La découverte dangereuse de Cossiga
Mohamed Salmawy
J’imaginais
que la nouvelle allait secouer le pays et que sa publication
allait ébranler toute la presse, qu’elle soit nationale,
partisane ou indépendante. J’imaginais également que ses
retombées se prolongeraient aux registres de l’Histoire pour
prouver la véracité de ce qui
a été avancé dans le monde arabe sur les événements du 11
septembre.
Cette information confirme que les fameux événements du 11
septembre aux Etats-Unis n’étaient pas tels qu’ils ont été
illustrés par les services américains de sécurité. Nous de
notre côté, à chaque fois que l’on essayait de les soumettre
à l’étude et à la recherche, on était accusé d’être victimes
de la théorie du complot.
Voilà l’un des plus importants hommes de politique
occidentaux qui fait des déclarations dangereuses sur les
événements du 11 septembre. Les voilà publiées dans les
détails et sans aucune censure, malgré leurs dangers dans
l’un des journaux à grand tirage. L’homme n’est autre que
l’ex-président de la République italienne Francesco Cossiga,
et le journal est Corriere della Sera.
La crédibilité de Cossiga revient non seulement à son statut
d’homme qui jouit d’une grande estime et de respect dans la
vie politique italienne, parce qu’il était président de la
République. Mais également parce qu’il était l’homme qui a
mis à nu ce qui a été appelé plus tard le scandale Gladio,
qui a dévoilé que les appareils de sécurité occidentaux, en
coordination avec la CIA et sous la supervision de l’Otan
étaient les réels auteurs des attentats terroristes des
années 1960, 1970 et 1980 du siècle dernier, et qui étaient
attribués aux groupes d’opposition.
Cette
fois-ci, Cossiga a annoncé que les opérations de septembre
2001 n’étaient pas l’œuvre de Bin Laden, bien qu’il ait
avoué avoir été leur auteur, et qu’elles étaient en revanche
commanditées par la CIA et le Mossad avec l’appui des
organisations sionistes. L’objectif était de désigner les
pays arabes comme accusés et convaincre les forces
occidentales de participer aux guerres d’Iraq et
d’Afghanistan. Cossiga a ajouté que ces informations sont
connues des services secrets occidentaux depuis longtemps.
Ce n’était pas la première fois que Cossiga dévoile, pour
reprendre ses propos, l’identité du véritable auteur des
opérations du 11 septembre. L’écrivain américain Webster
Tarpley a évoqué dans son livre, paru il y a deux ans, 9/11
Synthetic Terror : Made in USA, que les opérations de
septembre sont le produit d’une mentalité de prééminence
disposant d’énormes capacités. Il a dit qu’elles ne
pouvaient être exécutées sans l’implication et
l’infiltration des cercles locaux, notamment du radar et de
la sécurité aérienne.
Francesco Cossiga avait été élu président du Sénat en 1983,
ensuite il a exercé les fonctions de président de la
République de 1985 à 1992 après une victoire à majorité
écrasante aux élections. Il a jouit du respect des forces
politiques italiennes, y compris de celles de l’opposition,
que ce soit lorsqu’il présidait le Sénat ou au cours de son
investiture.
En général, son mandat qui a duré 7 ans jusqu’en avril 1992
est considéré comme l’un des meilleurs que l’Italie ait
jamais connu à l’époque contemporaine.
Ce qui a le plus distingué Cossiga et qui lui a valu le
respect de l’opinion publique est sa franchise et son audace
à dévoiler les déviations. Ce sont ces traits de caractère
qui l’ont amené à rendre publique l’affaire Gladio et les
opérations terroristes perpétrées par la CIA et qui ont été
attribuées aux groupes d’opposition en Europe pour des
raisons politiques.
La franchise de Cossiga a été telle qu’il a dévoilé le rôle
joué à certains niveaux dans cette affaire et dont les
séquelles étaient sa démission de la présidence de la
République. Le parlement italien avait formé à cette époque
une commission spéciale pour mener des enquêtes sur ce
scandale. Cette commission a confirmé, à coup sûr,
l’implication de la CIA dans toutes les opérations
terroristes qu’a dévoilées Cossiga. En 2001, l’un des agents
de l’opération de Gladio a témoigné devant la commission,
après avoir prêté serment que « nous devons cibler dans nos
explosions les civils, c’est-à-dire les femmes, les enfants.
Notamment, ceux qui n’avaient rien à avoir avec la vie
politique et ce, pour que les citoyens aient recours à l’Etat
à la recherche de sécurité et de protection ».
Cette logique s’applique aux opérations de septembre 2001
qui ont poussé les Américains à approuver toutes les lois
présentées par l’Administration de Bush et qui leur donnent
le droit de violer les libertés personnelles et de ne pas
respecter la vie privée des citoyens. Surtout ce que l’on
appelle l’« acte patriotique » qui a incité les Américains à
refuser la guerre depuis le retrait du Vietnam, jusqu’à
l’appui de Bush dans sa guerre contre l’Iraq.
Je ne vais pas faire un commentaire sur ce qu’a dévoilé
Cossiga au journal Corriere della Sera. Ce qui m’importe
c’est que j’ai cherché des échos de ces déclarations, qui
ont été transmises par les agences de presse et les médias
partout dans le monde, et chez nous aussi, mais en vain.
Bien qu’elles nous concernent en premier lieu.
Je ne cherchais pas un entretien exhaustif effectué par l’un
des journaux avec l’ex-président italien, ni une enquête
journalistique effectuée dans l’un de nos journaux sur les
détails du secret dangereux, ou même une analyse faite par
l’un des politiciens. J’aspirais uniquement à ce que l’on
publie la matière rapportée par un ex-président italien, qui
est parfaitement conscient de ses actes, dans un journal
respectable qui est Corriere della Sera.
Qu’est-il arrivé à nos journaux ? Comment se fait-il que
tout leur souci est la publication des scandales privés des
personnalités publiques au point de négliger les grandes
causes à dimensions sociales ? Où est l’intérêt général ? Il
est inéluctable que ce secret dévoilé au grand jour par un
homme de politique italien de la carrure de l’ex-président
italien Francesco Cossiga est de loin plus important que la
nouvelle du mariage ou du divorce d’un grand responsable
dans un parti politique. Ou encore des robes de soirée des
grandes stars au Festival du cinéma du Caire. Plus important
encore que celui d’un lapsus prononcé çà ou là par un
ministre (s’il s’agit d’un journal d’opposition) ou par un
dirigeant de l’opposition (s’il s’agit d’un journal
national).
La victime dans tout cela est le lecteur et son droit
naturel d’être au courant de ce qui a lieu autour de lui et
que la presse est censée lui rapporter.