la rencontre. Et dans sa mission, il est assisté de jeunes serviteurs du diocèse, de trois prêtres célibataires et d’évêques adjoints, mais aussi de 30 jeunes diaconesses égyptiennes célibataires. Ces dernières vivent dans ce même diocèse, à Deir Al-Malak, et s’investissent dans d’autres activités caritatives : publier des livres religieux, servir des églises dans des quartiers populaires, gérer des forges de jeunes, des maisons d’orphelinat et des asiles pour les universitaires dépaysés. Cela sans oublier les autres activités culturelles, économiques et « politiques » de cet évêché. « Le diocèse des jeunes est un lieu de mire qui invite constamment des figures de proue de l’Egypte, musulmans et chrétiens. Des hommes de différents courants politiques et des intellectuels qui animent des discussions libres et fructueuses avec les jeunes coptes », déclare Anba Moussa qui se nourrit de lectures variées. Il poursuit alors son analyse : « Actuellement, je trouve que la société égyptienne jouit de plus de démocratie et de liberté d’expression, dans les médias et les élections parlementaires. L’essentiel, c’est qu’elle soit une démocratie à base civile et non religieuse ». Pour mieux appliquer le concept de la démocratie, selon Anba Moussa, il faut se pencher sur la situation des coptes en Egypte. « Les problèmes des coptes en Egypte sont très simples. Comment bâtir une église ? Comment se doter d’une représentation constitutionnelle ? Comment pouvoir occuper des postes-clés au sein du gouvernement ? L’essentiel, c’est de savoir comment proclamer ses droits au sein de la société. C’est d’ailleurs un problème dont souffrent coptes et musulmans en Egypte », explique l’évêque toujours vêtu, même en dormant, d’une robe noire et d’une grande croix étalée sur la poitrine. Sa tête est couverte d’une somptueuse coiffe noire et ronde, au-dessus de laquelle une petite calotte tissée avec 6 croix à gauche et 6 autres à droite. A l’arrière de la calotte, une croix plus grande symbolise Jésus-Christ. « Cet habit traditionnel remonte au temps d’Anba Antonios, père du monachisme. Les 13 croix nous aident à s’armer, tout d’abord de l’esprit de Jésus-Christ et des 12 apôtres. Quant à la coiffe noire, ce n’est qu’un symbole de la coupole de l’Eglise », dit-il.

Sans être enfermé dans une tour d’ivoire, pour vivre il n’a recours qu’à l’essentiel, vraiment le strict nécessaire. Sa propre voiture en témoigne. Il admire l’époque nassérienne, vu la forte loyauté du gouvernant envers le peuple. « Nasser a réussi à se rapprocher du peuple. Il a consacré la réputation de l’Egypte et celle des Arabes. La sagesse d’un président est une chose requise. C’est le cas également du président Moubarak, qui en dehors de tout fanatisme, s’est montré modeste et négociant », estime Anba Moussa, qui trouve en la politique le champ des soucis de l’Homme. Il adore lire les écrits du journaliste Mohamad Hassanein Heikal doté, selon lui, d’un style à la fois politique et littéraire. « De tout temps, les musulmans et les chrétiens ont œuvré ensemble contre les attaques étrangères, depuis l’Expédition française, l’occupation britannique, les agressions israéliennes. Je dénonce le discours de George W. Bush, lequel a annoncé, après le 11 septembre, qu’il mène une croisade contre les Arabes. Sa guerre n’a rien à voir avec les chrétiens. Les Arabes sont à la fois des chrétiens et des musulmans qui vivent sur une même terre », se soulève Anba Moussa qui condamne le principe de la guerre au nom des religions. « Je me demande comment ces gens tourmentés par la guerre parviennent-ils à vivre ? Je prie Dieu pour les délivrer de leurs peines », affirme-t-il.

Avec les jeunes, il multiplie les plaisanteries, tout en préservant son caractère diplomate et posé. « Celui qui sert les jeunes doit se vêtir de gaieté. Il leur suffit les complications de la vie. Celui à qui je m’adresse est déjà épuisé. Pourquoi donc l’ennuyer ? J’essaye donc de dessiner le sourire sur les lèvres de tout indigent ». Ne touchant pas de salaire à la fin du mois, comme c’est le cas des autres prêtres, l’évêque mise sur les dons ou l’aide financière pour faciliter sa tâche, toujours au profit de son service ecclésiastique. A tout moment, il conseille aux jeunes coptes de s’approcher de Dieu, notamment via la prière, leur seul refuge contre toute tentation maligne. « La présence de Dieu en nous assouvit l’âme, illumine la raison, contrôle l’esprit, remédie le corps et mène à la réussite des relations sociales »,conclut-il.

Névine Lameï

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Jalons 

1938 : Naissance à Assiout.

Août 1963 : Consécration à l’Eglise copte.

Février 1976 : Vie monacale.

Avril 1976 : Prêtrise.

Juin 1978 : Evêque adjoint.

Mai 1980 : Evêque général.

 

 




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