Pas de paix sans Jérusalem
Morsi Attalla
Il
est certain aujourd’hui que l’avenir du processus de paix
dépend désormais de la possibilité de trouver une solution
acceptable concernant Jérusalem bien que de nombreuses
embûches et complications entourent les autres dossiers
comme celui des réfugiés, des implantations, des frontières
et de l’eau.
Jérusalem est la pierre angulaire qui déterminera la voie du
processus de paix dans toute la région. En effet, pour les
Arabes, les musulmans et les chrétiens, ce sujet ne peut
supporter davantage de compromis et de concessions tactiques
portant atteinte à la réalité qui existait avant le 4 juin
1967.
Depuis son occupation en juin 1967, Israël a consacré un
programme spécial à Jérusalem qui consiste à créer une
réalité géographique et démographique complexe et insoluble.
Dans ce cas, aucune solution politique ne peut être imposée
dans le cadre d’un éventuel compromis.
L’objectif d’Israël a toujours été d’opérer un changement
radical dans la composition démographique de la ville de
Jérusalem de sorte que le nombre des habitants juifs soit le
plus grand notamment à Jérusalem-Est. Pour ce, Israël a
octroyé des facilités illimitées aux habitants juifs et a
imposé des contraintes illimitées aux habitants arabes. De
plus, il a tenté d’opérer un changement géographique global
et rapide afin de changer radicalement les caractères de la
ville sainte, en intensifiant la construction des
implantations de sorte qu’il devienne impossible de
repartager la ville. Israël cherche ainsi à imposer la
réalité de la ville unifiée sous la domination israélienne.
Israël a un autre objectif, celui de terroriser les
habitants arabes de Jérusalem, de faire pression sur eux de
toutes les manières légitimes et non légitimes pour les
pousser à partir, à vendre leurs terres, leurs commerces et
leurs biens immobiliers. Lorsque les Palestiniens ont campé
sur leurs positions et ont refusé d’abdiquer, Israël a eu
recours à l’arme de la confiscation des biens et des terres.
Il a entravé le mouvement du travail et du commerce dans le
secteur Est de la ville de telle sorte que la différence ait
été devenue énorme entre le niveau de vie, les taux de
croissance et les facilités de mouvement entre les deux
parties de la ville. Il est grand temps pour que le
négociateur palestinien tranche ses positions et adresse un
message franc et clair aux Israéliens. Il doit leur dire que
malgré les changements démographiques qu’ils ont opérés à
Jérusalem, il est impossible de parvenir à un règlement
final sans trouver une formule déterminée reflétant la
réalité de la domination palestinienne sur la ville arabe de
Jérusalem. Il est vrai que les mesures de judaïsation ont
imposé une majorité juive sur la ville arabe de Jérusalem.
Cependant, le Grand Jérusalem, qui englobe Ramallah et
Bethléem et qui représente le prolongement naturel de toute
expansion à venir, peut réaliser l’équilibre requis entre
les habitants arabes et les habitants juifs dans le cadre de
tout éventuel règlement.
Certains disent que les implantations israéliennes à
Jérusalem représentent une entrave face à une solution
pratique permettant le retour de la souveraineté arabe sur
le secteur Est de la ville. Nous pouvons répondre : Pourquoi
ne pas considérer ces implantations comme une partie des
indemnisations qu’Israël doit verser au peuple palestinien
conformément aux résolutions de l’Onu promulguées en 1948
sur le droit du retour ou le droit aux indemnisations ?
Si nous parlons vraiment d’une paix réelle, pourquoi ce qui
est valable pour Jérusalem ne deviendrait-il pas une
introduction à la résolution du problème des implantations
répandues dans tous les territoires palestiniens occupés ?
Si certains croient que seuls les Arabes et les Palestiniens
vont payer le prix de l’impasse de la paix, ils ont tort.
Israël n’est pas seulement la partie qui a le plus besoin de
la paix dans la région, mais c’est aussi la seule partie qui
prendra sans aucune contrepartie. La formule de la terre
contre la paix selon laquelle les Arabes se sont rendus à la
conférence de Madrid signifie qu’Israël doit rendre les
territoires occupés en juin 1967 à leurs véritables
propriétaires. Elle ne parle nullement des territoires
palestiniens qu’Israël a violés avant cette date ! Il faut
rappeler à ceux qui avalent facilement les couleuvres des
médias sionistes que l’Onu quand elle a pris sa résolution
injuste de 1947, l’Etat d’Israël n’existait pas, mais c’est
l’Etat de la Palestine qui existait. La division injuste
s’est opérée sur les territoires palestiniens et non
israéliens. Partant, il n’est pas dans l’intérêt d’Israël de
continuer à vivre dans l’impasse actuelle, ni de voir
s’éteindre le rêve de la paix selon la formule de Madrid
renforcée par l’initiative arabe. En effet, rouvrir les
vieux dossiers n’est dans l’intérêt de personne et surtout
d’Israël qui n’a jamais rêvé de la légitimité de
l’acceptation arabe de son existence.
L’ambition des Arabes de réaliser une conciliation
historique avec Israël n’émane pas d’une position de
faiblesse. C’est une ambition légitime qui tient à une
logique déterminée. Celle-ci suppose que si les Arabes ont
été incapables d’infliger une défaite écrasante à l’Etat
hébreu et bien cet Etat, soutenu par la plus grande
superpuissance de notre monde contemporain, n’a pu briser la
volonté arabe ni imposer l’abdication à aucune partie arabe
malgré les victoires tactiques qu’il a réalisées dans des
batailles ultérieures ! Aucune partie, quelle que soit sa
force ou sa capacité, ne peut croire qu’il est possible de
transformer le fait accompli en paix. L’histoire du conflit
arabo-israélien le démontre parfaitement.
Les batailles de 1947 se sont terminées par une trêve qui ne
s’est pas transformée en paix. Les batailles de 1956 aussi
se sont terminées par une trêve qui ne s’est pas transformée
en paix. Même la guerre de juin 1967, malgré les gains
qu’elle a attribués à Israël, a abouti à de nouvelles lignes
de cessez-le-feu. La guerre d’octobre 1973, malgré la grande
victoire arabe, a abouti à de nouvelles lignes de
cessez-le-feu. Lorsqu’Israël a occupé le Liban et est arrivé
à Beyrouth en 1982, il a été obligé de se retirer de manière
humiliante en 2000 sous l’emprise des coups de la résistance
qui lui a aussi infligé une défaite écrasante en juin 2006.
Ce sont là les leçons tirées d’une série de guerres. Ce sont
leurs conséquences sur le terrain de la réalité. Une réalité
renforcée par la résistance héroïque du peuple palestinienne
durant la première Intifada de 1987 et la seconde en 2000.
Mais la paix est tout autre chose. Elle ne peut se
matérialiser que par le respect réciproque et la
reconnaissance mutuelle des droits légitimes des uns et des
autres .