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 Semaine du 3 au 9 Octobre 2007, numéro 682

 

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Société

Self-Défense . Une dizaine de femmes ont décidé de participer aux cours organisés à Saqiet Al-Sawi afin d’avoir plus d’aptitude à se défendre. Chacune a ses raisons mais toutes désirent gagner en assurance.

Elles contre-attaquent 

Des cris de douleur, des bruits de chute et beaucoup de « Aïe » résonnent régulièrement à Saqiet Al-Sawi, à Zamalek, un centre connu pour toutes sortes d’activités musicales, théâtrales et artistiques. Ces voix en furie proviennent de la classe, inaugurée récemment, de Self-Défense consacrée aux femmes. « Oui, on propose ces cours uniquement pour les femmes. C’est un genre de sport qui n’est pas loin de notre message : propager différentes sortes de connaissances. Surtout que chaque femme doit avoir conscience de se défendre dans sa propre culture », dit Marwa Abdallah, responsable des ateliers à Saqiet Al-Sawi. Ce message a eu un bon écho puisque depuis l’inauguration, en janvier dernier, cette classe accueille toujours plus de femmes qui, dès les premiers cours, s’y attachent et la considèrent vite comme indispensable.

Dans la pièce vide, il y a huit élèves adultes et une de 10 ans. En fait, elles sont seize femmes à participer aux cours, mais en général, elles ne sont pas toutes là tout le temps, car il arrive que quelques-unes s’absentent. Elles sont debout deux par deux en train d’imiter ce que fait l’entraîneur avec une des adhérentes. Il leur montre plusieurs fois l’exercice puis le refait avec chacune d’entre elles. Attaque avec un couteau, un pistolet, avec les mains ou les jambes, si l’agresseur est plus petit ou plus grand, s’il vient par derrière ou par devant, toutes les hypothèses sont exposées, hypothèses toujours basées sur le fait que c’est un homme qui attaque. Des femmes de différents âges et classes sociales mais qui ont toutes un point commun qui les rassemble dans cette classe. Chacune a un manque de confiance en elle, y compris dans sa capacité à se défendre.

Hanane, 38 ans, confie que depuis l’enfance, elle souffre de sa fragilité physique. Elle vivait toujours dans la hantise d’être attaquée, car elle n’aurait eu ni le courage ni la force de se défendre. « Cette situation a dépassé l’âge de l’enfance et il y a encore six mois, j’évitais toute confrontation physique même avec les enfants. Cette idée de faiblesse m’a complètement obsédée et a transformé ma vie en un vrai cauchemar », dit-elle. Hanane n’est pas restée passive, elle a toujours cherché un moyen pour renforcer ses muscles. Elle a pratiqué plusieurs sports, comme le croquet et le tennis, mais ils n’ont pas réalisé les résultats qu’elle voulait, et elle n’avait pas assez de force physique pour pratiquer d’autres sports qui auraient été plus efficaces, tels que le karaté ou le judo. Hanane a été l’une des premières à s’inscrire aux cours de Self-Défense après avoir lu l’annonce. Et pour la première fois de sa vie, elle jouit des sentiments de sécurité et de confiance qui lui ont toujours manqué.

 

Femme égale délicatesse ?

« Nous sommes les victimes d’une éducation traditionnelle, qui exige que les filles soient délicates, douces, calmes et même fragiles pour être dignes de ce nom. Il est interdit pour nous de frapper ou de se battre car cela ne convient pas aux comportements raffinés des demoiselles », explique Hanane, qui garde toujours sur elle un petit carnet dans lequel elle note toutes les explications de l’entraîneur pour ne pas les oublier et s’entraîner chez elle.

De plus, elle visionne régulièrement des films d’action pour observer les mouvements des comédiens et découvre désormais facilement les fautes des réalisateurs dans certaines scènes.

Roqaya, qui a une trentaine d’années, assiste aux cours car elle met à profit la philosophie du jeu basé sur le contrôle de soi. « Si j’arrive à contrôler les gestes d’une personne devant moi, je peux alors avoir plus de maîtrise sur moi-même, mon cerveau et mes actions », dit Roqaya. Les raisons pour lesquelles Dalia, professeure à la faculté d’ingénierie, est là, ne sont ni psychiques ni morales mais plutôt intellectuelles. Elle a remarqué que la passivité était en train de devenir un caractère commun chez les gens.

Ce sentiment que personne ne vient au secours d’une autre a atteint son apogée un jour de manifestation où des soldats ont torturé et abusé des filles manifestant dans la rue. A cet instant, elle a décidé d’apprendre à se défendre puisqu’elle ne sait pas ce qui peut lui arriver. Pour des raisons politiques, sociales et culturelles, les gens sont devenus plus agressifs. Puis, l’affaire de ce mystérieux « agresseur »  de Maadi ou d’autres événements qui ont marqué l’actualité, sont en partie responsables du nombre croissant des participantes, estime Marwa, responsable des inscriptions.

Yasser, jeune entraîneur, l’unique homme de la salle, apprend à ses élèves des astuces qui les aideront à arrêter n’importe quelle attaque mais il insiste sur le fait que cela nécessite d’abord une préparation morale et mentale.

 « La confiance en soi, avant tout. Le premier rempart de défense de chacun, c’est de créer en lui un sentiment de force », dit Yasser. Alors, leçon numéro un : ne plus avoir peur, car il y a sûrement un moyen pour stopper celui qui attaque. La force n’est qu’une illusion mentale et chaque personne a plusieurs points faibles dans son corps qui peuvent facilement être utilisés pour paralyser ses actions. Yasser leur apprend à changer les traits de leurs visages, le ton de leur voix, à fixer leurs regards, à provoquer sur l’attaquant l’impression qu’on n’est pas facile et qu’il peut le regretter s’il insiste sur le chemin d’une confrontation violente. « Aujourd’hui, je suis fier que toutes mes filles sont capables moralement et physiquement de se défendre contre n’importe quelle attaque », dit Yasser en continuant ses explications sur les moyens de défense basés sur le côté psychique et en ajoutant que les actes physiques viennent en dernier lieu, mais sont parfois nécessaires. D’après lui, « tout ce qui précède, ce ne sont que des règles de base qu’il faut apprendre à nos enfants très tôt, car garçon ou fille de tout âge doit avoir le sentiment de pouvoir se défendre puisque chacun y gagne une certaine sécurité et confiance en soi », dit Yasser qui entraîne des femmes pour la première fois, alors qu’il le fait avec les hommes depuis des années. Il affirme qu’il n’y a pas de différence entre les deux sexes.

 Quels que soient les motifs, les deux veulent paraître plus forts devant les autres et devant eux-mêmes.

Le Self-Défense, selon l’entraîneur, n’est pas un sport au sens propre du terme, mais des aptitudes basées sur des mouvements tirés de tous les sports de combat : karaté, kung-fu, taekwondo et autres. « Ces jeux conviennent pour participer à des compétitions et pour faire des démonstrations mais ne sont pas utilisables directement sur le terrain de la réalité ». Chaque entraîneur rassemble donc ses connaissances des différents jeux pour former la technique du Self-Défense. Que ce soit un fait personnel ou l’atmosphère générale de violence qui a marqué chacune des participantes, toutes sont convaincues de la nécessité d’apprendre à se défendre. Peu de temps s’écoule avant que la différence n’apparaisse clairement. Yasmine, 10 ans et qui forme avec sa sœur le duo le plus jeune de la classe, a passé bien de mauvaises nuits, se sentant incapable de mettre fin aux attaques de ses copains d’école. « Elle ne possédait que ses larmes comme réaction devant ces vilains garnements, qui redoublaient leurs attaques en la voyant faible », dit la maman de Yasmine qui a encouragé ses filles à s’inscrire à ces cours. Yasmine ne regrette pas du tout, surtout qu’elle est sûre maintenant que si un garçon la touche, elle lui rendra immédiatement la pareille.

 « Je les regarde dans les yeux en espérant qu’ils me provoqueront pour pouvoir leur montrer qui je suis », dit la douce Yasmine.

Depuis janvier, date de l’inauguration de ces cours, et jusqu’aujourd’hui, Batoul, 33 ans, a été elle aussi témoin d’un changement important dans sa personnalité. « Etant naine et brune, j’allais devenir folle à cause des moqueries, des railleries et de la méchanceté des gens », dit Batoul qui détestait son sentiment d’impuissance. Elle raconte que le pire des jours a été celui où un chauffeur de taxi l’a retenue dans la voiture et a refusé de lui ouvrir les portes avant qu’elle ne paye 20 L.E. tandis que le trajet n’en méritait que 5 seulement. Impuissance de nouveau et toujours sentiment qui dominait la vie de Batoul et qui s’est transformé en courage sans limites. « Parfois pendant le cours, j’oublie qu’on joue et je cause de vraies douleurs à Yasser et à mes collègues », confie Batoul.

De plus, cette jeune femme qui évitait les gens sort parfois exprès pour s’exposer à des personnes qui la méprisent, et elle réplique immédiatement de toutes ses forces. Elle, qui veut se venger de chaque homme osant narguer ou draguer une femme pour la simple raison qu’il se sent le plus fort, dit qu’elle ne savait pas qu’elle possédait tout ce courage. Elle propose aussi à ses sœurs de les accompagner pour les protéger. « J’ai entièrement changé, je suis très fière de moi et je regrette même le temps que j’ai perdu de ma vie à rester coincée dans ma chambre ». Enfant ou âgée de 60 ans, une femme peut rejoindre la classe à condition de ne pas avoir de graves problèmes de santé. Avec l’entraînement, ces sirènes gardent leur apparence douce et fragile, et en même temps elles sont prêtes à attaquer en cas d’urgence et à se transformer en animaux féroces. Si trois mois sont suffisants pour qu’une femme apprenne les bases essentielles pour se défendre, la plupart des participantes pensent cependant continuer pour ne pas oublier et jouir du sentiment qu’elles sont fortes moralement et physiquement .

Hanaa Al-Mekkawi

 




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