Al-Ahram Hebdo,Nulle part ailleurs | Ces îlots de culte nommés ZAWAYAS
  Président Morsi Attalla
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 10 au 16 Octobre 2007, numéro 683

 

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Nulle part ailleurs

Religion. En bas d’un immeuble, dans un atelier, à l’angle d’une rue, sur le trottoir ou sous un pont, les zawayas ou salles de prière ont envahi le pays. Le ministère des Waqfs tente de les contrôler, mais la mission n’est pas une sinécure.

Ces îlots de culte nommés ZAWAYAS

L’imam demande aux fervents de se préparer à la prière. Très disciplinés et serrés les uns contre les autres, les fidèles se mettent en rang. Ceux qui ne trouvent pas de place à l’intérieur étalent leurs tapis sur le trottoir. Des propriétaires d’échoppes, des marchands ambulants et des passants se joignent à eux. « Cette zawiya m’apporte des sawabs et des hassanates (des récompenses divines) dans l’au-delà, et surtout du prestige », dit Fathi, propriétaire de la zawiya, petite salle de prière d’environ 40 m2.

Ce dernier confie aussi être exempt d’impôts, ce qui est pour lui un gain à retirer. Par ailleurs, Fathi n’a jamais voulu que sa zawiya dépende du ministère des Waqfs. L’imam entame son prêche. Un sermon long, souvent improvisé et qui peut durer parfois une heure ou une heure et demie, contre une demi-heure dans les mosquées dépendant des Waqfs. Il commence son discours, tendance Frères musulmans, et parle des difficultés que rencontrent les jeunes à se marier. Il cite en exemple l’époque du calife Omar Ibn Al-Khattab, où l’Etat soutenait et aidait les jeunes, et la compare à celle d’aujourd’hui. Pour lui, le nombre de célibataires est considérable et il reproche à l’Etat son laxisme face aux problèmes qu’ils rencontrent.

L’imam termine son prêche en maudissant les Etats-Unis et Israël. « L’Etat nous interdit de parler de la cause palestinienne ou de la guerre en Iraq. Nous ne devons jamais aborder des sujets aussi sensibles sauf si nous y sommes autorisés », dit-il avec ironie tout en déplorant les dernières déclarations du ministre des Waqfs de vouloir interdire la prière du vendredi dans les zawayas, voire de les fermer complètement.

Des déclarations qui ne sont pas du goût de tout le monde et qui ont suscité un tollé dans les milieux islamistes et conservateurs. « Le ministère des Waqfs est en train de confisquer la liberté religieuse. Les lieux de culte doivent être tout le temps ouverts pour accueillir les fidèles », souligne cheikh Ahmad. Il défend l’existence de ces zawayas en affirmant que celles-ci permettent aux fidèles de s’acquitter de leurs prières en groupe sans avoir à parcourir un long trajet pour aller à la mosquée la plus proche. « Cette zawiya date de 10 ans. Ici, tout le monde se connaît et les gens sont très solidaires et charitables. Nous rassemblons environ 150 L.E. par semaine de dons, une somme destinée à aider les plus pauvres, les malades et les veuves. L’Etat n’a jamais contribué à la construction des zawayas. Elles ont toutes été financées par des dons privés », poursuit–il, tout en se souvenant de l’époque où des fidèles ramenaient des madriers et des barres de fer pour construire son toit.

Dans les environs d’Imbaba, et plus précisément à Ard Aziz Ezzat, se trouve une autre zawiya. Chaque vendredi et à tour de rôle, un bénévole du quartier assure le prêche. Une chose autorisée tant que ce prédicateur n’aborde pas de sujet politique ou sensible. La prière terminée, ce dernier est chargé de ramasser les dons sous forme de médicaments pour les malades et des habits pour les orphelins.

En fait, le mot zawiya désigne un emplacement ou un local réservé à l’intérieur d’une structure plus vaste où les soufis (mystiques) pouvaient se retirer, comme le laisse entendre la racine du mot arabe (angle ou recoin). Elle remonte au temps des caravaniers qui faisaient halte dans ces lieux pour se reposer.

Religieux et plus

L’idée a été reprise ces dernières années. Et, bien que l’objectif au départ soit purement religieux, certains propriétaires d’immeubles les ont exploités pour avoir du prestige, faire leur campagne électorale ou être dispensés de payer des impôts. Devenues très proches de par leurs idées des mouvements islamistes, elles se sont multipliées dans les quatre coins de l’Egypte et leur nombre est considérable. Selon les chiffres avancés par le ministère des Waqfs, l’Egypte compte plus de 75 000 mosquées et 23 000 petits édifices religieux annexés à ce ministère. Mais il n’existe pas de chiffres précis concernant les zawayas privées.

En fait, le ministère des Waqfs a mis des critères pour différencier les zawayas des mosquées. La mosquée est une construction à part, comprenant une salle de prière pour les hommes, une autre pour les femmes, une bibliothèque et un logement pour l’imam. Quant à la zawiya, elle se trouve au rez-de-chaussée d’un immeuble ou au premier étage et comprend une salle de prière ne dépassant pas les 50 m2 et une salle de bain pour les ablutions. Cinq fonctionnaires sont généralement désignés par le ministère des Waqfs pour l’entretien de la mosquée, à savoir un muezzin, un imam, un prédicateur et deux agents de propreté.

Vu le nombre considérable de zawayas, l’Etat a imposé des restrictions, à savoir l’interdiction d’ouvrir une zawiya au bas d’un immeuble, sur le bord du Nil ou sur des terres agricoles. Il faut que son emplacement soit approprié au besoin des gens et que le terrain sur lequel elle sera érigée soit un don. La zawiya doit être aussi bien distante l’une de l’autre, et sa construction autorisée par le ministère des Waqfs.

Pourtant, « A chaque fois que l’Etat décide d’annexer une grande mosquée pour contrôler le mouvement islamiste, de nouvelles zawayas voient le jour. Un local, un kiosque, un petit coin d’atelier, une place publique, le bas d’un pont ou l’angle d’une rue se transforme en zawiya. Ces petits lieux de culte sont financés par des passants, des prêcheurs, des fidèles ou des fondamentalistes », explique le sociologue Saadeddine Ibrahim. Et d’ajouter : « Personne n’est contre la construction des zawayas. Seulement, il faut combattre les idées qui vont à l’encontre de l’islam. Ces lieux de culte, surtout ceux situés dans les quartiers populaires, sont (ou risquent) de devenir le refuge de groupes extrémistes qui profitent de l’absence de contrôle de l’Etat pour propager le terrorisme ». Un rapport sur l’état des religions en Egypte, publié récemment par le Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, va plus loin. D’après ce rapport, certaines mosquées privées sont devenues des endroits de recrutement pour ces groupes. « Il y a de petites mosquées fréquentées par des membres de la confrérie des Frères musulmans, d’autres du Djihad et d’autres encore de la Gamaa islamiya. Ainsi, l’objectif est-il plus politique que religieux », ajoute le rapport. L’écart quantitatif entre les mosquées gouvernementales et celles privées s’est fait sentir du temps du président Sadate.

 

Les habitués mécontents

A cette époque, une loi a été promulguée selon laquelle tout propriétaire qui a construit un immeuble et un lieu de prière serait exempt d’impôts sur l’immobilier. De même, le ministère des Waqfs encourageait la construction de mosquées privées et leur consacrait une somme de 1 million de L.E. du revenu annuel des caisses d’aumône des mosquées pour les soutenir. La vague de violence religieuse, qui a commencé au début des années 1990, a donc poussé l’Etat à reprendre le contrôle de ces lieux de culte. Et comme le ministère ne parvient pas à étatiser toutes les mosquées faute d’argent, le Dr Hamdi Zaqzouq, le ministre des Waqfs, a imposé certaines mesures pour limiter leur nombre, à savoir quiconque veut construire une mosquée ou une zawiya doit avoir l’autorisation de la municipalité, des Waqfs et du gouverneur concerné.

Mohamad, commerçant dans le quartier de Boulaq Al-Dakrour, a l’habitude de faire ses cinq prières dans la zawiya située près de son magasin. Il n’aime pas aller faire la prière dans une grande mosquée. « Dans ce genre de mosquées, c’est toujours le même discours officiel. Le prédicateur n’est qu’un fonctionnaire des Waqfs et son sermon porte sur les principes de la religion : prière, jeûne, aumône ... et avant les dévotions, ce sont les invocations en faveur du gouvernement et du chef de l’Etat. Un discours qui, à force d’être modéré, devient peu intéressant. Quant aux prières, elles sont expédiées en vitesse », dit-il, tout en ajoutant que dans sa petite mosquée, l’imam récite une partie du Coran qui peut durer au moins deux heures. Mohamad ne comprend pas la politique du ministère des Waqfs ni les responsables qui veulent fermer les zawayas et autoriser la prière des tarawihs dans 51 mosquées seulement durant le mois de Ramadan. « Comment arrêter une tradition du prophète alors que les fidèles sont habitués chaque année à accomplir cette prière qui revêt une importance particulière pour chaque musulman ? », se demande-t-il.

Chahinaz Gheith

 




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