En réponse à la campagne menée par l’archéologue française
Christiane Desroches Noblecourt,
qui prétend avoir tout le mérite du sauvetage des monuments
de la Nubie, l’ancien ministre de la culture Sarwat Okacha,
l’acteur principal du projet, révèle les faits réels. Voici
un extrait de son ouvrage qui paraîtra aux éditions
Al-Chourouq et traduit en anglais à l’AUC Press, L’Homme
d’aujourd’hui couronne Ramsès. Le récit de la campagne
internationale pour sauver les monuments de la Nubie.
La vérité sur le sauvetage des monuments de la Nubie
Non
seulement j’ai été surpris, mais également affligé, moi, les
célèbres égyptologues de par le monde et une large tranche
de l’intelligentsia égyptienne et étrangère par la campagne
médiatique récemment menée par l’ancienne secrétaire du
département d’égyptologie au Louvre, Christiane Desroches
Noblecourt. Celle-ci voulait dénier les efforts culturels
ainsi que l’initiative civilisationnelle sans précédent
entreprise par le gouvernement égyptien au vu et au su du
monde entier pour la préservation de son patrimoine
précieux. Mme Desroches Noblecourt a récemment prétendu dans
des entretiens égoïstes et futiles accordés aux médias
français et autres qu’elle était l’initiatrice du projet de
sauvetage des monuments de la Nubie et son parrain n°1. Elle
a ainsi été injuste envers les vrais initiateurs de ce
projet dont moi-même. Il semble que sa mémoire l’a
volontairement induite en erreur et l’a éloignée du cours
réel des événements. Partant, il fallait la ramener à la
raison avant qu’elle ne déforme une vérité historique
enregistrée dans les registres de l’Histoire voilà environ
un demi-siècle.
Il est certain qu’elle a participé à ce projet comme des
centaines d’autres. Cependant, elle a déformé avec une
audace sans précédent une vérité historique après le décès
des instigateurs réels du projet. Mme Desroches Noblecourt
s’est arrogée la qualité de parrain du projet, comme si le
ministère égyptien de la Culture avait été absent. De plus,
elle s’est considérée comme un ministère de la Culture
parallèle ayant assumé à elle seule la responsabilité de la
gestion du projet à la place de l’Egypte, comme elle le
prétend à tort et à travers aux médias qui lui ont prêté une
oreille attentive. C’est une chose à laquelle je ne
m’attendais nullement, d’autant plus qu’une profonde amitié
me liait à elle et à son défunt mari. Il est temps que la
lumière soit faite sur la vérité.
A cette époque, Mme Noblecourt n’était que la secrétaire
générale du département d’égyptologie au Louvre. Elle se
rendait en Egypte chaque année pour un séjour de deux mois
pendant l’hiver, en tant que missionnaire de l’Unesco, pour
participer uniquement au projet de l’enregistrement des
monuments de la Nubie menacés de submersion. Ce, avant que
j’accède officiellement au poste de ministre de la Culture
en septembre 1958.
Personnellement, j’appréciais l’enthousiasme de Mme
Desroches Noblecourt lorsqu’elle était en mission en Egypte
sous la supervision de grands noms égyptiens spécialistes en
la matière, qui ont obtenu leurs certificats d’universités
prestigieuses et dont le niveau était de loin supérieur au
sien. Ces derniers étaient soucieux d’assumer leur devoir
épuisant auquel ils se livraient en été et en hiver depuis
1955. A leur tête, se trouvaient Moustapha Amer, le Dr Ahmad
Badawi, le Dr Gamal Mokhtar et autres, les directeurs
successifs du centre de l’enregistrement des monuments. Et
ceci après que les concertations du gouvernement égyptien se
sont contentées d’enregistrer les gravures de la Nubie,
avant leur submersion prévue, afin d’éviter les coûts
exorbitants de leur sauvetage.
D’ailleurs, cette dame qui s’est arrogé un droit qui n’est
pas le sien, et d’autres, ont été décorés par le président
Nasser, en signe d’estime pour leurs efforts considérables.
J’ai été récemment surpris par la parution d’un livre en
anglais de Marco Zecchi en 2004, intitulé Abou-Simbel,
Assouan. L’auteur préface ainsi son livre : « Merci à
Christiane Desroches Noblecourt, l’ancienne secrétaire
générale du Louvre et à Sarwat Okacha, le ministre égyptien
de la Culture qui ont encouragé l’Unesco à participer au
projet visant à sauver les monuments de la Nubie ». Il me
semble par ces propos, que l’auteur s’est imaginé, par
naïveté peut-être ou par mégarde, que le ministre égyptien
de la Culture était un fonctionnaire de Mme Desroches
Noblecourt au Louvre. Mais j’ai pu comprendre que cet
écrivain a cité en premier Mme Desroches Noblecourt, avant
le ministre égyptien de la Culture, pour se conformer aux
formules de politesse. Cependant, j’ai mis de côté cette
absurdité qui a émané d’une personne dont j’ignore
l’identité et les écrits. Ce journaliste s’est référé,
semble-t-il, à des déclarations et à des documents de Mme
Noblecourt qui sont totalement éloignés des vérités
historiques. En outre, l’unique et seule vérité partagée par
tout le monde affirme que le nom de Sarwat Okacha a de tout
temps été associé au titre noble de « sauveur des monuments
de la Nubie ». D’ailleurs, le président de l’Université
américaine du Caire, qui m’avait décerné le doctorat
honorifique en septembre 1995, avait déclaré dans son
allocution que l’AUC m’attribuait ce titre pour l’ensemble
de mes réalisations culturelles et artistiques. Il a aussi
affirmé que le grand mérite revenait à Sarwat Okacha pour
avoir sauvé les monuments de la Nubie et avoir réussi à
convaincre le monde entier — représenté dans l’Unesco — à
participer à cette noble mission. J’ai même eu l’honneur
d’avoir été élu par l’Académie britannique membre
correspondant de 1975 jusqu’aujourd’hui. J’ai le plaisir ici
d’insérer le discours du secrétaire général de l’académie,
selon lequel j’ai été élu pour ce titre par recommandation
de la Ligue des archéologues britanniques « pour vos
réalisations à l’échelle mondiale et nationale, notamment le
sauvetage des monuments de la Nubie, mise à part vos efforts
dans le champ artistique ».
L’archéologue suédois et professeur Torgny Save-Soderbergh
écrit dans son ouvrage Les Temples et tombes de l’ancienne
Nubie : la campagne internationale pour le sauvetage d’Abou-Simbel
et des autres sites archéologiques : « Si nous examinons
tout ce par quoi est passée la campagne internationale de
sauvetage des monuments de la Nubie ainsi que les raisons
qui ont favorisé sa réussite, nous découvrons que le facteur
humain a joué un rôle important. Cette campagne n’aurait pu
exister si certaines personnalités pionnières de l’Egypte,
du Soudan et de l’Unesco n’avaient pas assumé leur
responsabilité. C’est dans ce cadre que se place
l’initiative d’intérêt primordial menée par le Dr Sarwat
Okacha qui a invité René Maheu en Egypte en 1959 pour
inciter l’Unesco à coopérer au sauvetage des monuments de la
Nubie. C’est pourquoi l’élection de René Maheu en tant que
directeur général de l’Unesco en si peu de temps a eu un
impact important sur l’intérêt de l’Unesco qui s’est accru
pour parrainer cette campagne et lui accorder une priorité
ultime. Cette campagne aurait été vouée à l’échec si ce
n’était les efforts diplomatiques déployés et l’assiduité du
numéro un du conseil exécutif, le professeur chevronné Paulo
Carneiro. Sans mentionner ceux des personnes passionnées par
l’esprit de la Nubie. Cet esprit enthousiaste et noble qui
les a incités à relever le défi et à déployer le maximum
d’effort pour atteindre un objectif de cette envergure ».
Dans le numéro 12 de l’année 14 de l’édition arabe de la
revue Le Message de l’Unesco a été publié un article
intitulé La Nubie se transforme en un énorme chantier de
fouilles, rédigé par Louis A. Christophe, célèbre
égyptologue français ainsi que délégué officiel de l’Unesco
dans la campagne de sauvetage des monuments de la Nubie et
sous-secrétaire général de l’Institut égyptien, tel que
mentionné à la page 21 du numéro. On trouve dans cet article
: « Le ministre de la Culture et de l’Orientation nationale
de la République arabe unie s’est adressé à l’Unesco pour
demander son aide afin de surmonter le problème du sauvetage
des monuments de la Nubie. Cet appel a été suivi par une
réponse rapide ».
Le docteur Abdel-Moneim Abou-Bakr, professeur d’égyptologie
et doyen de la faculté de lettres de l’Université du Caire,
écrit dans son livre La Nubie, paru en 1962, dans les pages
86 et 87 :
« L’Organisme des antiquités et le Centre de
l’enregistrement des antiquités sont devenus, à partir de
1959, affiliés au ministère de la Culture et de
l’Orientation nationale. Ce ministère a commencé à songer
sérieusement à recourir à une organisation internationale
comme l’Unesco pour obtenir les aides scientifiques,
techniques et matérielles pour sauver les monuments de la
Nubie que l’on considère comme faisant partie du patrimoine
humain. Nous estimons que leur sauvegarde est un devoir
sacré.
Dans ce contexte, nous devons enregistrer une parole
d’honneur : les efforts déployés par le Dr Sarwat Okacha,
ministre de la Culture, pour compléter les éléments de ce
projet colossal, en déplaçant l’intérêt qui lui est accordé
d’une échelle régionale vers une échelle internationale. Ce
projet restera éternellement lié à son nom ».
Que dire donc après tous ces témoignages ?
Suite aux propos déclenchés par cette dame rêveuse autour de
son rôle à sauver les monuments de la Nubie, j’ai été
surpris de voir un article paru en avril 2006, dans le n°522
de la revue mensuelle française Le Spectacle du Monde.
Réalité.
L’article intitulé « Portrait de la dernière pharaonne »
prend la forme d’un entretien effectué avec Noblecourt. Elle
relatait ses souvenirs qui se sont prolongés sur 70 ans.
Elle disait que si ce n’était pas elle, le legs des anciens
pharaons aurait disparu à jamais.
Si on met de côté l’absurdité et la falsification du titre
et du contenu, nous n’avons jamais connu dans nos études sur
l’ancienne Egypte une pharaonne aux origines françaises.
Noblecourt est allée encore plus loin et a fait peu de cas
des générations successives d’éminents chercheurs et de
spécialistes de l’histoire de l’Egypte ancienne, qu’ils
soient égyptiens ou étrangers. Elle a essayé à maintes
reprises d’envenimer les relations entre le ministère
égyptien de la Culture et ces personnalités pour des motifs
personnels et des concurrences futiles. D’ailleurs, nombreux
en sont témoins.
Noblecourt a, de plus, prétendu que « c’était pour
satisfaire la volonté du nouveau ministre égyptien de la
Culture, Sarwat Okacha, avec qui elle a des relations
d’amitié, qu’elle avait approuvé de superviser le projet du
son et lumière au pied des Pyramides ». La réalité de cette
amitié prétendue dont elle parle se résume en une seule et
unique visite qu’elle m’a rendue pour faire ma connaissance
lorsque j’étais l’attaché militaire auprès de l’ambassade d’Egypte
à Paris. A cette époque, je n’étais nullement concerné par
les affaires du ministère de la Culture. Elle a poursuivi
son entretien en disant qu’elle n’acceptait pas l’idée de la
submersion des temples de la Nubie, lorsque le président
Nasser a décidé de construire en 1954 le Haut-Barrage
d’Assouan. Et de poursuivre que lorsqu’elle a atteint la
gare de Louqsor, un de ces jours, à bord de ce « train
désuet, comme d’habitude » (elle ne rate pas l’occasion de
faire des critiques acerbes, malgré l’hospitalité de l’Egypte,
gouvernement et peuple, à son égard), elle a trouvé les
inspecteurs des monuments à son attente. Ils l’ont alors
informée que le ministre de la Culture lui demandait de
l’appeler immédiatement parce que le président de la
République voulait la voir. Mme Noblecourt s’imagine être,
semble-t-il, l’émissaire de Dieu pour sauver les monuments
d’Egypte menacés de submersion suite à l’installation du
Haut-Barrage. Elle s’imaginait que tous les citoyens
égyptiens l’attendaient à la gare pour l’accueillir avant
qu’elle ne rencontre le président Nasser. Puis, elle raconte
qu’elle fut étonnée que le président la tutoie en lui disant
: « Je suis un simple militaire et j’ignore tout de
Champollion et de l’histoire de mon pays jusqu’à ce que
j’aie eu l’occasion d’assister à la présentation
exceptionnelle que vous avait faite sur le projet du son et
lumière le 13 avril 1961. Vous avez dévoilé le rôle éminent
de l’archéologue français qui a déchiffré les hiéroglyphes,
sans lesquels l’histoire de notre pays nous serait restée
inconnue ». Cette dame rêveuse a voulu relever ce qu’elle
prétend avoir été dit par le président de la République qui
se plaignait à elle d’appartenir juste au corps militaire.
Entre-temps, elle n’a aucun inconvénient à saisir l’occasion
et à s’attribuer, pour satisfaire ses propres fantasmes, le
projet du son et lumière avec lequel elle n’avait aucune
relation.
Elle poursuit disant qu’elle a été surprise par les propos
du président Nasser. Selon ses déclarations, Nasser lui
aurait annoncé : « En reconnaissance à la France, la patrie
de Champollion, j’ai décidé d’accorder la mission de
fouilles dans le temple de Karnak à une équipe française ».
Ceci n’a rien de vrai, car la loi égyptienne stipule que de
telles procédures ne peuvent être que du ressort de
l’Organisme égyptien des monuments ou des institutions
gouvernementales concernées. Et que le président de la
République ne peut intervenir dans ces affaires qui relèvent
du ministre de la Culture et de ses adjoints. Dans ce
contexte, il faut noter que j’ai personnellement négocié ce
sujet avec le ministre d’Etat français chargé des Affaires
culturelles, M. Edmond Michelet, en 1967 sous le titre de «
l’accord du Centre franco-égyptien pour la restauration du
temple de Karnak », c’est-à-dire six ans après la date
déterminée par Mme Noblecourt qui a certainement eu un trou
de mémoire.
J’ai une surprise à dévoiler pour mettre à nu ces
prétentions. Mme Noblecourt n’a jamais eu l’honneur de
rencontrer le président Gamal Abdel-Nasser ni de
s’entretenir avec lui. L’aurait-elle vu en catimini, sans
que personne ne le sache, et sans que le ministre concerné
n’y assiste ?
En me reportant à Sami Charaf, le ministre des Affaires de
la présidence de l’époque, pour lui demander la vérité de
cette rencontre « secrète » entre le président Nasser et
Noblecourt, il a déclaré en toute confiance qu’elle n’avait
jamais franchi le seuil du palais présidentiel depuis la
proclamation de la République jusqu’à nos jours.
La dame mentionnée ne savait probablement pas que j’avais
enregistré dans mes mémoires, que j’ai eu l’honneur de
rencontrer le président Abdel-Nasser le 14 mars 1961, en
compagnie de M. Vittorino Veronese, le directeur général de
l’Unesco, puis le 14 mai, le 10 et le 31 octobre de la même
année. Or, il ne m’a jamais dit avoir rencontré une
égyptologue française du nom de Christiane Desroches
Noblecourt.
Je voudrais ici adresser une question spécifique à Mme
Noblecourt et j’aimerais qu’elle m’en donne une réponse
sincère : Pourquoi l’Unesco ne lui a-t-il pas décerné, à
l’époque de ses grands directeurs généraux qui se sont
succédé pendant l’exécution du projet de sauvetage,
Vittorino Veronese ou René Maheu, ensuite Mahtar M’bow, une
médaille d’or, d’argent ou encore d’acier, en signe de
reconnaissance à ses efforts pour sauver le patrimoine
égyptien ? Alors que j’ai été le seul à qui René Maheu a
décerné la médaille d’argent, le jour de la cérémonie du
sauvetage des temples d’Abou-Simbel, le 22 septembre 1958...
Plus tard, en 1970, lui-même m’a décerné la médaille en or à
la conférence tenue à l’hôtel Nile Hilton au Caire en la
présence des délégations des pays ayant contribué à sauver
le temple de Philae.
Il n’en demeure pas moins que les prétentions ont pris la
forme de diffamation contre la personne du président de
l’Egypte, que les intentions malveillantes de Mme Noblecourt
l’ont présenté comme étant un militaire ignorant qui ne
savait pas, jusqu’au moment de sa prétendue rencontre, le
nom de la personne qui avait déchiffré la langue
hiéroglyphique. C’est une information qui s’est ancrée dans
la mémoire des fils de l’Egypte qui en retiennent toujours
le mérite. Les écoliers le savent autant que les adultes,
grâce aux livres d’histoire enseignés dans toutes les
classes des écoles égyptiennes.
Est-il digne d’une dame intellectuelle et cultivée d’avancer
de telles prétentions et d’inventer des événements qui n’ont
jamais eu lieu ? D’y croire profondément et de les déclarer
chaque fois qu’elle a l’occasion de rencontrer un
journaliste ou un commentateur ? Elle a même l’audace de les
répéter avec insistance sur les pages de ses ouvrages et
dans les médias de tous les pays du monde. Elle a ainsi
accordé une interview à un célèbre programme de la
télévision égyptienne, dans lequel elle s’est attribué, sans
aucune loyauté, le projet du sauvetage des monuments de la
Nubie, sans retenue ni honnêteté. C’est ainsi qu’elle a
usurpé le projet national de l’Etat égyptien, sans faire cas
des réalités objectives enregistrées à un niveau
international, malgré qu’elle connaît très bien, au fond
d’elle-même, la vérité.
Certaines personnes bouleversent les vérités et vivent dans
la fantaisie de leurs exploits sans précédent. Ces personnes
s’attribuent aussi les réalisations des autres. Ce sont ici
des ruses défensives involontaires auxquelles elles ont
recours. Il n’en demeure pas moins que dans la vie, il y a
ceux qui saisissent l’occasion pour déployer davantage
d’efforts dans la production et la création, non pas pour
usurper les efforts des autres sans aucun scrupule.
Cette dame ne peut nier l’encouragement et l’estime que je
lui ai voués pour les efforts dévoués qu’elle déployait au
cours des deux mois qu’elle passait en Egypte chaque année.
C’est pourquoi je l’ai chargée, en contrepartie d’une
rémunération de la part du ministère de la Culture, de
sélectionner dans l’histoire de l’Egypte ancienne et dans
ses légendes, la matière scientifique qui peut servir comme
texte au spectacle théâtral destiné à être présenté, en
plein air, aux pieds des Pyramides et à Louqsor. Mais ce
spectacle n’a pas vu le jour pour des raisons en dehors de
notre portée. Ces raisons sont enregistrées dans les
mémoires de l’auteur de ces lignes. De plus, je n’ai épargné
aucun effort à réaliser, autant que possible, les souhaits
des invités de l’Egypte, qui sont en même temps les
collègues de cette dame, et qui ont quitté leurs pays pour
sauver nos monuments ou pour enregistrer les gravures sous
une chaleur ardente. Et ce sans attendre de contrepartie.
En 1959, Mme Noblecourt était venue m’annoncer qu’elle avait
conclu un contrat avec une maison d’édition britannique pour
publier un livre contenant des photos en couleurs ainsi
qu’une biographie complète. Elle m’avait dit que le Musée
égyptien n’accepterait pas d’ouvrir ses portes aux
photographes, car cela était défendu à l’époque. Elle
m’avait alors prié de lui permettre, ainsi qu’aux
photographes britanniques, de faire leur travail de
photographier les fresques et les statues requises. Après
une longue réflexion, j’ai accepté de bon gré et son livre
est paru comme elle le souhaitait.
Mais s’attribuer toutes les réalisations du sauvetage de la
Nubie et le déclarer à chaque occasion comme si le
gouvernement égyptien occupait la place du spectateur, et
son ministère de la Culture travaillait sous la supervision
de Mme Noblecourt, relèvent de l’absurde.
30 ans après les festivités du 22 septembre 1968 pour fêter
l’achèvement des travaux du sauvetage des temples de
Abou-Simbel, un nouveau directeur de l’Unesco avait inventé
une fausse occasion qui est le trentième anniversaire du
sauvetage des deux monuments au début juin 1999. Et ce pour
rendre hommage à Mme Christiane Noblecourt et lui décerner
une médaille suite aux énormes pressions qu’elle a exercées,
et pour mettre terme à son insistance dont tout le monde
parlait avec ironie.
C’était le premier directeur de l’Unesco qui accèdait à ce
poste après la génération des grands directeurs de cette
organisation à l’instar de Veronese, Maheu, et M’Bow. Il
n’avait vécu aucune des étapes de la campagne internationale
du sauvetage des monuments de la Nubie. Et le voilà qui
invente une médaille trente ans après l’événement.
Comme l’octroi d’une médaille à Mme Noblecourt aurait relevé
d’un esprit de partialité et de flatterie, l’intrigue
dramatique exigeait alors de décerner une médaille semblable
à ma personne, afin de jeter la poudre aux yeux. J’aurais
bien pu réfuter dans l’allocution que j’ai prononcée, moi
aussi, à cette occasion les prétentions qu’elle a avancées
dans son allocution, et précédemment dans ses entretiens
avec la presse et la radio. Mais j’ai eu pitié d’elle et
j’ai choisi de la traiter comme l’aurait fait n’importe quel
homme égyptien courtois dont la bonne éducation ne lui
permet pas d’humilier une femme devant le public et devant
son peuple en suspectant ses propos.
Pour être honnête, d’autres personnes méritaient davantage
cette médaille. J’entends par là certains membres du conseil
exécutif de l’Unesco, ses grands fonctionnaires
administratifs, les archéologues, les architectes, les
politiciens et les responsables qui avaient porté le fardeau
pendant de longues années de travail sous la chaleur
écrasante de la Nubie. Ces hommes ont déployé d’énormes
efforts pour créer des solutions à tous les problèmes que
nous avons rencontrés.
Enfin, je ne regrette pas tout ce que l’Egypte et moi
avaient présenté à cette dame. Mais je suis désolé pour elle
parce qu’elle s’est attribué ce qu’elle ne méritait pas,
grâce à un hasard qui l’a conduite à être en relation avec
l’Egypte qui l’avait chaleureusement accueillie. Elle avait
alors déloyalement exploité cette relation pour prouver,
qu’en fin de compte, elle n’a jamais donné à l’Egypte
l’estime qu’elle mérite, contrairement à ce qu’elle
prétendait à tord et à travers.
Je me rappelle que la première décision que j’ai prise en ce
qui concerne le dossier des monuments, lorsque j’ai accédé
au poste de ministre de la Culture en 1958, se rapportait à
l’un des grands archéologues français. Elle concernait
Jean-Philippe Lauer qui a consacré toute sa vie, jusqu’à
l’âge de 90 ans, à la restauration du groupe funéraire du
roi Djéser à Saqqara. Il avait été surpris suite au gel des
relations diplomatiques avec la France, que l’autorisation
nécessaire à la poursuite de sa mission scientifique n’avait
pas été reconduite. Il est alors venu me voir en larmes me
suppliant de renouveler son permis pour qu’il puisse achever
sa mission qui requerrait sa supervision personnelle. Je me
suis alors trouvé dans une situation embarrassante entre la
nécessité d’appliquer les règles en vigueur et la
réalisation de sa volonté. Mais, j’ai pris la décision à ma
responsabilité de lui permettre de poursuivre ses travaux.
Plus tard, les jours m’ont prouvé que j’avais pris la bonne
décision. D’autant plus que les grandes réalisations de ce
génie à Saqqara ont éternisé son nom dans l’Histoire. Où en
est donc la Française Noblecourt de son compatriote
Jean-Philippe Lauer ?
Quelle
différence sépare la poussière et l’or ?.