Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Lave ... le cerveau plus blanc
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 17 au 23 octobre 2007, numéro 684

 

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Nulle part ailleurs

Publicité. Elle est omniprésente dans notre vie, ciblant tous les citoyens, avec pour but de mieux vendre les articles et même parfois les idées politiques. 

Lave ... le cerveau plus blanc 

Dans son ouvrage indépassable 1984, Georges Orwell nous traçait l’image d’une société totalitaire faite d’un lavage de cerveau administré au quotidien par l’intermédiaire de formules sur écran vantant les mérites du régime de Big Brother. Or, il semble que les thuriféraires de la société de consommation ont appris ce roman par cœur et l’appliquent avec tout le zèle possible et imaginable. En Egypte aussi, c’est le cas de le dire. Où que vous soyez, vous n’échapperez pas au message publicitaire : sur les écrans de nos télés, sur les chaînes de radio, sur les pages des journaux et magazines, dans les stations de métro, dans les moyens de transport, ou sur les grands panneaux qui cernent de part et d’autre nos regards, sur les sites Internet, ou même sur nos portables, la publicité nous traque au quotidien. Qu’on le veuille ou non, elle envahit nos vies et manipule nos désirs et même nos habitudes de consommation. Elle est là partout et sans vergogne et nous donne rendez-vous de manière astucieuse avec un objet de consommation. Impossible d’y échapper ni même d’y résister. Les spécialistes l’appellent le miroir du rêve, le lavage de cerveau, l’art de faire croire, de convaincre, de manipuler et surtout l’art de créer un besoin.

Vu son impact, la publicité est considérée comme la forme de communication la plus importante du siècle. Elle est capable de fixer l’attention sur un produit pour inciter le consommateur à réagir. Ce produit peut être un objet, un service, un événement ou même une idée.

Si elle existe en Egypte depuis plus de 150 ans sous forme d’affiches et de panneaux publicitaires, la publicité a pris ces trente dernières années des formes plus avancées. C’est dans les années 1970 qu’elle devient un véritable phénomène social. Elle prend un aspect plus professionnel, des techniques plus avancées et utilise des idées originales, humoristiques ou même choquantes. Dans les années 1980 et 90, la publicité a opté pour des moyens technologiques plus sophistiqués et des idées plus innovantes. Elle devient plus ciblée sur une partie de la population (âge, sexe, classe sociale, niveau d’instruction ...). Images, couleurs, musiques, tout est fait pour que le consommateur ne puisse pas détourner son regard. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le pont du 6 Octobre pour constater à quel point ces publicités nous cernent. Les affiches publicitaires se dressent à perte de vue, faisant la pub d’une marque de chocolat donnant de l’énergie, d’une ligne de portable avec offres spéciales ou des derniers albums d’un Tamer Hosni.

Et pour la première fois, on peut voir des publicités sur les feuilletons diffusés pendant le mois de Ramadan ou même les annonces concernant les films qui sont projetés dans les salles de cinéma pendant le petit Baïram. Un véritable carnaval de couleurs qui a bouleversé l’allure de nos rues, ponts, places et boulevards. Il suffit aussi d’ouvrir nos postes de télé pendant le mois de Ramadan ou pendant la fête pour voir que tous les produits sont là dans une sorte de défilé où chaque entreprise fait de son mieux pour séduire. Du beurre jusqu’aux matériaux de construction, comme le ciment et le fer, les détergents, les voitures ...

La télé est l’impératrice

Selon les études, c’est la télévision qui se taille la part du lion dans ce domaine, avec plus de 48 % des publicités existantes sur le marché. La presse écrite arrive en deuxième position, avec seulement 12 %. De plus, des journaux spécialisés uniquement dans la publicité ont vu le jour et ont réalisé un succès sans précédent, tels que Al-Wassit, distribué gratuitement tous les vendredis et attendu avec impatience par ses lecteurs. « Une réalité qui prouve à quel point nous sommes devenus une société de consommation », analyse Mohamad Al-Saadi, co-propriétaire d’une agence de publicité. Selon lui, un produit qui ne fait pas l’objet de campagne publicitaire est quasi inexistant aux yeux du public.

« C’est grâce à la pub que ce produit se fait connaître. Disposer d’un bon produit et l’offrir à un prix compétitif ne garantissent pas sa vente. Un article plus cher peut être plus prisé si l’on joue sur l’image de marque. Ensuite, vient le rôle le plus important de la pub, celui de motiver le consommateur à l’acquérir », explique Walid Serry, un des artisans créateurs qui doit cogiter l’idée du spot avant sa réalisation. Ce nouveau magicien brandit sa baguette et voici que les esprits sont captifs. Hind, une habitante du quartier de Sayeda Zeinab, fait ses achats chez l’épicier du coin selon les pubs qu’elle a vu défiler à la télé et qui l’ont captivée. Un détergent Persil, puiqu’elle adore l’actrice Abla Kamel qui fait le spot, pour les enfants du Pepsi et non pas du Coca car elle a une préférence pour le comédien Ahmad Helmi et pas pour le chanteur Hamaqi qui fait la campagne de Coca-Cola. Et lorsqu’elle a décidé de s’acheter une ligne de portable, elle a opté pour Vodafone, car elle a été touchée par la campagne publicitaire qui a su jouer sur les émotions du spectateur.

Raison pour laquelle tout produit est digne d’une publicité. « Tout est fait pour aguicher le consommateur, rendant cet objet indispensable à sa vie, comme disent les Américains, pour vendre des médicaments, inventons des maladies », explique Walid Serry. En outre, c’est grâce aux spots publicitaires diffusés sur la station de radio Stars FM que certains restaurants et cafés ont acquis une grande renommée tels que Beano’s, On The Run et autres, vendant aux Egyptiens un style de vie tout à fait nouveau.

 

De l’aiguille à la fusée

Ce slogan de l’époque nassérienne, selon lequel l’Egypte allait tout produire de « l’aiguille à la fusée », peut désormais s’appliquer au ciblage des publicitaires. Pour la première fois, on peut voir sur les écrans de télé des spots concernant des matériaux de construction fabriqués par de grandes usines bien que leurs produits ne soient pas destinés à tous les consommateurs. Mais c’est là une façon de vendre son image de marque et d’avoir du poids sur le marché et auprès de l’opinion au cas où un débat public surgit sur l’entreprise. Aujourd’hui, on découvre même des spots publicitaires sur des projets caritatifs et des ONG, tels que la construction d’un hôpital pour enfants cancéreux ou la campagne de lutte contre le phénomène des enfants des rues, parrainés par l’Unicef et la société de ligne de portable MobiNil ainsi que la campagne pour la sécurité routière. « Ce changement est dû au phénomène du sponsoring ou parrainage. De plus en plus d’entreprises soutiennent un projet ou une cause humaine. La publicité est dans ce cas un moyen pour sensibiliser le public vis-à-vis de l’idée, sans oublier de mentionner le nom du sponsor tout en mettant en valeur sa contribution dans le développement de la société », affirme Saadi.

Ainsi, la publicité associée à un thème ou un événement devient une tendance. En effet, c’est la chaîne de vente de vêtements Benetton qui a commencé dans ce domaine en lançant sa campagne antiraciste et son slogan (United Colors of Benetton), présentant des portraits d’enfants de toutes les races.

 

Créativité non sans censure

Pour les experts de la publicité, cette évolution a eu lieu pour que la pub s’adapte au goût du public. En fait, c’est aussi le public qui se plie au diktat d’une pub agressive. « A ses débuts, la publicité avait des formes plus simples et transmettait un message direct. La publicité classique pendant les années 1970 et 80 était celle présentant de jeunes filles au corps élancé en train de se dandiner aux rythmes de la musique. Aujourd’hui, la qualité, les couleurs, la technique, tout doit être pris en compte, car la personne qui va la regarder zappe sur toutes les chaînes satellites. Nous sommes obligés de lui présenter une œuvre d’art pleine d’innovation et d’idées créatrices tout en faisant travailler son imagination », explique Saadi.

Aujourd’hui, les publicités font partie de notre quotidien. Nous nous servons de ses slogans dans nos discussions et plaisanteries. Les enfants dans les rues et écoles récitent par cœur ses phrases et ses slogans. Ses musiques et chansons retentissent partout dans les rues et les lieux publics.

 

Des limites à ne pas franchir

Recourir à l’originalité de la langue, recourir surtout au dialecte égyptien et aux mots de tous les jours, avoir de l’imagination, faire du sensationnel, jouer sur les émotions, choquer ou faire peur, tout est permis pour faire parvenir le message.

Pourtant, certains se plaignent que même si ce domaine est plein de créativité et d’insolite, il existe des lignes rouges à ne pas dépasser. « Une fois le spot publicitaire exécuté, nous ne pouvons le diffuser sur les écrans qu’après avoir obtenu l’autorisation de la commission de censure. Dans une société conservatrice comme la nôtre, nous ne pouvons pas nous permettre de présenter dans une pub à la télé ou dans un journal des images ou des idées qui portent atteinte aux traditions, aux mœurs ou à la religion. Nous devons prendre en compte tous ces facteurs en créant la pub. Je ne peux pas, par exemple, utiliser la photo d’une femme portant un vêtement trop échancré, ou d’un homme qui fume une cigarette ou boit de l’alcool », confie Serry.

Pourtant, il faut l’avouer, au niveau des idées abordées, les tabous sont en train de tomber. Pour la première fois en Egypte, des campagnes publicitaires touchent aux sujets politiques et aux plans de réforme adoptés par l’Etat. La campagne de sensibilisation vis-à-vis de la nouvelle loi sur les impôts en est un exemple. Elle a réussi à briser le tabou de l’absence de confiance entre le citoyen et le gouvernement, annonçant la naissance d’une nouvelle ère basée sur la transparence et la franchise. Cela dit, d’aucuns affirment que les responsables ont trouvé plus efficace de recourir aux méthodes publicitaires pour rallier le public. Ainsi cette campagne a-t-elle précisé toutes les modifications apportées pour simplifier la procédure de versement d’impôts. Cette campagne publicitaire a utilisé toutes les informations et statistiques visant à donner confiance au citoyen et a porté ses fruits.

Et ce n’est pas tout. Toujours sur la scène politique, et pour la première fois de son histoire, le Parti National Démocrate (PND, au pouvoir) a décidé de lancer une campagne publicitaire pour embellir son image et se rapprocher un peu plus du peuple. Du jour au lendemain, des panneaux publicitaires ont envahi les rues du Caire avec des photos de citoyens ordinaires scandant le fameux slogan « Nouvelle vision et essor vers l’avenir ». Et au cours du mois de Ramadan, ce même parti, pour inciter les citoyens à jouer un rôle plus actif au sein de la société, a lancé une campagne avec comme slogan « L’Egypte bouge ».

Des idées, qui même si elles n’ont pas réussi à convaincre tout le monde, prouvent à quel point le matraquage publicitaire fait loi.

Amira Doss

 




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