Rd Congo .
La crise entre gouvernement et soldats dissidents dans l’est
du pays reste entière. Aucune solution ne semble se
dessiner, aggravant la situation humanitaire des populations
locales.
La dissidence a la vie dure
C’est
un calme précaire qui règne à l’est de la République
Démocratique du Congo (RDC), sans qu’aucune solution ne soit
en vue, le gouvernement et les soldats dissidents campant
sur leurs positions. D’un côté, les Forces Armées de la RDC
(FARDC) ont maintenu leur position, exigeant le regroupement
des troupes rebelles dans des camps, qui seront ouverts «
prochainement » pour la démobilisation de soldats dissidents
au Nord-Kivu (est), puis leur intégration à l’armée
régulière. « Je viens demander aux FARDC égarées de se
rendre au brassage (processus national de réforme de
l’armée) », a déclaré le général Dieudonné Kayembe, chef
d’état-major de l’armée. « Nous allons bientôt ouvrir des
camps de regroupement à Mubambiro, Nyanzale, Rubare et
Katale », des localités proches de théâtres de combats ayant
opposé du 27 août au 6 septembre des soldats loyalistes et
des dissidents ralliés au général déchu tutsi congolais,
Laurent Nkunda.
Plus ferme, le gouverneur du Nord-Kivu a donné un délai de
21 jours aux dissidents pour démobiliser. « Mon message est
clair : tous les groupes armés doivent se rendre au brassage
pour intégrer l’armée », ou pour démobiliser et être
réorientés vers la vie civile, a martelé le gouverneur
Julien Paluku, accompagné du commandant des Forces de la
Mission de l’Onu en RDC (Monuc), le général sénégalais
Babacar Gaye. Ce dernier n’a pas écarté, en cas de
résistance des troupes insurgées, la possibilité pour les
Casques bleus de faire usage de la force pour protéger les
populations civiles et en appui aux FARDC.
Rejetant la position des FARDC, Nkunda a, de son côté,
appelé à un « dialogue » avec le gouvernement, préalable à
tout éventuel retrait ou démobilisation de ses troupes au
Nord-Kivu. De violents affrontements ont opposé soldats
gouvernementaux et troupes dissidentes sur plusieurs fronts
de cette région, du 27 août au 6 septembre, avant une
fragile trêve instaurée sous pression de la Monuc. « Les
centres de regroupement, c’est pour les militaires
déserteurs et pas les troupes du CNDP (Congrès National de
Défense du Peuple, mouvement politico-militaire de Nkunda)
», a déclaré Nkunda. « Le gouvernement n’a pas encore
accepté de nous contacter pour dialoguer, pour qu’on
établisse des préalables de l’après-regroupement », a-t-il
poursuivi, précisant que ses hommes avaient pour le moment
pour consigne de tenir leurs positions.
L’ancien officier, visé depuis 2005 par un mandat d’arrêt
pour crimes de guerre et qui se pose en défenseur de la
minorité tutsie congolaise, a affirmé que ses revendications
étaient connues du gouvernement, renvoyant au « cahier des
charges » du CNDP. Dans ce document, le CNDP appelle en
priorité à « régler militairement la question des FDLR ».
Ces rebelles hutus rwandais estimés à environ 6 000,
présents depuis 13 ans dans l’est congolais, sont accusés
par Kigali d’avoir participé au génocide rwandais de 1994,
essentiellement dirigé contre la minorité tutsie. Le CNDP
appelle aussi à « permettre le retour des réfugiés congolais
hébergés dans les pays voisins », notamment des quelque 40
000 Congolais majoritairement tutsis réfugiés au Rwanda.
Les habitants dans la précarité
C’est donc un dialogue de sourds qui prévaut, entraînant une
reprise des hostilités la semaine dernière dans plusieurs
localités du Nord-Kivu. Cette tension sur le terrain a
maintenu dans la précarité les habitants qui ont fui par
dizaines de milliers leur province. Selon le
Haut-Commissariat de l’Onu aux Réfugiés (HCR), les combats
qui avaient opposé soldats loyalistes et dissidents entre le
27 août et le 6 septembre avaient entraîné le déplacement de
plus de 90 000 personnes, qui reçoivent depuis trois
semaines une aide humanitaire. Les derniers accrochages qui
ont eu lieu les 24 et 25 septembre dans le territoire de
Masisi, au sud de Sake (30 km au nord-ouest de la capitale
provinciale Goma) et dans la zone de Kitchanga (environ 50
km au nord de Goma), rompant une trêve de 18 jours, ont
occasionné de nouvelles vagues de départ. « De nouvelles
arrivées sont rapportées quotidiennement dans les camps qui
abritent les personnes déplacées à l’intérieur (du pays)
dans la zone de Mugunga (à 15 km de Goma) », où se sont déjà
réfugiées 65 000 personnes, et des rapports indiquent qu’il
y a des personnes qui fuient également vers la province
voisine du Sud-Kivu.
Une mission inter-agences de l’Onu a estimé à environ 16 000
le nombre de nouveaux déplacés qui s’abritent le long de la
route reliant les villages de Kitchanga, Mweso et Kalemba. «
Nous sommes extrêmement préoccupés par l’intensification des
combats au Nord-Kivu qui aboutira à déplacer des dizaines de
milliers de nouvelles personnes, inondant les sites
d’accueil des déplacés déjà surpeuplés », souligne le HCR.
Les agences humanitaires opérant dans la région s’organisent
pour évaluer le nombre des nouveaux arrivants et leur porter
secours, en dépit des difficultés d’accès à certaines zones
du fait de l’insécurité. Ces déplacés s’ajouteraient aux
plus de 300 000 personnes ayant fui des violences depuis
décembre 2006 au Nord-Kivu, une province qui compte au total
plus de 750 000 déplacés.
Hicham Mourad