Al-Ahram Hebdo, Idées | hristiane Desroches Noblecourt, La vérité sur le sauvetage des monuments de la Nubie
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 24 au 30 octobre 2007, numéro 685

 

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Idées

En réponse à la campagne menée par l’archéologue française Christiane Desroches Noblecourt, qui prétend avoir tout le mérite du sauvetage des monuments de la Nubie, l’ancien ministre de la culture Sarwat Okacha, l’acteur principal du projet, révèle les faits réels. Voici un extrait de son ouvrage qui paraîtra aux éditions Al-Chourouq et traduit en anglais à l’AUC Press, L’Homme d’aujourd’hui couronne Ramsès. Le récit de la campagne internationale pour sauver les monuments de la Nubie.  

La vérité sur le sauvetage des monuments de la Nubie 

Non seulement j’ai été surpris, mais également affligé, moi, les célèbres égyptologues de par le monde et une large tranche de l’intelligentsia égyptienne et étrangère par la campagne médiatique récemment menée par l’ancienne secrétaire du département d’égyptologie au Louvre, Christiane Desroches Noblecourt. Celle-ci voulait dénier les efforts culturels ainsi que l’initiative civilisationnelle sans précédent entreprise par le gouvernement égyptien au vu et au su du monde entier pour la préservation de son patrimoine précieux. Mme Desroches Noblecourt a récemment prétendu dans des entretiens égoïstes et futiles accordés aux médias français et autres qu’elle était l’initiatrice du projet de sauvetage des monuments de la Nubie et son parrain n°1. Elle a ainsi été injuste envers les vrais initiateurs de ce projet dont moi-même. Il semble que sa mémoire l’a volontairement induite en erreur et l’a éloignée du cours réel des événements. Partant, il fallait la ramener à la raison avant qu’elle ne déforme une vérité historique enregistrée dans les registres de l’Histoire voilà environ un demi-siècle.

Il est certain qu’elle a participé à ce projet comme des centaines d’autres. Cependant, elle a déformé avec une audace sans précédent une vérité historique après le décès des instigateurs réels du projet. Mme Desroches Noblecourt s’est arrogée la qualité de parrain du projet, comme si le ministère égyptien de la Culture avait été absent. De plus, elle s’est considérée comme un ministère de la Culture parallèle ayant assumé à elle seule la responsabilité de la gestion du projet à la place de l’Egypte, comme elle le prétend à tort et à travers aux médias qui lui ont prêté une oreille attentive. C’est une chose à laquelle je ne m’attendais nullement, d’autant plus qu’une profonde amitié me liait à elle et à son défunt mari. Il est temps que la lumière soit faite sur la vérité.

A cette époque, Mme Noblecourt n’était que la secrétaire générale du département d’égyptologie au Louvre. Elle se rendait en Egypte chaque année pour un séjour de deux mois pendant l’hiver, en tant que missionnaire de l’Unesco, pour participer uniquement au projet de l’enregistrement des monuments de la Nubie menacés de submersion. Ce, avant que j’accède officiellement au poste de ministre de la Culture en septembre 1958.

Personnellement, j’appréciais l’enthousiasme de Mme Desroches Noblecourt lorsqu’elle était en mission en Egypte sous la supervision de grands noms égyptiens spécialistes en la matière, qui ont obtenu leurs certificats d’universités prestigieuses et dont le niveau était de loin supérieur au sien. Ces derniers étaient soucieux d’assumer leur devoir épuisant auquel ils se livraient en été et en hiver depuis 1955. A leur tête, se trouvaient Moustapha Amer, le Dr Ahmad Badawi, le Dr Gamal Mokhtar et autres, les directeurs successifs du centre de l’enregistrement des monuments. Et ceci après que les concertations du gouvernement égyptien se sont contentées d’enregistrer les gravures de la Nubie, avant leur submersion prévue, afin d’éviter les coûts exorbitants de leur sauvetage.

D’ailleurs, cette dame qui s’est arrogé un droit qui n’est pas le sien, et d’autres, ont été décorés par le président Nasser, en signe d’estime pour leurs efforts considérables.

J’ai été récemment surpris par la parution d’un livre en anglais de Marco Zecchi en 2004, intitulé Abou-Simbel, Assouan. L’auteur préface ainsi son livre : « Merci à Christiane Desroches Noblecourt, l’ancienne secrétaire générale du Louvre et à Sarwat Okacha, le ministre égyptien de la Culture qui ont encouragé l’Unesco à participer au projet visant à sauver les monuments de la Nubie ». Il me semble par ces propos, que l’auteur s’est imaginé, par naïveté peut-être ou par mégarde, que le ministre égyptien de la Culture était un fonctionnaire de Mme Desroches Noblecourt au Louvre. Mais j’ai pu comprendre que cet écrivain a cité en premier Mme Desroches Noblecourt, avant le ministre égyptien de la Culture, pour se conformer aux formules de politesse. Cependant, j’ai mis de côté cette absurdité qui a émané d’une personne dont j’ignore l’identité et les écrits. Ce journaliste s’est référé, semble-t-il, à des déclarations et à des documents de Mme Noblecourt qui sont totalement éloignés des vérités historiques. En outre, l’unique et seule vérité partagée par tout le monde affirme que le nom de Sarwat Okacha a de tout temps été associé au titre noble de « sauveur des monuments de la Nubie ». D’ailleurs, le président de l’Université américaine du Caire, qui m’avait décerné le doctorat honorifique en septembre 1995, avait déclaré dans son allocution que l’AUC m’attribuait ce titre pour l’ensemble de mes réalisations culturelles et artistiques. Il a aussi affirmé que le grand mérite revenait à Sarwat Okacha pour avoir sauvé les monuments de la Nubie et avoir réussi à convaincre le monde entier — représenté dans l’Unesco — à participer à cette noble mission. J’ai même eu l’honneur d’avoir été élu par l’Académie britannique membre correspondant de 1975 jusqu’aujourd’hui. J’ai le plaisir ici d’insérer le discours du secrétaire général de l’académie, selon lequel j’ai été élu pour ce titre par recommandation de la Ligue des archéologues britanniques « pour vos réalisations à l’échelle mondiale et nationale, notamment le sauvetage des monuments de la Nubie, mise à part vos efforts dans le champ artistique ».

L’archéologue suédois et professeur Torgny Save-Soderbergh écrit dans son ouvrage Les Temples et tombes de l’ancienne Nubie : la campagne internationale pour le sauvetage d’Abou-Simbel et des autres sites archéologiques : « Si nous examinons tout ce par quoi est passée la campagne internationale de sauvetage des monuments de la Nubie ainsi que les raisons qui ont favorisé sa réussite, nous découvrons que le facteur humain a joué un rôle important. Cette campagne n’aurait pu exister si certaines personnalités pionnières de l’Egypte, du Soudan et de l’Unesco n’avaient pas assumé leur responsabilité. C’est dans ce cadre que se place l’initiative d’intérêt primordial menée par le Dr Sarwat Okacha qui a invité René Maheu en Egypte en 1959 pour inciter l’Unesco à coopérer au sauvetage des monuments de la Nubie. C’est pourquoi l’élection de René Maheu en tant que directeur général de l’Unesco en si peu de temps a eu un impact important sur l’intérêt de l’Unesco qui s’est accru pour parrainer cette campagne et lui accorder une priorité ultime. Cette campagne aurait été vouée à l’échec si ce n’était les efforts diplomatiques déployés et l’assiduité du numéro un du conseil exécutif, le professeur chevronné Paulo Carneiro. Sans mentionner ceux des personnes passionnées par l’esprit de la Nubie. Cet esprit enthousiaste et noble qui les a incités à relever le défi et à déployer le maximum d’effort pour atteindre un objectif de cette envergure ».

Dans le numéro 12 de l’année 14 de l’édition arabe de la revue Le Message de l’Unesco a été publié un article intitulé La Nubie se transforme en un énorme chantier de fouilles, rédigé par Louis A. Christophe, célèbre égyptologue français ainsi que délégué officiel de l’Unesco dans la campagne de sauvetage des monuments de la Nubie et sous-secrétaire général de l’Institut égyptien, tel que mentionné à la page 21 du numéro. On trouve dans cet article : « Le ministre de la Culture et de l’Orientation nationale de la République arabe unie s’est adressé à l’Unesco pour demander son aide afin de surmonter le problème du sauvetage des monuments de la Nubie. Cet appel a été suivi par une réponse rapide ».

Le docteur Abdel-Moneim Abou-Bakr, professeur d’égyptologie et doyen de la faculté de lettres de l’Université du Caire, écrit dans son livre La Nubie, paru en 1962, dans les pages 86 et 87 :

« L’Organisme des antiquités et le Centre de l’enregistrement des antiquités sont devenus, à partir de 1959, affiliés au ministère de la Culture et de l’Orientation nationale. Ce ministère a commencé à songer sérieusement à recourir à une organisation internationale comme l’Unesco pour obtenir les aides scientifiques, techniques et matérielles pour sauver les monuments de la Nubie que l’on considère comme faisant partie du patrimoine humain. Nous estimons que leur sauvegarde est un devoir sacré.

Dans ce contexte, nous devons enregistrer une parole d’honneur : les efforts déployés par le Dr Sarwat Okacha, ministre de la Culture, pour compléter les éléments de ce projet colossal, en déplaçant l’intérêt qui lui est accordé d’une échelle régionale vers une échelle internationale. Ce projet restera éternellement lié à son nom ».

Que dire donc après tous ces témoignages ?

Suite aux propos déclenchés par cette dame rêveuse autour de son rôle à sauver les monuments de la Nubie, j’ai été surpris de voir un article paru en avril 2006, dans le n°522 de la revue mensuelle française Le Spectacle du Monde. Réalité.

L’article intitulé « Portrait de la dernière pharaonne » prend la forme d’un entretien effectué avec Noblecourt. Elle relatait ses souvenirs qui se sont prolongés sur 70 ans. Elle disait que si ce n’était pas elle, le legs des anciens pharaons aurait disparu à jamais.

Si on met de côté l’absurdité et la falsification du titre et du contenu, nous n’avons jamais connu dans nos études sur l’ancienne Egypte une pharaonne aux origines françaises. Noblecourt est allée encore plus loin et a fait peu de cas des générations successives d’éminents chercheurs et de spécialistes de l’histoire de l’Egypte ancienne, qu’ils soient égyptiens ou étrangers. Elle a essayé à maintes reprises d’envenimer les relations entre le ministère égyptien de la Culture et ces personnalités pour des motifs personnels et des concurrences futiles. D’ailleurs, nombreux en sont témoins.

Noblecourt a, de plus, prétendu que « c’était pour satisfaire la volonté du nouveau ministre égyptien de la Culture, Sarwat Okacha, avec qui elle a des relations d’amitié, qu’elle avait approuvé de superviser le projet du son et lumière au pied des Pyramides ». La réalité de cette amitié prétendue dont elle parle se résume en une seule et unique visite qu’elle m’a rendue pour faire ma connaissance lorsque j’étais l’attaché militaire auprès de l’ambassade d’Egypte à Paris. A cette époque, je n’étais nullement concerné par les affaires du ministère de la Culture. Elle a poursuivi son entretien en disant qu’elle n’acceptait pas l’idée de la submersion des temples de la Nubie, lorsque le président Nasser a décidé de construire en 1954 le Haut-Barrage d’Assouan. Et de poursuivre que lorsqu’elle a atteint la gare de Louqsor, un de ces jours, à bord de ce « train désuet, comme d’habitude » (elle ne rate pas l’occasion de faire des critiques acerbes, malgré l’hospitalité de l’Egypte, gouvernement et peuple, à son égard), elle a trouvé les inspecteurs des monuments à son attente. Ils l’ont alors informée que le ministre de la Culture lui demandait de l’appeler immédiatement parce que le président de la République voulait la voir. Mme Noblecourt s’imagine être, semble-t-il, l’émissaire de Dieu pour sauver les monuments d’Egypte menacés de submersion suite à l’installation du Haut-Barrage. Elle s’imaginait que tous les citoyens égyptiens l’attendaient à la gare pour l’accueillir avant qu’elle ne rencontre le président Nasser. Puis, elle raconte qu’elle fut étonnée que le président la tutoie en lui disant : « Je suis un simple militaire et j’ignore tout de Champollion et de l’histoire de mon pays jusqu’à ce que j’aie eu l’occasion d’assister à la présentation exceptionnelle que vous avait faite sur le projet du son et lumière le 13 avril 1961. Vous avez dévoilé le rôle éminent de l’archéologue français qui a déchiffré les hiéroglyphes, sans lesquels l’histoire de notre pays nous serait restée inconnue ». Cette dame rêveuse a voulu relever ce qu’elle prétend avoir été dit par le président de la République qui se plaignait à elle d’appartenir juste au corps militaire. Entre-temps, elle n’a aucun inconvénient à saisir l’occasion et à s’attribuer, pour satisfaire ses propres fantasmes, le projet du son et lumière avec lequel elle n’avait aucune relation.

Elle poursuit disant qu’elle a été surprise par les propos du président Nasser. Selon ses déclarations, Nasser lui aurait annoncé : « En reconnaissance à la France, la patrie de Champollion, j’ai décidé d’accorder la mission de fouilles dans le temple de Karnak à une équipe française ». Ceci n’a rien de vrai, car la loi égyptienne stipule que de telles procédures ne peuvent être que du ressort de l’Organisme égyptien des monuments ou des institutions gouvernementales concernées. Et que le président de la République ne peut intervenir dans ces affaires qui relèvent du ministre de la Culture et de ses adjoints. Dans ce contexte, il faut noter que j’ai personnellement négocié ce sujet avec le ministre d’Etat français chargé des Affaires culturelles, M. Edmond Michelet, en 1967 sous le titre de « l’accord du Centre franco-égyptien pour la restauration du temple de Karnak », c’est-à-dire six ans après la date déterminée par Mme Noblecourt qui a certainement eu un trou de mémoire.

J’ai une surprise à dévoiler pour mettre à nu ces prétentions. Mme Noblecourt n’a jamais eu l’honneur de rencontrer le président Gamal Abdel-Nasser ni de s’entretenir avec lui. L’aurait-elle vu en catimini, sans que personne ne le sache, et sans que le ministre concerné n’y assiste ?

En me reportant à Sami Charaf, le ministre des Affaires de la présidence de l’époque, pour lui demander la vérité de cette rencontre « secrète » entre le président Nasser et Noblecourt, il a déclaré en toute confiance qu’elle n’avait jamais franchi le seuil du palais présidentiel depuis la proclamation de la République jusqu’à nos jours.

La dame mentionnée ne savait probablement pas que j’avais enregistré dans mes mémoires, que j’ai eu l’honneur de rencontrer le président Abdel-Nasser le 14 mars 1961, en compagnie de M. Vittorino Veronese, le directeur général de l’Unesco, puis le 14 mai, le 10 et le 31 octobre de la même année. Or, il ne m’a jamais dit avoir rencontré une égyptologue française du nom de Christiane Desroches Noblecourt.

Je voudrais ici adresser une question spécifique à Mme Noblecourt et j’aimerais qu’elle m’en donne une réponse sincère : Pourquoi l’Unesco ne lui a-t-il pas décerné, à l’époque de ses grands directeurs généraux qui se sont succédé pendant l’exécution du projet de sauvetage, Vittorino Veronese ou René Maheu, ensuite Mahtar M’bow, une médaille d’or, d’argent ou encore d’acier, en signe de reconnaissance à ses efforts pour sauver le patrimoine égyptien ? Alors que j’ai été le seul à qui René Maheu a décerné la médaille d’argent, le jour de la cérémonie du sauvetage des temples d’Abou-Simbel, le 22 septembre 1958...

Plus tard, en 1970, lui-même m’a décerné la médaille en or à la conférence tenue à l’hôtel Nile Hilton au Caire en la présence des délégations des pays ayant contribué à sauver le temple de Philae.

Il n’en demeure pas moins que les prétentions ont pris la forme de diffamation contre la personne du président de l’Egypte, que les intentions malveillantes de Mme Noblecourt l’ont présenté comme étant un militaire ignorant qui ne savait pas, jusqu’au moment de sa prétendue rencontre, le nom de la personne qui avait déchiffré la langue hiéroglyphique. C’est une information qui s’est ancrée dans la mémoire des fils de l’Egypte qui en retiennent toujours le mérite. Les écoliers le savent autant que les adultes, grâce aux livres d’histoire enseignés dans toutes les classes des écoles égyptiennes.

Est-il digne d’une dame intellectuelle et cultivée d’avancer de telles prétentions et d’inventer des événements qui n’ont jamais eu lieu ? D’y croire profondément et de les déclarer chaque fois qu’elle a l’occasion de rencontrer un journaliste ou un commentateur ? Elle a même l’audace de les répéter avec insistance sur les pages de ses ouvrages et dans les médias de tous les pays du monde. Elle a ainsi accordé une interview à un célèbre programme de la télévision égyptienne, dans lequel elle s’est attribué, sans aucune loyauté, le projet du sauvetage des monuments de la Nubie, sans retenue ni honnêteté. C’est ainsi qu’elle a usurpé le projet national de l’Etat égyptien, sans faire cas des réalités objectives enregistrées à un niveau international, malgré qu’elle connaît très bien, au fond d’elle-même, la vérité.

Certaines personnes bouleversent les vérités et vivent dans la fantaisie de leurs exploits sans précédent. Ces personnes s’attribuent aussi les réalisations des autres. Ce sont ici des ruses défensives involontaires auxquelles elles ont recours. Il n’en demeure pas moins que dans la vie, il y a ceux qui saisissent l’occasion pour déployer davantage d’efforts dans la production et la création, non pas pour usurper les efforts des autres sans aucun scrupule.

Cette dame ne peut nier l’encouragement et l’estime que je lui ai voués pour les efforts dévoués qu’elle déployait au cours des deux mois qu’elle passait en Egypte chaque année. C’est pourquoi je l’ai chargée, en contrepartie d’une rémunération de la part du ministère de la Culture, de sélectionner dans l’histoire de l’Egypte ancienne et dans ses légendes, la matière scientifique qui peut servir comme texte au spectacle théâtral destiné à être présenté, en plein air, aux pieds des Pyramides et à Louqsor. Mais ce spectacle n’a pas vu le jour pour des raisons en dehors de notre portée. Ces raisons sont enregistrées dans les mémoires de l’auteur de ces lignes. De plus, je n’ai épargné aucun effort à réaliser, autant que possible, les souhaits des invités de l’Egypte, qui sont en même temps les collègues de cette dame, et qui ont quitté leurs pays pour sauver nos monuments ou pour enregistrer les gravures sous une chaleur ardente. Et ce sans attendre de contrepartie.

En 1959, Mme Noblecourt était venue m’annoncer qu’elle avait conclu un contrat avec une maison d’édition britannique pour publier un livre contenant des photos en couleurs ainsi qu’une biographie complète. Elle m’avait dit que le Musée égyptien n’accepterait pas d’ouvrir ses portes aux photographes, car cela était défendu à l’époque. Elle m’avait alors prié de lui permettre, ainsi qu’aux photographes britanniques, de faire leur travail de photographier les fresques et les statues requises. Après une longue réflexion, j’ai accepté de bon gré et son livre est paru comme elle le souhaitait.

Mais s’attribuer toutes les réalisations du sauvetage de la Nubie et le déclarer à chaque occasion comme si le gouvernement égyptien occupait la place du spectateur, et son ministère de la Culture travaillait sous la supervision de Mme Noblecourt, relèvent de l’absurde.

30 ans après les festivités du 22 septembre 1968 pour fêter l’achèvement des travaux du sauvetage des temples de Abou-Simbel, un nouveau directeur de l’Unesco avait inventé une fausse occasion qui est le trentième anniversaire du sauvetage des deux monuments au début juin 1999. Et ce pour rendre hommage à Mme Christiane Noblecourt et lui décerner une médaille suite aux énormes pressions qu’elle a exercées, et pour mettre terme à son insistance dont tout le monde parlait avec ironie.

C’était le premier directeur de l’Unesco qui accèdait à ce poste après la génération des grands directeurs de cette organisation à l’instar de Veronese, Maheu, et M’Bow. Il n’avait vécu aucune des étapes de la campagne internationale du sauvetage des monuments de la Nubie. Et le voilà qui invente une médaille trente ans après l’événement.

Comme l’octroi d’une médaille à Mme Noblecourt aurait relevé d’un esprit de partialité et de flatterie, l’intrigue dramatique exigeait alors de décerner une médaille semblable à ma personne, afin de jeter la poudre aux yeux. J’aurais bien pu réfuter dans l’allocution que j’ai prononcée, moi aussi, à cette occasion les prétentions qu’elle a avancées dans son allocution, et précédemment dans ses entretiens avec la presse et la radio. Mais j’ai eu pitié d’elle et j’ai choisi de la traiter comme l’aurait fait n’importe quel homme égyptien courtois dont la bonne éducation ne lui permet pas d’humilier une femme devant le public et devant son peuple en suspectant ses propos.

Pour être honnête, d’autres personnes méritaient davantage cette médaille. J’entends par là certains membres du conseil exécutif de l’Unesco, ses grands fonctionnaires administratifs, les archéologues, les architectes, les politiciens et les responsables qui avaient porté le fardeau pendant de longues années de travail sous la chaleur écrasante de la Nubie. Ces hommes ont déployé d’énormes efforts pour créer des solutions à tous les problèmes que nous avons rencontrés.

Enfin, je ne regrette pas tout ce que l’Egypte et moi avaient présenté à cette dame. Mais je suis désolé pour elle parce qu’elle s’est attribué ce qu’elle ne méritait pas, grâce à un hasard qui l’a conduite à être en relation avec l’Egypte qui l’avait chaleureusement accueillie. Elle avait alors déloyalement exploité cette relation pour prouver, qu’en fin de compte, elle n’a jamais donné à l’Egypte l’estime qu’elle mérite, contrairement à ce qu’elle prétendait à tord et à travers.

Je me rappelle que la première décision que j’ai prise en ce qui concerne le dossier des monuments, lorsque j’ai accédé au poste de ministre de la Culture en 1958, se rapportait à l’un des grands archéologues français. Elle concernait Jean-Philippe Lauer qui a consacré toute sa vie, jusqu’à l’âge de 90 ans, à la restauration du groupe funéraire du roi Djéser à Saqqara. Il avait été surpris suite au gel des relations diplomatiques avec la France, que l’autorisation nécessaire à la poursuite de sa mission scientifique n’avait pas été reconduite. Il est alors venu me voir en larmes me suppliant de renouveler son permis pour qu’il puisse achever sa mission qui requerrait sa supervision personnelle. Je me suis alors trouvé dans une situation embarrassante entre la nécessité d’appliquer les règles en vigueur et la réalisation de sa volonté. Mais, j’ai pris la décision à ma responsabilité de lui permettre de poursuivre ses travaux.

Plus tard, les jours m’ont prouvé que j’avais pris la bonne décision. D’autant plus que les grandes réalisations de ce génie à Saqqara ont éternisé son nom dans l’Histoire. Où en est donc la Française Noblecourt de son compatriote Jean-Philippe Lauer ? Quelle différence sépare la poussière et l’or ?.

 




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