A
peine a-t-on commencé à souhaiter un dénouement de la crise
entre le Fatah, du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud
Abbass, et le Hamas, au pouvoir depuis janvier dernier, que les
deux forces se sont engagées dans un nouveau bras de fer.
Résultat : une confusion de déclarations et l’annonce par le
Fatah du gel des discussions concernant la formation d’un
gouvernement d’union nationale. « Tous les efforts du président
ont été gelés en raison de plusieurs déclarations des dirigeants
du Hamas indiquant qu’un gouvernement formé ne serait pas prêt à
respecter les engagements pris et les accords conclus par
l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) », a ainsi
déclaré Nabil Amr, porte-parole de M. Abbass. Selon les
responsables palestiniens, les négociations sont gelées jusqu’à
ce que Mahmoud Abbass revienne d’un voyage à New York, où il va
participer à l’Assemblée générale des Nations-Unies.
Essayant de réduire l’effet d’un tel gel, le
premier ministre palestinien sortant Ismaïl Haniyeh, membre du
Hamas, a nuancé les propos des conseillers de Abbass. « J’assure
à tous qu’il n’y a pas de recul. Il y a un accord entre le
président Abbass et moi pour reprendre le dialogue à son retour
», a-t-il dit. Même son de cloche chez son porte-parole, Ghazi
Hamad, qui a fait part de son optimisme quant à la perspective
d’un gouvernement de coalition. « Il existe des points de
divergence mais de manière générale, les choses avancent
tranquillement et bien. Nous ne sommes pas dans une impasse »,
a-t-il dit. « Il nous faut encore un certain temps pour
surmonter les divergences ».
Toutefois, d’aucuns ne peuvent nier que les
divergences entre les deux forces sont flagrantes, le Hamas
étant coincé entre l’enclume et le marteau, ou en d’autres
termes, entre sa volonté de préserver son idéologie en tant que
mouvement de résistance et son désir de sortir et de faire
sortir le peuple palestinien de l’isolement international. « Le
Hamas n’a jamais cherché à accéder au pouvoir et ne s’attendait
pas à remporter les législatives de janvier dernier. C’était une
surprise. Cela dit, il s’est trouvé dans une impasse », nous a
souligné le chercheur Moustapha Al-Gammal, du Centre des études
arabes et africaines.
Et c’est là que réside le problème principal.
Samedi, Haniyeh a insisté sur le fait qu’un document rédigé par
des Palestiniens détenus dans des prisons israéliennes, et qui
sert de base au projet de gouvernement d’union, « ne reconnaît
pas l’occupation » - terme désignant Israël - et n’accepte pas,
non plus, les accords passés avec le gouvernement israélien
depuis les années 1990. Or, relèvent les conseillers de Abbass,
l’accord de gouvernement d’union stipule que la nouvelle
coalition « honorera » les accords passés avec Israël. Non
seulement le Hamas est sommé de reconnaître les accords passés
avec l’Etat hébreu, et c’est ce qu’il refuse, mais aussi de
reconnaître l’Etat juif et de renoncer à la violence. Ce sont du
moins les conditions posées par le Quartette pour reprendre les
aides financières destinées aux Palestiniens.
Selon un autre analyste, un gouvernement
d’union nationale est la seule solution qui profite à Hamas. «
En constituant un tel gouvernement, le Hamas pourrait pousser
certains membres du cabinet, qui seront issus en l’occurrence du
Fatah, de mener des négociations pour reprendre le dialogue avec
Israël ». Mais pour le moment, le rêve de voir naître ce
gouvernement s’est évaporé.
Querelles sur les portefeuilles
Outre la question idéologique, la répartition
des portefeuilles suscite des remous, le Hamas ayant réclamé le
double des portefeuilles qui seront attribués au parti Fatah.
Pour le conseiller politique de M. Haniyeh, Ahmad Youssef, la
répartition des portefeuilles au sein du nouveau gouvernement
doit refléter l’équilibre des forces au Parlement, dominé par le
Hamas. « Par exemple, huit à dix portefeuilles pour le Hamas
contre quatre à cinq pour le Fatah », a-t-il écrit dans un
article distribué à la presse par le bureau de M. Haniyeh. M.
Youssef a également estimé que les postes-clés, Affaires
étrangères, Finances, Intérieur, devaient être attribués à des
indépendants.
M. Haniyeh a affirmé que les membres du futur
cabinet doivent être « honnêtes, capables et exempts de tout
soupçon de corruption ». Faisant allusion à plusieurs ministres
dans les gouvernements successifs formés par le Fatah depuis
1994 qui ont été accusés de détournement de fonds et de mauvaise
gestion.
Les exigences du Hamas ont suscité
l’irritation du Fatah, dont un porte-parole, Maher Maqdad, les a
qualifiées de « marchandages et de pressions ». M. Abbass a,
quant à lui, lié l’entrée en fonction du prochain gouvernement
au sort des responsables du Hamas détenus par Israël et du
soldat israélien capturé lors d’une attaque à la frontière entre
la bande de Gaza et Israël le 25 juin. En effet, les obstacles à
la formation du gouvernement ne relèvent pas seulement des
Palestiniens, mais aussi d’Israël qui profite des dissidences
des deux factions rivales et qui pêche en eau trouble. Si la
libération des députés et des ministres membres ou proches du
Hamas pris comme otages en juin par l’armée israélienne avait
été ordonnée mercredi dernier par un tribunal militaire
israélien, les dix-huit personnalités sont toujours en prison,
le Parquet militaire ayant fait appel. Ce qui confirme que
l’actuel gouvernement israélien n’est en rien disposé à saisir
l’occasion que lui offre Mahmoud Abbass de reprendre langue et
de délaisser le terrain de la guerre.
Rania Adel