L’exécution de Saddam et la stupidité américaine !
Mohamed Salmawy
La
stupidité habituelle de l’Administration Bush n’a pas raté
l’occasion. Elle s’est illustrée une nouvelle fois par sa
décision de pendre le président iraqien déchu, faisant de lui
un martyr qui a sacrifié sa vie à la cause de sa patrie
occupée. A l’aube du premier jour du grand Baïram, la fête du
sacrifice, les Américains et leurs alliés du gouvernement
iraqien ont décidé d’exécuter Saddam au beau milieu d’une
large campagne de dénonciation internationale à laquelle tout
le monde s’est joint, ennemis et amis.
Human Rights Watch a été la première à condamner cette
exécution, rappelant que la légalité faisait défaut au procès.
Une dénonciation qui a été suivie par celle d’Amnesty
International. Au sein de l’Union Européenne (UE), le Conseil
européen a fait de même et son secrétaire général a déclaré
que l’Iraq avait besoin de tolérance et de paix et non pas de
pendaison. Le commissaire au développement de l’UE a qualifié
l’acte de barbare, soulignant que Saddam sera considéré comme
un héros. La Russie, de son côté, a exprimé ses regrets parce
que les geôliers de Saddam ont fait l’oreille sourde face aux
incessants appels de nombreux de pays et d’organisations
internationales pour annuler le verdict. D’autres pays
occidentaux, à leur tête la France, l’Italie et l’Espagne, ont
également exprimé leurs condamnations.
De
même, les gouvernements arabes ont exprimé leur désapprobation
et la rue arabe son colère. D’ailleurs, ni les gouvernements
ni la rue arabe n’auraient accepté que l’exécution ait lieu
pendant cette période sacrée. C’était donc une sorte de défi
infligé à la religion musulmane et au grand Baïram, le mois de
la tolérance et non de la vengeance et du meurtre.
Le président George Bush avait décidé, semble-t-il, que
l’année 2006 ne s’écoule sans que la voix de Saddam ne soit
tue à jamais. Surtout après que le procès s’est transformé
tout au long de l’année dernière et depuis ses débuts en
octobre 2005 en un procès contre les Etats-Unis mêmes,
assaillis de critiques de toutes les organisations des droits
de l’homme du monde.
Le président Bush avait tenu une réunion dans son ranch au
Texas avec ses principaux conseillers, le vice-président, le
secrétaire d’Etat, le secrétaire à la Défense et le conseiller
à la Sécurité nationale, afin de réexaminer la politique
américaine en Iraq. Après leurs discussions, ils se sont mis
d’accord sur la nécessité de mettre un terme au procès de
Saddam immédiatement avant que l’enquête ne touche d’autres
dossiers très sensibles pour les Etats-Unis. L’unique moyen
était alors de fermer le chapitre de ce procès par le verdict
de la pendaison de Saddam, avant que ne s’écoule le délai de
30 jours accordé après le refus de l’appel présenté par ses
avocats.
Un bataillon américain a emmené Saddam Hussein à 4h du matin
du premier jour de l’Aïd de son lieu d’incarcération, à la
prison de l’aéroport, vers le siège des forces iraqiennes à
Kazhimyia, avec des ordres américains clairs d’exécution
immédiate. Ainsi a été tournée définitivement la page du reste
des accusations adressées à Saddam. Seules celles de l’affaire
du Dujaïl, qui a fait 148 victimes, ont été jugées. Alors que
le nombre des morts iraqiens par les forces américaines a
dépassé de loin ce chiffre depuis l’invasion
américano-britannique en 2003.
Ainsi, le dossier de la guerre de Saddam contre l’Iran serait
clos à jamais, surtout que le procès a tenu à ne point
mentionner les réels instigateurs de cette guerre. Bien que
les victimes soient estimées à un million et demi de personnes
et non pas 148 comme celles du Dujaïl.
Les Américains auront aussi abandonné à jamais ce qu’ils
avaient qualifié de crimes de Saddam contre l’humanité,
notamment sa prétendue possession d’armes de destruction
massive.
Peu importe tout ceci, les crimes contre l’humanité n’étaient
pas le but du procès, sinon il aurait été jugé pour ses
crimes. Mais le plus important était de mettre un terme à son
régime et à consolider l’emprise américaine sur l’Iraq. Ceci
n’aurait pas eu lieu sans se débarrasser de Saddam le plus
rapidement possible. Surtout que l’Administration américaine
pensait que tant que Saddam est vivant, l’esprit de résistance
restera vivace et que sa mort lui portera un coup dur.
Avec la mort de Saddam ont été enterrées toutes les
informations relatives à l’appui américain et britannique à
Saddam pendant la guerre en Iran. Il incombe donc aujourd’hui
aux seuls historiens la tâche de rouvrir ce dossier qui
comportait toutes les accusations adressées aux Etats-Unis et
à la Grande-Bretagne.
La défense de Saddam Hussein avait appelé le monde entier à
intervenir pour arrêter l’exécution du verdict contre Saddam.
Ils avaient avancé que Saddam était un prisonnier de guerre et
qu’il était illégal de le pendre. Mais l’ordre était déjà
donné depuis Texas et les autorités iraqiennes devaient
l’exécuter immédiatement, avant que ne se multiplient les
pressions internationales appelant à l’annulation de la
pendaison. A tel point que le Conseil présidentiel iraqien n’a
pas signé le verdict faute de temps, tel que l’a reconnu
Kamran Cora Daghi, le conseiller du président iraqien. Il a
précisé que ce cas était une exception faute de temps et que
les deux autres verdicts à la peine capitale, concernant
Barzan et Bandar, seront ratifiés par le Conseil présidentiel.
Au niveau des hommes de religion, le Conseil des affaires
islamiques aux Etats-Unis a estimé que la pendaison reflète
une mauvaise appréciation et un manque de tact. Alors qu’au
Caire, Nasr Farid Wassel, l’ex-mufti, a déclaré que Saddam
Hussein est un martyr parce qu’il a défendu sa patrie contre
l’occupation jusqu’à la dernière minute.