« Le pape ignorant », « Les déclarations du
pape, une nouvelle Croisade », « Les dimensions dangereuses des
déclarations du pape », « Révolte des musulmans », « Retour au
Moyen-âge », « Le pape déclare la guerre des Croisades », « La
guerre confessionnelle mondiale », autant de titres mesurant la
colère des éditorialistes cette semaine après les propos du pape
Benoît XVI qui, lors d’un discours en Allemagne, a assimilé
islam et violence. « Il ne fait aucun doute qu’il n’était pas du
tout convenable que le pape Benoît XVI parle de tels sujets
d’une grande sensibilité dans un discours public devant des
dizaines de milliers de personnes, dont la majorité ne sait pas
grand-chose sur l’islam », souligne l’éditorial d’Al-Ahram.
Sur un ton très sévère, l’hebdomadaire
nassérien Al-Arabi n’hésite pas à comparer le pape Benoît XVI à
Hitler en titrant en une, en rouge et sous le portrait du pape :
« Le pape nazi ». Même ton dans le magazine hebdomadaire Rose
Al-Youssef, qui titre en couverture et sur une caricature du
pape Benoît XVI accompagnée de l’emblème du nazisme, où
l’éditorialiste Abdallah Kamal écrit : « Ce que le pape a dit
n’est ni une liberté de pensée, ni une liberté d’expression ».
« C’est la guerre », annonce d’emblée
l’éditorialiste d’Al-Osboue, Moustapha Bakri. « Le pape Benoît
XVI du Vatican se moque de Mohamad et déclare la guerre des
Croisades contre l’islam », prévient en première page
l’hebdomadaire Al-Fagr.
Dans son éditorial « L’intifada des musulmans
», l’éminent écrivain et historien Gamal Badawi souligne, dans
le quotidien d’opposition Al-Wafd, que « le monde musulman
n’exagère pas lorsqu’il se révolte contre les offenses émanant
du pape Benoît XVI (....) Le pape ne sait pas ce qu’est le
djihad ».
De l’autre bord, le premier haut dignitaire
chrétien à réagir aux propos du pape Benoît XVI sur l’islam fut
le chef de l’Eglise copte d’Egypte, Chénouda III. Il estime,
dans Al-Ahram, que de telles déclarations sont « contraires aux
enseignements du Christ ». « Le christianisme et les
enseignements du Christ nous apprennent qu’il ne faut blesser
les autres ni dans leurs convictions ni dans leurs idées, et ne
s’en prendre non plus aux symboles religieux », dit-il. Les
propos de Benoît XVI étaient « le reflet d’une ignorance » de la
religion musulmane, a déclaré Mohamad Sayed Tantaoui, cheikh
d’Al-Azhar, dans un entretien accordé à Akhbar Al-Yom.
Nombreux sont les éditorialistes qui, à
l’image de l’opinion publique, exigent des excuses de la part du
pape. Karam Gabr se demande, dans le quotidien Rose Al-Youssef :
« Comment sortir de cette crise ? ». « Une seule solution, ce
sont les excuses. En effet, celui qui a osé faire de telles
déclarations blessantes, doit aussi oser s’excuser afin de
calmer une situation alarmante dans le monde musulman ».
« L’erreur, les excuses et le dialogue »,
tempère l’éditorial de Ghassan Charbel, dans Al-Hayat, où il
affirme : « Le pape n’a pas le droit de se comporter en tant que
professeur universitaire, lançant des jugements sur des sujets
aussi sensibles ».
Dans le quotidien saoudien Al-Charq Al-Awsat,
l’écrivain Samir Attallah propose au pape Benoît XVI « d’être
plus modeste, comme son prédécesseur Jean-Paul II, et d’avouer
que tout ce qu’il a dit était très cruel. Ce qui est encore pire
c’est qu’il a repris des paroles qui n’étaient pas les siennes
». Même indignation des autres pays musulmans. Le principal
quotidien jordanien, Al-Raï, qualifie de « choquantes » et «
graves » les déclarations du pape, « non seulement pour leur
contenu, mais parce qu’elles proviennent du souverain pontife
(...) qui doit encourager le rapprochement entre les religions
et la cohabitation ».
En Algérie, le quotidien Oran dénonce des
propos qui « ne sont pas innocents, même si aujourd’hui, les
médias occidentaux lui cherchent l’excuse du caractère, celle du
métier de philosophe si peu diplomate et celle de la mauvaise
interprétation ».
Plusieurs quotidiens du Golfe jugent «
insuffisants » les regrets du pape Benoît XVI pour ses propos
sur l’islam, et réclament les excuses du souverain pontife pour
apaiser la colère des musulmans. « Ce qui est exigé, ce sont des
excuses claires du pape », titre le quotidien saoudien Al-Jazira,
qui estime que ses déclarations sont « préjudiciables » aux
musulmans. « Il ne suffit pas de dire que le pape ne pensait pas
les offenser ou que ses propos ont été mal interprétés »,
poursuit le journal. « Le pape du Vatican est en mesure
d’influer négativement ou positivement sur le dialogue entre les
religions et les civilisations. Le moindre de ses propos est
très significatif. Ne pas présenter des excuses est de nature à
étendre les protestations », indique-t-il encore. « Il est alors
à craindre que cette affaire ne soit exploitée pour perpétrer
des actes de violence (...) contre des innocents », conclut le
journal.
Et le quotidien Al-Madina d’exiger : « Un
communiqué du pape en personne, présentant des excuses claires
et innocentant l’islam et son prophète de tout ce qui est
contenu dans les déclarations » de Benoît XVI. « Après tout,
présenter des excuses, ce n’est pas faire de concession. Au
contraire, c’est l’expression même de la tolérance (...). Il
devrait se hâter de présenter des excuses s’il veut sauvegarder
les relations entre les religions », écrit Al-Khaleej, des
Emirats arabes unis.
Pour sa part, le jordanien Al-Doustour a
exprimé son « soutien à tous les appels au pape et au Vatican
pour des excuses immédiates et sans condition (...) car c’est la
seule mesure qui permettra d’anéantir la colère qui monte chez
les musulmans ».
La presse du Qatar qualifie Benoît XVI d’«
ignorant des principes de l’islam » et le somme aussi de
présenter des excuses aux musulmans. « Ces propos étranges et
inacceptables sont une atteinte flagrante à l’islam et
témoignent d’une ignorance évidente des principes de l’islam et
d’une hostilité claire à l’islam de la part du pape », renchérit
Al-Raï, en appelant Benoît XVI à « rectifier ses connaissances
erronées sur l’islam et de présenter des excuses aux musulmans
». « Ces propos entrent dans le cadre de la campagne permanente
menée par l’Occident contre l’islam qu’il lie au terrorisme. Ces
déclarations ne servent pas les relations entre l’islam et le
christianisme. Au contraire, elles éloigneront la confiance
entre les deux parties si le pape ne présente pas immédiatement
des excuses aux musulmans », poursuit le journal.
Hoda Ghali