Al-Ahram Hebdo, Enquête | La confrérie et la participation au domaine public
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 24 au 30 janvier 2007, numéro 646

 

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Enquête

Frères Musulmans . En envisageant de créer un parti, la confrérie pourra-t-elle se défaire de sa base idéologique fondée sur un islam pur et dur pour accéder à la sphère politique ? Analyse. 

La confrérie et la participation au domaine public 

Aussi bien lors du siècle dernier qu’en ce nouveau siècle, le conflit entre le pouvoir et les Frères musulmans est apparu comme une fatalité pour l’Egypte ; une lourde charge qui pèse sur le processus de réforme politique et démocratique et que le pays ne saurait ignorer. Voire, c’est une bombe à retardement susceptible d’exploser au visage de toute personne qui ose l’approcher pour lui trouver une solution politique. Et ce, en partant de l’hypothèse que les Frères représentent un danger pour la démocratie, un groupe avec lequel il ne faut pas traiter, non parce qu’il constitue un problème politique, mais surtout sécuritaire.

En fait, les relations entre les Frères musulmans et le pouvoir politique ont toujours été de nature épineuse et ce, depuis la création de la confrérie par Hassan Al-Banna en 1928 et jusqu’à nos jours. Ces rapports ont été situés sous le signe de l’alternance entre périodes d’accalmie et d’autres de confrontation. Depuis, les deux parties sont restées en face-à-face. Ni la confrérie, ni le pouvoir ne sont tombés. Il est devenu important de chercher un espace « politique » pour résoudre le dilemme des Frères et du régime en place ; un espace qui offrirait une base pour l’élaboration d’une solution, ne serait-ce que lors d’une future génération, capable de créer un champ civil de concurrence politique.

On pourrait considérer que durant son existence qui s’étend sur 80 ans, la confrérie a témoigné d’une vie intérieure riche de diversité intellectuelle et de générations. Elle a ainsi acquis une souplesse intellectuelle et politique lui permettant d’avoir une vision globale de l’islam, permettant aux Frères d’être des politiciens s’ils le souhaitent, des prêcheurs de bonnes mœurs s’ils le préfèrent, des prédicateurs occupant les tribunes des mosquées, des députés sous le dôme du Parlement, des soufis ou des révolutionnaires, et d’avoir parmi leurs dirigeants aussi bien le juge conservateur Hassan Al-Hodeibi que le militant radical Sayed Qotb.

Récemment, le discours sur les tentatives des Frères pour fonder un parti politique a rouvert le débat sur leurs vraies intentions et soulevé de nombreuses questions sur leur aptitude à former un parti politique civil séparé de la confrérie religieuse, surtout que les Frères ont toujours été soucieux de mélanger le politique et le religieux, comme s’ils protégeaient ainsi leur identité en considérant que toute agression contre eux est une offense à l’islam ou aux « musulmans pratiquants ». Aussi, le processus de recrutement des Frères continue à se baser sur la prédication « politico-religieuse » : un citoyen chrétien ne saurait jamais être admis en tant que membre de la Confrérie des Frères musulmans, étant donné les conditions et critères religieux nécessaires à l’adhésion.

 

Compétences et expériences

Curieusement, cette culture basée sur l’amalgame de la politique et de la prédication semble aujourd’hui incapable de se mettre en phase avec les récentes évolutions politiques. Surtout que le poids politique de la confrérie est devenu plus important, tout comme les revendications des députés qui en sont issus. Ces derniers se sont trouvés confrontés à des problèmes d’une nature toute autre, et qui exigent des compétences et expériences spéciales. Des problèmes que l’on ne saurait résoudre en les référant à de vagues slogans religieux comme celui que les Frères ont brandi lors des dernières élections législatives : « L’islam est la solution ». Un courant plus politisé existe certes au sein de la confrérie ; or, il est tout autant sûr que l’ancienne formule de recrutement, basée sur des conditions et des critères religieux, ne pourra continuer dans une ère favorisant la concurrence politique et partisane.

Cette démarche prudente des Frères relativement à la création d’un parti peut s’expliquer en fonction de l’actuel échiquier politique « légitime » que se partagent des partis marginaux n’ayant aucune présence dans la rue. Cependant, d’autres raisons sont relatives à la nature même de cette démarche « historique » des Frères. S’ils parvenaient à créer un parti politique, ces derniers devraient entreprendre ce que l’on pourrait appeler la deuxième création de la confrérie.

Globalement, l’on pourrait considérer que les principes dans lesquels les Frères ont été élevés au moment de la première fondation de la confrérie ont été valables et efficaces en dehors des sphères du pouvoir. Ceci ne sera pas le cas après la création d’un parti politique voulant accéder au pouvoir et se mouvant sous les lumières et les flashs des médias, et ouvrant la candidature à tous les citoyens, chrétiens aussi bien que musulmans, non pratiquants aussi bien que pratiquants. A en juger par ses règles de candidature, sa procédure de recrutement, son discours politique et de propagande, l’image de ce parti politique sera différente de celle de la confrérie de prédication qui engage ses membres à observer les pratiques et les principes de la religion tels qu’elle les définit.

Simultanément avec celui de la candidature se présentera le défi de l’idéologie adoptée par la confrérie. Celle-ci continue à être basée sur la notion de la foi musulmane globale et intégrale, dans un monde qui, depuis la chute de l’ex-Union soviétique et du bloc communiste, a abandonné l’ère des idéologies grandioses et globales pour celle des idéologies douces et partielles.

Le communisme et le baassisme, tout comme le reste des grandes religions politiques qui se fondaient sur des idées ayant pour ambition de former l’humanité, la société et l’individu dans des moules préfabriquées, se sont tous effondrés et avec eux cette manière de raisonner, avant même l’effondrement de leurs choix idéologiques. Il est certain que les Frères musulmans appartiennent à ce genre d’idéologies globales, même s’ils se sont longuement considérés différents des autres idéologues, vu que « eux » se basaient sur la religion et la foi musulmanes sacrées. Or, sur le terrain politique, la référence aux textes sacrés se transforme en réflexions et en pratiques. Ceci implique une deuxième création de la confrérie pour enraciner l’idée que la croyance en un islam englobant tout ne suffira pas à elle seule pour assurer la construction et la modernisation des patries.

De là l’importance pour le « parti des Frères » d’être conscient de la nouvelle ère favorisant les principes et les valeurs de la démocratie, et de saisir l’opportunité historique de s’ouvrir aux « idéologies douces » concernées par les détails de la réalité vécue, au lieu de chuter dans un refus formel inconscient de la réalité mondiale et des équilibres de forces ou dans une culture de soumission aux diktats américains, celle des élites arabes.

Au cas où elle serait autorisée à créer un parti politique respectant la Constitution civile et le régime présidentiel et croyant en la citoyenneté, il n’y a pas de doute que la confrérie devra en payer le prix fort de son unité et de sa façon d’œuvrer. Sans doute aussi que le régime aura à payer un prix encore plus cher : l’existence d’un parti des Frères musulmans implique un gouvernement fort regroupant des personnalités politiques capables de remporter des élections libres et démocratiques et de concurrencer avec les autres formations politiques sérieuses .

Amr Al-Chobaki

* Spécialiste de l’islam politique au Centre d’Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram 

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80 ans
de stratégies

Créée en 1928 par Hassan Al-Banna, la Confrérie des Frères musulmans a, jusqu’à la guerre de 1948, centré ses activités sur la prédication et les activités sociales. La dimension politique n’a commencé à prendre corps qu’avec la guerre en Palestine. Ce fut la phase de la violence et de la rigidité. L’affrontement de l’occupation sioniste a cédé la place à une confrontation avec le régime au pouvoir en Egypte et ses symboles. Une phase marquée par l’assassinat du premier ministre Mahmoud Al-Noqrachi et la tentative d’assassinat du président Gamal Abdel-Nasser en 1954.

Depuis, les Frères ont été exclus de l’équation politique et privés de toute légitimité. Bien que Sadate ait fait sortir de prison les dirigeants de la confrérie. A part une certaine présence dans les campus universitaires, ces derniers sont restés éloignés de toute activité politique, sociale ou même religieuse. L’opposition ouverte des Frères aux accords de Camp David signés entre l’Egypte et Israël a annoncé leur retour aux prisons lors de la fameuse campagne d’arrestation de septembre 1981. Les années 1980 ont représenté le début d’un nouveau chapitre de l’histoire de la confrérie, dont les membres ont commencé à disputer les élections parlementaires et syndicales, outre leur activité dans les campus. La période actuelle est celle de la maturité dans le processus « politique » des Frères musulmans. Les « fils » et « frères » de Hassan Al-Banna ont récusé tout lien avec la violence et opté pour les moyens pacifistes, rompant ainsi avec les principes fondateurs de « l’organisation secrète » .

A. Ch.

 




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