Pisciculture.
Le déclin des ressources marines dû à la pollution
s’aggravant, les fermes piscicoles apparaissent comme une
solution pertinente à la diminution de la production de
poissons d’eau douce et de mer.
Alternative rentable
Le
bateau Atteyyat Allah (dons d’Allah), conduit par raïs Waël
(le chef de l’embarcation), est doté d’un moteur de 147
chevaux, d’un appareil GPS pour mesurer la profondeur et
transporte six pêcheurs, dont le mécanicien. Il a quitté le
port Est d’Alexandrie à midi. A environ 15 kilomètres du
port et dès que la profondeur a atteint les 30 mètres après
une heure de navigation, le chalut est jeté. Une heure plus
tard, il est tiré, Atteyyat Allah rentre au port. La sortie
a duré environ quatre heures en pleine mer pour retourner
avec quelques kilogrammes de poissons (rouget, daurade,
quelques pieuvres et crustacés). Quantité estimée modeste
par les pêcheurs si on la compare à celle qu’ils obtenaient
il y a une vingtaine d’années.
« Aujourd’hui, il y a très peu de poissons. Les raisons de
cette diminution ne sont autres que la pollution résultant
de nombreux bateaux commerciaux qui jettent leurs déchets et
huile de moteur. Sans oublier le réchauffement climatique.
Les tempêtes pour lesquelles Alexandrie était célèbre ne
sont plus ce qu’elles étaient. Il y a vingt ans, la tempête
durait environ une semaine pour effectuer un changement de
fond de la nature marine. Ce qui ramenait beaucoup de
poissons les lendemains de tempête. Sans oublier les
sédiments qui venaient avant la construction du Haut-Barrage
et qui constituent une riche source alimentaire pour les
poissons. Je peux dire que grâce à cette source importante,
il y avait beaucoup d’espèces de poissons qui n’existent
plus dans nos eaux régionales », raconte Waël Dahab, chef
des pêcheurs, qui a passé environ vingt ans dans ce métier.
Cette diminution dans la quantité de poissons limite
également les sorties en bateaux de pêche. Les pêcheurs
journaliers ont dû pour la grande majorité quitter le métier
ou bien opter pour travailler sur des bateaux dans d’autres
pays. « Le coût d’une sortie s’élève à 1 500 L.E. pour
couvrir l’essence, la glace pour conserver les poissons et
les salaires des pêcheurs. Cela veut dire que le bateau
devrait gagner entre 3 000 et 4 000 L.E. Ce qui n’est pas le
cas », déplore Dahab.
Il y a une trentaine d’années, les ressources principales de
la production de poissons en Egypte étaient les mers (la
Méditerranée et la mer Rouge), les lacs comme Mariout, les
lagunes comme Borollos, le Nil et ses affluents. A cause de
la surpopulation, la construction d’usines tout au long du
Nil, le drainage agricole et sanitaire que l’on rejette dans
les lacs et les lagunes et la prise des alevins par certains
pêcheurs, la situation écologique de toutes ces ressources
naturelles s’est gravement détériorée. Afin de remédier à
cette situation qui affecte la production de poissons, le
gouvernement a interdit la pêche deux mois par an (juin et
juillet), pour permettre la reproduction de certaines
espèces de poissons. Pourtant, la production des poissons en
Egypte demeure insuffisante.
C’est ce qui a encouragé l’investissement piscicole en
recourant à la pisciculture. Ce genre de ferme qui gagne du
terrain jour après jour, notamment aux alentours
d’Alexandrie, à Rosette et Kafr Al-Cheikh, est une solution
pour faire face à la détérioration des ressources marines
naturelles et donc combler les besoins du marché poissonnier
égyptien.
Les bons résultats de l’aquaculture
Selon les dernières statistiques réalisées par l’Autorité
générale pour le développement des ressources de poissons
qui relève du ministère de l’Agriculture et de la
Bonification des terres, la production des fermes aquicoles
représentait en 2006, 61 % de la production totale. En 2005,
elle représentait 58 %, et 54 % en 2004. « D’après les
classifications scientifiques internationales, la
Méditerranée est d’une faible productivité de poissons aussi
bien que la côte ouest de la mer Rouge par rapport à la côte
est. Notre production de mer est donc modeste parce que les
pêcheries naturelles dans le monde entier sont exposées à
tout genre de pollution, outre les changements climatiques.
Et donc, leur productivité est devenue faible. La science a
trouvé la solution en encourageant les aquacultures afin de
compenser l’insuffisance des pêcheries naturelles », assure
Ezzat Awwad, directeur de l’Autorité générale pour le
développement des ressources poissonnières. Et d’ajouter : «
Pour ce qui est de l’Egypte, ce genre de ferme est apparu
dans les années 1980. A l’époque, la production ne dépassait
pas les 7-8 % de la production totale de poissons. Au début
des années 1990, elle enregistrait un taux de 14-16 %. Mais
le vrai boom a eu lieu en 1998 quand la production s’est
élevée à 25 % de la production totale. Depuis,
l’augmentation se poursuit pour atteindre 61 % ».
Cette tendance à encourager l’aquaculture est renforcée par
l’absence d’une flotte de pêche égyptienne. Celle des années
soixante et soixante-dix n’existe plus. Le gouvernement
dépend plutôt du secteur privé en la matière. D’après les
statistiques de l’Etat, le nombre des bateaux automatiques
privés s’élève à 4 400 et les petits bateaux sont 45 000
environ. « Je pense que quel que soit l’état de la flotte
égyptienne, elle n’est pas développée. Aller pêcher sur les
côtes des autres pays comme les côtes d’Ethiopie exige des
conventions avec ces pays. A mon avis, l’aquaculture est la
seule alternative aux pêcheries naturelles. Non seulement en
Egypte mais aussi dans les autres pays », affirme
Abdel-Fatah Al-Sayed, professeur à la faculté des sciences,
Université d’Alexandrie, département d’océanographie.
D’ailleurs, la production piscicole comble les besoins des
marchés lors de l’interdiction de la pêche en juin et
juillet. « C’est triste, mais je vais quand même le dire.
Oui, l’aquaculture est la solution puisqu’on n’arrive pas à
limiter les sources de pollution des pêcheries naturelles.
Un lac comme Borollos se voit souillé de tous les drainages
agricoles de toute la République et le drainage sanitaire
des villages qui l’entourent. Un lac comme Mariout souffre
du drainage industriel à un point tel que les Alexandrins
s’abstiennent de manger ses poissons. Oui, les différents
ministères concernés n’arrivent pas à se mettre d’accord
pour limiter la pollution et trouver des solutions à tous
les problèmes dont souffrent nos pêcheries naturelles »,
déplore Tareq Qanawati, écologiste au sein de l’Agence
Egyptienne pour les Affaires de l’Environnement (AEAE).
Les ministères concernés sont celui de l’Agriculture et de
la Bonification des terres, celui de l’Habitation et de
l’Urbanisation, celui des Ressources hydrauliques et de
l’Irrigation ainsi que l’Autorité des ressources
poissonnières. Chacun travaille d’après son propre
calendrier et selon le budget qui lui est alloué par l’Etat.
Racha
Hanafi