Al-Ahram Hebdo, Littérature | Mahmoud Qassem plonge
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 28 novembre au 4 décembre, numéro 690

 

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Littérature

Dans son dernier roman Al-Rakd fawq al-mae (galoper au-dessus de l’eau), l’écrivain égyptien Mahmoud Qassem plonge dans l’univers des scribes inconnus dont la plume est au service de personnages illustres. Al-Ahram Hebdo en publie un extrait inédit. 

Le prix 

Il avait obtenu le prix.

J’ai assisté à la conférence.

Ils ont appelé son précieux nom, avec beaucoup de fierté et de contentement. Il a quitté son siège, défait les boutons de sa veste, et avec une confiance en soi bien évidente se dirigea vers l’estrade pour saluer la personne importante. Il faisait exprès de parler avec lui, comme s’il lui demandait quelque chose, ou peut-être insinuait–il au public qu’une profonde relation les reliait. Il reçut un certificat de considération. Il éleva la feuille en l’air, pour permettre aux porteurs de caméras de prendre autant de photos qu’ils voudraient pour son journal et pour les autres journaux. Cependant, il lui fallait laisser la place à un autre collègue qui avait obtenu le Grand prix pour son livre en cette fin d’année.

 

Le jour suivant, les ordres me vinrent de la directrice de son bureau de me diriger vers la conférence. Je m’assis, à sa place, devant la table pour débattre des livres gagnants de cette année, alors que le président de la séance répétait:

— Le grand Ecrivain Assem Al-Nayale s’excuse de ne pas assister à cette conférence pour discuter de son livre. Monsieur Amer Moftah va le faire à sa place.

Ce qualificatif me perçait les oreilles comme si je venais de l’entendre pour la première fois ou que je venais de l’écrire pour la première fois également. Le grand Ecrivain ! Le président de la séance comprenait-il son sens exact ? Il m’avait présenté en tant que Monsieur sans écrivain, ni grand …

 

Est-ce que Assem Al-Nayale était vraiment un grand Ecrivain ? Parce qu’il était le PDG d’une grande institution journalistique, qu’il avait plein de responsabilités, un compte en banque, et qu’il détenait le destin de ces êtres nombreux qui travaillaient pour lui, qui étaient prêts à arracher toute ma chair. Et ceci s’il me venait à l’esprit le désir de demander qu’on me nomme, moi, le grand Ecrivain, alors que c’était moi le vrai auteur du Paradis désespéré nommé actuellement Les Coups du destin. Je devais présenter les événements du livre maintenant en m’adressant à ce public qui avait l’air d’être sous le choc à cause de l’absence de son Maître à la conférence. Ils étaient venus tous remplir la salle, tout en sachant parfaitement la vérité qu’ils échangeaient à voix basse sans qu’une quelconque personne n’ait le courage de la crier à haute voix. Sans doute parce qu’il existait parmi eux au moins 10 personnes qu’on pouvait nommer écrivain. Personne ne savait ce qu’écrivait l’autre, comme pour moi, qui le faisait en cachette.

Moi, le citoyen Amer Moftah, le responsable de la rubrique des reportages politiques dans cette grande institution journalistique, je n’étais présent ici qu’en tant que journaliste pour débattre de ce livre qui avait obtenu le prix.

 

L’heure de la vérité était venue donc, afin que je dise l’entière vérité et pour permettre à ces écrivains de l’ombre de devenir plus célèbres qu’ils ne pensaient. Je n’avais qu’à déclarer que j’étais le réel auteur des Coups du destin ainsi que de 3 des 15 autres livres déposés à la Bibliothèque nationale et signés Assem Al-Nayale. En plus, je pouvais certifier que je connaissais au moins 4 des auteurs réels de ces livres.

 

Le temps était venu d’annoncer que j’étais l’écrivain réel des articles politiques du Maître, que Nagui Al-Sabbah était l’auteur de ceux du quotidien, que Ragaa Salah était l’auteur de l’article artistique et que Sahar Emadeddine partageait avec Raouf Sobeih les articles sur l’art et …

 

Le président de la séance répétait :

— Nous allons écouter Amer Moftah qui va nous parler à la place du grand écrivain …

Il se passa ce qui m’arrivait d’habitude dans ce genre de situation, c’est-à-dire le fait de m’identifier avec le Maître, de l’imaginer alors qu’il m’habitait. Toutefois, il y avait une seule différence, celle d’accepter que l’on m’appelle d’un autre nom, celui de Assem Al-Nayale. Mais pourquoi était-ce un autre nom ? N’était-ce pas mon pseudonyme utilisé par le PDG à ma place ?

 

Je fus habité par un enthousiasme que je connaissais déjà alors que je parlais de ce que j’avais écrit avec compréhension et lucidité en faisant exprès de ne pas regarder dans les yeux des gens pour ne pas sortir de cet état d’âme qui m’habitait comme d’habitude. A la fin de mes propos, la salle applaudit fortement. Elle applaudissait pour deux personnes à la fois ou peut-être pour sa seule personne, celle présente qui avait pu fidèlement lire la feuille rédigée comme étant celle du grand écrivain. Il venait d’analyser de manière intéressante le XXIe siècle qui avait commencé avec le choc du 11 septembre et l’Afghanistan, ainsi que l’Iraq qui venait s’ajouter aux chocs du siècle précédent et à leur tête la Palestine qui ne trouvera pas de solution politique avant un demi-siècle à venir.

 

Les questions des gens de la cour déferlèrent à propos du livre et les idées qu’il contenait. Ce n’étaient pas de vraies questions, mais une sorte de sacralisation pour chacune des lignes écrites par lui et de ses nouvelles idées ainsi que de son style (combien est-il important le mot style !). Ceci dura jusqu’à ce que vînt une vraie question qui me plongea dans l’embarras plus qu’elle ne le fît pour les gens de la cour :

— Les idées du livre sont-elles de Assem Al-Nayale ou sont-elles celles d’une autre personne ?

La question semblait être comme un virus d’ordinateur capable de détruire toutes les protections contre les virus de tous les ordinateurs du monde. Un virus pouvant couvrir l’écran d’une page blanche sans aucune ligne apportant une quelconque information. Je ne me souvins pas de ce que répondit le président de la séance pour faire face à cette question qui pouvait amenait tant de dégâts. Cependant, je pus certifier que je payais le prix fort en ingurgitant 8 bouteilles de whisky sur un estomac vide dès que le chauffeur de l’institution me fit sortir de l’endroit de la conférence pour se diriger vers un hôtel aux confins de la ville …

 

Etait–il important que l’être humain refasse ses comptes ? Et qu’en était la valeur au milieu de ces luxueuses bouteilles payées en dollars sur le compte de l’institution ? Etait-ce de mon droit de m’effondrer à ce point ou de refaire mes comptes pour découvrir qu’à l’intérieur de moi et dans un petit recoin se tenait ce jeune homme perdu dans les ruelles du Caire avant de parvenir à être un stagiaire dans l’institution ?

 

Je décidais d’arrêter cette façon traditionnelle de me raconter. L’écriture devait se faire d’après ma manière à moi et non la sienne.

 

Question : Rêvais-tu alors que tu habitais cette ruelle d’ingurgiter 8 bouteilles de whisky sur le compte de l’institution ?

Réponse : Rêver … Jamais, car ce genre de rêve ne traversait pas l’esprit d’aucun être parmi nous. Le maximum que je pouvais rêver de réaliser, c’était d’emprunter un livre à la bibliothèque de l’organisme auquel je fus rattaché à ma sortie de l’armée en 1975. Mon salaire était de 17 livres égyptiennes et le journal coûtait une piastre. Une trentaine de journaux pour connaître les nouvelles de la vie qui se métamorphosaient rapidement en bavardages parmi les employés et les employées dont la nourriture se dispersait au-dessus de leurs bureaux sur les feuilles des journaux et qui se jetaient aux visages les nouvelles des journaux. Rêver ? Je n’avais pas de rêve en particulier. Mon rêve était de terminer mon service militaire et de sortir vers le monde de la ville. Ils m’avaient envoyé une nomination dans un secteur de services dans une institution sociale malgré que mon diplôme certifie que je devais devenir ambassadeur ou consul ou même attaché du consul. Rêver ? Le vrai rêve était que je reste dans cette pièce le plus longtemps possible. Quatre pièces qui étouffaient sous le poids de 16 étudiants représentant plus de 7 facultés et 8 gouvernorats. Cinq étudiants de la Basse-Egypte et 3 de la Haute-Egypte qui me prenaient pour un exemple à suivre. Un jeune homme qui lisait énormément et qui disparaissait quelquefois sans savoir où il allait. Je vais dire où j’allais. On se réunissait là-bas pour manger et boire et déclarer notre rébellion contre la politique d’ouverture qui avait rempli les marchés de boîtes de compotes et de 23 genres de parfums luxueux ainsi que du même nombre de réelle eau gazeuse qui avait réussi à chasser les eaux de mauvaise qualité, c’est-à-dire l’eau à laquelle on avait rajouté du sucre et (…).

Traduction de Soheir Fahmi

 

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Mahmoud Qassem

 

Mahmoud Qassem est né à Alexandrie en 1949. Son nom est d’abord lié au monde cinématographique. Depuis les années 1970, il publie des critiques de cinéma dans le mensuel Al-Hilal et dans nombre de journaux arabes. Il a publié une encyclopédie de cinéma, puis Al-Iqtibass fil cinema (l’adaptation dans le cinéma) en 1996. Il a écrit des livres pour enfants et de science-fiction comme La Science-fiction et la littérature du XXe siècle en 1993.

Lorsqu’il s’est mis à l’écriture littéraire dans les années 1980, l’ombre du cinéma est restée omniprésente. Les grands titres du cinéma, les stars, le temps d’Elvis Presley et de James Dean sont des références de base dans son œuvre.

Il a déjà publié Lemaza (pourquoi) en 1981, Odyssana (notre Odyssée) en 1982, Al-Sarwa (la fortune) en 1983, Al-Badil (le double) en 1987, Ayam al-charlestone (les jours du charleston) en 1999, Afaal al-hob (les verbes de l’amour) en 2001 et Akher ayam Al-Iskandariya (les derniers jours d’Alexandrie) en 2002. Il a obtenu le prix de l’Encouragement de l’Etat en 1988.

 

 




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