Au cœur d’une polémique après les récents accidents de trains,
Mohamad Mansour,
le ministre des Transports, fait part de son plan de
restructuration du secteur et réfute les accusations dont il
est
l’objet.
«
Le plan de modernisation
doit être achevé en 24 mois »
Al-Ahram
Hebdo : Depuis votre nomination au poste de ministre des
Transports, plusieurs catastrophes ont eu lieu : naufrage du
ferry Al-Salam 98, accidents de trains, etc. Comment les
expliquez-vous et quel est votre plan pour les éviter dans
l’avenir ?
Mohamad Mansour : Il est vrai que depuis mon arrivée, les
accidents se sont succédé. Mais je n’y suis pas pour
grand-chose. Les transports en Egypte sont dans une situation
délicate. Les locomotives, les systèmes de signalisation, les
voies ferrées, les ports ... Il suffit de mentionner que sur
700 locomotives, seules 287 fonctionnent. Chaque jour, un
accident arrive. Mais, croyez-moi, cela ne durera pas. J’ai
présenté au cabinet ministériel un plan détaillé pour la
modernisation des 6 secteurs du transport en Egypte. Il s’agit
d’un plan global comportant main-d’œuvre, sécurité,
performance, technologie, signalisation ... Car rien ne
changera si l’on s’occupe d’un aspect des transports en
particulier et en négligeant l’autre. Dans l’avenir, le
ministère ne sera plus le seul opérateur. Par contre, il
restera régulateur. Le port d’Alexandrie est un bon exemple de
cette nouvelle vision des choses.
— Votre plan de modernisation des chemins de fer nécessite 8,5
milliards de L.E. Comment le gouvernement pourra-t-il le
financer ?
— Cette question ne m’inquiète plus. Le premier ministre nous
accorde la priorité. Quand nous avons présenté notre plan de
restructuration sur 5 ans, il nous a demandé de l’achever dans
un délai maximum de 24 mois et a promis que nous recevrions
les sommes dont nous avions besoin. Il a décidé tout de suite
de consacrer 5 milliards de L.E. de la valeur obtenue par
l’octroi de la troisième licence de téléphonie mobile à cet
objectif. Mais nous ne recevrons pas directement cette somme.
Une fois que nous nous serons mis d’accord avec une société
pour qu’elle entreprenne les travaux, le gouvernement
s’occupera de la payer.
— Une période de 24 mois n’est-elle pas un peu courte pour une
telle restructuration globale ?
— Pas du tout. Il y avait au début un problème de financement,
mais le premier ministre a tranché l’affaire. De plus, nous
venons de signer un protocole avec une entreprise émiratie
pour créer un holding. Cette entreprise dont le capital
s’élève à un milliard de dollars est prête à investir 30
milliards de dollars dans les 5 prochaines années afin de
créer un nouveau réseau ferroviaire, soit une ligne Le
Caire-Hurghada, une autre Borg Al Arab-Alexandrie, et une
troisième 10 de Ramadan-Aïn-Chams. Vous observerez donc
bientôt une amélioration du système du transport égyptien.
— La création de ce holding est-elle une étape vers la
privatisation de l’Organisme des chemins de fer ?
— L’idée de la privatisation de l’Organisme des chemins de fer
est définitivement écartée. Nous l’avons déjà discutée en
juillet dernier à la commission du transport à l’Assemblée du
peuple, lors de la modification de certains articles de la loi
relative aux chemins de fer. Nous nous sommes mis d’accord
pour ne pas privatiser l’Organisme des chemins de fer. De
même, suite aux accidents de Qalioub, le chef de l’Etat, Hosni
Moubarak, a insisté sur la non privatisation des chemins de
fer, utilisés par une majorité de citoyens modestes.
— Mais, existe-t-il un projet pour faire participer le secteur
privé à la modernisation des chemins de fer ?
— Effectivement, nous pensons encourager certaines entreprises
privées spécialisées dans le domaine du transport à prendre
part à la modernisation de quelques lignes de chemins de fer.
Cela nous permettra, d’une part, de profiter de leur
expérience, et d’autre part, d’exécuter, le plus vite
possible, le plan de modernisation qui doit être achevé en 24
mois, selon les instructions du gouvernement.
— L’augmentation récente du prix des billets de train
va-t-elle servir au financement du plan de restructuration ?
— Non, nous visons seulement à obtenir l’autofinancement. Le
ministère des Transports enregistre chaque année des pertes de
1,6 milliard de L.E. Or, il reçoit 1,144 milliard de L.E.
chaque année du gouvernement. Il n’arrive donc pas à couvrir
ses dépenses. Les salaires n’augmentent pas et les équipements
ne sont pas modernisés. Pour aller du Caire à Tanta, un
étudiant paye de sa poche 6 piastres. Le ministère
subventionne 98 % du prix de son billet. Toujours dans le but
de l’autofinancement, nous tentons de consacrer une place plus
importante au fret qui nous permet de réaliser de bonnes
recettes.
Il nous a fallu aussi augmenter le prix des billets de 15 %,
mais seulement pour la première classe, depuis juillet
dernier. Ceux qui voyagent en première classe peuvent assumer
une telle hausse. Cela servira à augmenter les salaires des
fonctionnaires. Ceux qui sont en charge de surveiller la
signalisation ne reçoivent que 250 L.E. par mois. Comment
peut-on s’attendre à une performance dans de telles conditions
?
— Outre les chemin de fer, le ticket de métro ne cesse
d’augmenter alors que le service se détériore. Comptez-vous
scinder la gestion du métro de celle des chemins de fer ?
— Il est vrai que le ministère étudie actuellement un plan
pour cette scission. Mais cela n’aura pas lieu prochainement.
Il n’y a pas de raison pour conserver les deux gestions sous
une seule tutelle. Cette séparation permettra d’améliorer le
service du métro et du train car il y aura pour chacun un
organisme responsable pour résoudre ses problèmes.
— Pour le transport maritime, la société Al-Salam monopolise
le marché. Quand le gouvernement mettra-t-il fin à ce monopole
?
— Ce monopole ne durera pas. Nous venons de signer un accord
avec 3 autres compagnies de ferry étrangères pour œuvrer en
Egypte avec la société Al-Salam. Mais, après la catastrophe en
mer Rouge, attirer des investisseurs étrangers en Egypte
nécessite un peu de temps.
— Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas pris de mesures contre
les propriétaires du ferry Al-Salam en fuite à Londres ? Une
telle affaire porte atteinte à la réputation du ministère ...
— Le verdict doit être très prochainement rendu. Et c’est
après que les mesures nécessaires seront entreprises.
— Les entreprises publiques de fret représentent, elles aussi,
un dossier important en raison des difficultés de
fonctionnement. Comment comptez-vous agir sur cette question ?
— Cette question n’est plus une priorité. La semaine n’est
faite que de 7 jours de travail. Les dossiers de notre
ministère sont nombreux. Nous devons décider nos priorités et
commencer par le plus important. Et le fret n’est pas pour
l’instant une priorité.
— Votre activité d’homme d’affaires a créé un vif débat lors
de votre nomination en raison du conflit d’intérêts que cela
créait. Qu’en dites-vous aujourd’hui ?
— Il me suffit de dire que je suis au ministère sept jours par
semaine et 24 heures par jour. Je me dédie complètement à mon
ministère.
— Mais, vous avez été récemment accusé d’abuser de votre
fonction en important, via votre société, 25 millions de L.E.
d’équipements pour la restructuration des chemins de fer …
— Cela est faux. Ayez un peu pitié de moi ! Les journaux ne
cessent de m’accuser. Mon entreprise n’a aucune relation avec
ces importations et les jours à venir viendront appuyer mon
affirmation.
— Alors, comment garantir la transparence des procédures ?
— La transparence est garantie car le nom des entreprises qui
y sont mêlées est signalé.
Je suis aussi là pour la garantir.
Névine
Kamel