Palestine.
Le Hamas et le Fatah peinent à adopter une vision commune. Ce
qui complique la formation d’un gouvernement d’union nationale
et rend de moins en moins probable la relance du processus de
paix.
Visions
discordantes
Les
risques de « fragmentation », si l’on se permet d’emprunter le
terme du secrétaire général de l’Onu,
Kofi Annan, sont à prendre
au sérieux. En effet, le dossier palestinien ne montre aucun
signe d’espoir, et le fossé entre le Hamas et le Fatah
s’élargit, écartant les chances d’un compromis autour d’un
gouvernement d’union nationale. Pour cause : l’épineuse
question de la reconnaissance d’Israël. Une question qui
divise les dirigeants palestiniens. Certains sont allés
jusqu’à parler d’un pouvoir à double tête avec un double
discours. Ce qui n’est pas faux. Les propos des responsables
sont en effet contradictoires. Alors que le président de
l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbass,
a souligné, à la tribune de l’Assemblée générale de l’Onu, que
tout gouvernement palestinien reconnaîtrait Israël et les
accords conclus avec lui, notamment les lettres de
reconnaissance mutuelle (entre l’Etat hébreu et l’OLP) datées
du 9 septembre 1993, le Hamas disait le contraire. Ahmad
Youssef, conseiller d’Ismaïl
Haniyeh qui a réagi aux propos de Mahmoud
Abbass, a été d’une extrême
clarté. « La ligne politique du Hamas fait que ce dernier ne
peut participer à un gouvernement qui met la reconnaissance
d’Israël dans son programme politique », a-t-il déclaré
vendredi matin. De son côté, le ministre palestinien des
Affaires étrangères, Mahmoud Zahar,
du Hamas, a dit qu’une « telle reconnaissance serait très
dangereuse pour la cause palestinienne ainsi que pour le Liban
et la Syrie dont les terres sont occupées par l’Etat hébreu ».
De quoi discréditer le chef de l’Etat et représentant du Fatah
qui était allé à l’Assemblée générale à New York pour obtenir
notamment la reprise des aides internationales et des
promesses pour relancer le processus de paix. De quoi ramener,
aussi, les négociations
interpalestiniennes à la case départ. M.
Abbass a d’ailleurs accusé,
samedi, le Hamas d’être revenu sur ses engagements. «
Malheureusement, après la signature de l’accord (concernant le
gouvernement d’union nationale), il y a eu régression (...) et
nous sommes revenus au point de
départ. Nous allons réexaminer la question », a-t-il dit. Il a
également déclaré que les Etats-Unis et les pays européens
membres du Conseil de sécurité des
Nations-Unies ne jugeaient pas la position du Hamas «
favorable à la formation d’un gouvernement d’union nationale
».
On se retrouve ainsi dans un cercle vicieux. Le Quartette pour
le Proche-Orient (Etats-Unis, Onu, Union européenne, Russie) a
posé trois conditions pour la reprise des aides directes à
l’Autorité palestinienne, suspendues après l’entrée en
fonction du Hamas fin mars : reconnaissance d’Israël ainsi que
des accords conclus avec ce pays et renonciation à la
violence.
Les Etats-Unis ont de même répété leur exigence que ces
conditions soient remplies. « La seule voie possible (pour une
reprise du versement des aides qui ont été suspendues) est
d’avoir un gouvernement palestinien (...) qui adopte les
conditions posées en janvier par le Quartette », a déclaré le
porte-parole adjoint du département d’Etat, Tom
Casey. Bien plus, Washington
menace de bouder les membres du Fatah qui appartiendraient à
un gouvernement dirigé par le Hamas qui n’accepterait pas les
conditions de la communauté internationale.
Israël rejette la trêve
Néanmoins, tout en soulignant sa volonté de parvenir à un
gouvernement de coalition, le Hamas n’a pas l’intention de
fléchir face à ces pressions croissantes. M.
Haniyeh a réitéré la position de
son gouvernement : la solution au conflit israélo-palestinien
ne passe pas par la cohabitation de deux Etats, l’un juif,
l’autre palestinien. Le Hamas souhaite la création d’un Etat
palestinien, qui remplacerait à terme l’ensemble d’Israël.
Mais il a proposé une « trêve de 10 ans » à l’Etat hébreu et
non d’une vraie paix dans le conflit entre Israéliens et
Palestiniens. « Une tierce partie doit jouer le rôle de
médiateur pour parvenir à cette trêve », a indiqué M. Youssef,
conseiller de Haniyeh sans
préciser quel pays pourrait être impliqué dans d’éventuelles
négociations. M. Youssef a cependant souligné que le prochain
cabinet « respectera les accords (signés avec Israël) s’ils ne
vont pas à l’encontre des droits et des principes palestiniens
».
Proposition immédiatement rejetée par Israël. Une trêve « ne
nous intéresse pas. Ce que nous exigeons de tout gouvernement
palestinien pour pouvoir reprendre le dialogue, c’est qu’il se
plie aux conditions fixées par la communauté internationale »,
a réaffirmé Avi
Pazner, porte-parole du
gouvernement israélien.
Selon certains analystes, le blocage actuel est de la
responsabilité du mouvement de résistance du Hamas qui refuse
tout ce qui porte atteinte à son idéologie et qui ne met pas
en tête la priorité du peuple palestinien. « Le Hamas a des
calculs qui ne concernent pas uniquement la cause
palestinienne. Ses positions peuvent, à titre d’exemple,
correspondre à des calculs syriens », souligne le politologue
Emad Gad, rédacteur en chef d’Israeli
Digest.
« Le Hamas doit être plus flexible et faire des concessions,
la question de reconnaître ou non Israël est désuète, c’est un
pays membre de l’Onu, il faut dépasser cette phase et attaquer
ce qui est plus important », souligne un autre chercheur.
Un avis qui n’est pas partagé par d’autres qui voient que
toutes les pressions sont exercées sur le Hamas et non sur
aucune autre partie et qu’il faut accorder l’importance à
l’origine du problème. « Le plus dangereux pour la région,
c’est l’approche que font les Etats-Unis pour la situation au
Moyen-Orient. Israël a réussi à taxer la résistance de
terrorisme et les Etats-Unis l’ont suivi dans ce chemin. Le
président américain George W. Bush n’accorde aucune importance
au règlement du conflit arabo-israélien,
et il n’y a pas de date fixée pour l’établissement de l’Etat
palestinien », souligne M. Kamal Nagui,
chercheur en droit international.
Et pour preuve de la partialité américaine, la réunion
ministérielle du Conseil de sécurité, tenue la semaine
dernière et destinée à examiner des idées présentées par les
pays arabes pour relancer le processus de paix, n’a réalisé
aucun résultat tangible à cause de Washington qui a voulu
éviter que la réunion ne se transforme en une tribune
anti-israélienne. Dans ce contexte, les Palestiniens n’ont
qu’à régler leurs différends dans les plus brefs délais pour
former un front uni et éviter une effusion de sang qui profite
à l’ennemi.
Rania
Adel