L’agression
militaire israélienne contre le pays du Cèdre vient, une fois de
plus, mettre à mal des richesses qui ont traversé les âges. Une
situation qui, bien évidemment, vient remettre au goût du jour,
comme ce fut le cas pour l’Afghanistan, l’Iraq, l’Angola, la
Yougoslavie et d’autres pays encore, la question de la
protection du patrimoine mondial en temps de guerre et le rôle
effectif que doit jouer l’Unesco.
L’Organisation arabe pour l’éducation, la
culture et les sciences (Alecso) a déploré les destructions au
Liban et appelé l’Unesco à protéger le patrimoine culturel et
historique de ce pays soumis aux bombardements israéliens. Le
directeur général de l’Alecso, Mongi Bousnina, a dénoncé ce
qu’il qualifie de « sauvage offensive militaire israélienne qui
détruit un pays (le Liban), porteur de toutes les promesses de
liberté, de créativité et de multiculturalité », dans une lettre
adressée au directeur général de l’Unesco, Koïchiro Matsuura.
« Cette agression ignore de la manière la
plus effrontée toute convention internationale, toute
déclaration universelle et même toute éthique de conflit,
bombardant sans distinction établissements scolaires, sites du
patrimoine, médias, monastères, mosquées ... », écrit-il
notamment.
D’ailleurs dès le début des hostilités armées,
le ministre libanais de la Culture, Tareq Mitri, a demandé une
intervention urgente de la communauté internationale et a lancé
un appel au directeur général de l’Unesco, pour qu’il assure la
protection des sites archéologiques libanais, notamment ceux de
Baalbeck et de Tyr, classés sur la liste du patrimoine mondial
de l’humanité. « Au nom du gouvernement libanais, je vous
demande d’intervenir afin que cessent les bombardements (israéliens)
qui menacent les sites de Baalbek et de Tyr, classés au
patrimoine mondial de l’humanité, en application des conventions
de l’Unesco pour la protection du patrimoine mondial en temps de
guerre », a-t-il écrit à Koïchiro Matsuura. Il affirme que les
bombardements intensifs visent les abords immédiats de ces
sites. Les structures archéologiques, déjà fragiles, sont
menacées par les déflagrations répétées et risquent d’être
directement touchées. Et d’ajouter : « Devant cette situation
qui pourrait devenir catastrophique, votre intervention
imminente est nécessaire »
Des sites exceptionnels
Relativement
petit, avec une superficie d’un peu plus de 10 000 km2, le Liban
compte néanmoins cinq sites classés patrimoine mondial par
l’Unesco, tandis que neuf autres sont en phase de l’être. Anjar,
Baalbeck, Byblos, Tyr, ainsi que l’ensemble formé par la vallée
sainte de Qadisha et la forêt des cèdres ont tous été classés
dans les années 1980. Toutefois, tous ces sites n’ont pas la
même cote chez les touristes, exception faite du célèbre site de
Baalbeck qui attire, à lui seul, plus de 120 000 visiteurs par
an. Située à plus de 100 km de Beyrouth, dans la riche et
fertile plaine de la Békaa, Baalbeck était une ville phénicienne
florissante. Les Romains, à leur arrivée à Baalbeck, ont utilisé
des astuces pour pouvoir s’installer, afin de conquérir cette
région du Liban. C’est ainsi qu’ils ont eu l’idée de dresser un
temple dédié à Jupiter. A Baalbeck se trouve également le temple
de Bacchus, construit au cours du IIe siècle après J. -C. Ce
temple dédié à Bacchus se caractérise par son excellent état de
conservation. Non loin de ce dernier se dresse le temple dédié à
Venise, un véritable joyau de l’architecture romaine du IIIe
siècle.
Aussi connue pour ses vestiges que pour son
festival, Baalbeck a déjà fait l’objet de plusieurs frappes
israéliennes. Le centre de la ville de Baalbeck, bastion du
Hezbollah, situé à 90 km à l’est de Beyrouth, est
systématiquement visé par l’aviation israélienne. Il est situé à
300 mètres des temples romains. Selon des habitants de la ville,
les temples de Bacchus et de Jupiter, qui compte les six
colonnes romaines les plus hautes du monde, sont à proximité des
cibles des bombardements.
A une cinquantaine de kilomètres de Beyrouth,
dans la vallée de la Békaa, sur la route de Damas, se trouvent
les ruines d’Anjar ou celles du palais des Omeyyades, datant du
VIIIe siècle. Ces ruines représentent les rares vestiges d’une
dynastie qui a régné pendant une centaine d’années sur un empire
allant des frontières de la Chine au sud de la France.
Le troisième site classé par l’Unesco est la
ville de Tyr (Sour). Située à environ 83 km au sud de la
capitale Beyrouth, Tyr est la quatrième ville du Liban. Elle
comporte un hippodrome romain et un port phénicien. Les fouilles
entreprises sur ce site ont permis la mise au jour des restes
des villes croisées, arabes, byzantines et gréco-romaines.
Hérodote d’Halicarnasse a visité Tyr au Ve siècle et a décrit le
fameux temple de Melkart (Héraclès), érigé en 2750 av. J.-C.
Byblos, aujourd’hui appelée Jbeil et
anciennement Gebal ou Goubal, occupe, à environ 37 km au nord de
Beyrouth, un promontoire au bord de la mer. Les fouilles
effectuées ont restitué des documents d’au moins quinze grandes
phases ou périodes d’habitation, de la préhistoire à la conquête
arabe. On y trouve les ruines successives d’une des plus
anciennes cités du Liban, habitée dès le néolithique et
étroitement liée à la légende et à l’histoire du bassin
méditerranéen pendant plusieurs millénaires. Byblos est ainsi
directement associée à l’histoire de la diffusion de l’alphabet
phénicien.
Alors que tous les sites ont été classés en
1984, le classement de la vallée sainte de Qadisha et la forêt
des cèdres est intervenu beaucoup plus tard, en 1998.
La vallée de Qadisha est l’un des plus
importants sites d’établissement chrétien au monde, et ses
monastères, souvent très anciens, s’inscrivent dans un
extraordinaire paysage accidenté. On trouve non loin de là, les
vestiges de la grande forêt de cèdres du Liban, très prisés
jadis pour la construction de grands édifices religieux. Cette
vallée accueille depuis les premiers pas de la chrétienté, les
communautés monastiques. Quant aux arbres de la forêt de cèdres,
ils sont les survivants d’une forêt sacrée et de l’un des
matériaux de construction jadis les plus prisés.
Outre ces cinq sites figurant déjà sur la
longue liste du patrimoine mondial, le Liban a présenté neuf
autres pour une éventuelle candidature. Il s’agit notamment des
centres historiques de Batroun, de Saïda et Tripoli-Al-Mina, des
sites naturels de la région du Chouf, des vallées de l’Oronte,
Nahr Al-Kalb et Nahr Ibrahim, avec leurs monuments et sites
archéologiques ainsi que du monument du temple d’Echmoun et du
parc naturel de l’île aux Palmiers.
Amira Samir
(avec agences)