Désertification. Afin de promouvoir le rôle des banques phytogénétiques dans la lutte contre ce phénomène, le Centre égyptien de Recherches sur le Désert (CRD) a organisé un atelier pour les pays africains. Tour d’horizon d’un problème multiforme.

 

L’Egypte plante le décor

 

Dans le cadre des fêtes de fin d’année 2006, décrétée par le secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) Année internationale des déserts et de désertification , l’Egypte a organisé un atelier de formation pour les pays africains sur le rôle des banques phytogénétiques (banques conservant les ressources génétiques des plantes menacées d’extinction après la détérioration des terres agricoles) dans la lutte contre la désertification. Il s’agit d’un atelier tenu au sein de la Banque des déserts égyptiens pour les phytogénétiques, à Cheikh Zowayed, dans le gouvernorat d’Al-Arich, au Nord-Sinaï.

Il a été organisé du 27 novembre au 7 décembre derniers par le Centre de Recherches sur le Désert (CRD), en coopération avec le Centre international de la biodiversité (ancien International Plant Genetic Ressources Institute, IPGRI), le ministère de l’Agriculture et de la Bonification des terres et le ministère des Affaires étrangères. Cet atelier a réuni 20 participants représentant 13 pays africains, à savoir l’Angola, le Kenya, l’Ethiopie, le Sénégal, le Soudan, Burundi, l’Ouganda, la Tanzanie, le Mali, la Guinée, le Mozambique, le Niger et l’Egypte.

Ils ont assisté à une formation théorique et expérimentale portant sur les techniques de gestion de ce genre de banque et de réutilisation des ressources génétiques botaniques pour faire face à la désertification. Les banques phytogénétiques jouent un rôle principal dans notre lutte contre la désertification. Elles conservent et reproduisent les ressources génétiques des plantes poussant dans le désert et qui sont menacées d’extinction à cause de la désertification. Après conservation, ces ressources sont réutilisées pour cultiver les terres détériorées mais récemment réhabilitées. L’Egypte, en tant que membre acteur à la Convention des Nations-Unies pour la Lutte contre la Désertification (CLD), a voulu également développer la coopération entre les pays africains. Cet atelier constitue une coopération Sud-Sud pour faire face à ce phénomène dont l’Afrique souffre le plus ò, explique Ismaïl Abdel-Guélil, directeur du CRD et coordinateur national de la CLD. Et d’ajouter : La recommandation principale de cet atelier fait appel à l’Etat pour répondre aux exigences intrenationales en créant un fonds national destiné à lutter contre la désertification en Egypte dans la période post-2006. Ce fonds devrait recevoir 10 % du budget de l’Etat visant à exécuter le programme national pour cette lutte, soumis au secrétariat de la CLD fin 2005 . Ce programme n’a pas été exécuté jusqu’aujourd’hui pour des raisons financières notamment.

 

La vallée du Nil en danger

La désertification ne concerne pas seulement le désert. D’autres régions peuvent en souffrir, comme la vallée du Nil en Egypte. Cette région souffre de la surpopulation qui mène à la construction d’habitations sur les terres agricoles. Fait qui cause la détérioration de l’environnement et par la suite la désertification. å En dehors des anciennes cartes et des images satellitaires, il n’existe pas de données minutieuses selon lesquelles nous pourrions déterminer les terres agricoles perdues par l’Egypte depuis 1950. Mais selon les estimations officielles du ministère de l’Agriculture, il s’agit d’environ 750 000 à 1 million de feddans (0,42 hectare). L’Egypte continue de perdre entre 15 et 30 000 feddans par an. Ces chiffres effrayants sont enregistrés malgré la loi sur l’interdiction totale de toute construction sur une terre agricole promulguée il y a 25 ans, mais qu’on néglige complètement ò, déplore Ismaïl Al-Bagouri, membre du groupe d’experts internationaux au sein du comité de science et de technologie relevant de la CLD. En fait, ces chiffres sont modestes par rapport à ce que les études du CRD montrent. Malgré la présence du Nil, grâce auquel les sols qui suivent son cours sont les plus fertilisés, l’Egypte  perd environ 30 feddans par jour à cause de la construction de maisons sur les terres agricoles , insiste Abdel-Guélil. Il dénonce cette situation contradictoire de  l’Etat qui autorise ou accepte la construction sur les terres agricoles, d’un côté, et dépense des milliards de L.E. pour urbaniser et développer le désert, de l’autre ! .

De plus, la mauvaise planification et le manque de sensibilisation en matière d’écosystème des zones arides représentent des obstacles importants à la réalisation des projets.  Le problème essentiel est que tous les projets menés par l’Etat dans le désert sont réalisés à l’image de ceux de la vallée du Nil. Pourtant, les deux écosystèmes sont complètement différents. Et le résultat est bien sûr un grand échec , explique Samer Al-Moufti, vice-PDG de l’Association Amoureux des réserves naturelles.

L’Egypte n’est donc pas épargnée par le danger de la désertification. A l’ouest de la vallée du Nil, le sable, transporté par le vent, cause une diminution de productivité agricole qui varie entre 15 et 20 %, selon les estimations du ministère de l’Agriculture. Les mines antipersonnel aussi qui jalonnent le Désert occidental font partie des causes de la désertification puisqu’elles empêchent le développement dans les régions où elles se trouvent. Pire encore, il existe une relation proportionnelle entre la désertification et la corruption, selon le dernier rapport publié en 2005 par l’Organisation de transparence internationale, relevant de l’Onu.  Sur la route Le Caire-Alexandrie, de nouveaux villages ont été construits. Les propriétaires ont acheté les terres sous prétexte de les cultiver mais en réalité, ils ont construit des villages touristiques qui utilisent l’eau des nappes phréatiques pour remplir les piscines et arroser les terrains de golf ! , déplore Abdel-Guélil.

 

Changement climatique

La corruption et la désertification mènent à la pauvreté. Celle-ci pousse les personnes à émigrer vers les pays du Nord. D’où l’inquiétude des pays industrialisés (notamment les pays de l’Union européenne). Ils ont consacré 50 millions de dollars supplémentaires pour renforcer les efforts de lutte contre la désertification et de sensibilisation à ses dangers.

La désertification désigne la dégradation des terres dans les zones arides (qui représentent 42 % de la surface de la terre et abritent 36 % de la population de la planète), semi-arides et subhumides sèches sous l’effet de divers facteurs, notamment les variations climatiques et les activités humaines. Cette détérioration, causée par les changements climatiques affectant les régions en question, est telle que la productivité agricole de ces terres diminue jusqu’à arriver à zéro. Il existe d’autres causes de la désertification, citons, à titre d’exemples, la sécheresse, le taux élevé de la salinité de l’eau et du sol, les tempêtes de sable ainsi que le mauvais drainage agricole. Les activités humaines menant à ce danger écologique sont le surpâturage, l’utilisation des arbres comme source de combustion et le déclenchement des guerres. Il s’agit donc d’un danger environnemental global qui menace le développement durable dans le monde entier et qui ne connaît pas de frontières politiques ni géographiques. C’est un phénomène universel qui menace de pauvreté la planète entière. Malgré ces réalités, la CLD n’a rien réalisé sur le terrain depuis son entrée en vigueur en 1996. Raison pour laquelle l’Onu a voulu saisir l’occasion du dixième anniversaire de cette convention et tirer la sonnette d’alarme à la communauté internationale en déclarant 2006 année des déserts.  Il suffit de savoir que chaque année, 42 milliards de dollars de revenus et 6 millions d’hectares de terres productives sont perdus du fait de la désertification des sols et du déclin de la productivité agricole, et que 15 millions de personnes dépendant essentiellement de la terre pour survivre courent le risque d’être déplacées , indique Abdel-Guélil.

La situation est donc critique. Mais les responsables du Festival international des films inspirés du désert, tenu en Italie dans le cadre des célébrations, restent optimistes. Leur slogan a été la célèbre citation d’Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince : Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part .

Racha Hanafi