Des Hummer et des Jaguar côtoient les Hyundai
et les Fiat 128 dans les rues de Marina constamment bloquées par
la circulation le week-end. Tout le long de l'artère principale,
des jeunes filles se pavanent, exhibant leurs maillots de bains
dernier cri, bodies moulants mi-ventre et shorts sexy avoisinent
les voilées, dans un cadre tout à fait excentrique.
Dans cette station balnéaire de la Côte-Nord
qui ne dort jamais l'été, des gens de différents âges et
cultures viennent y passer leurs vacances ou même un week-end.
En fonction du budget, chaque estivant est libre de choisir le
séjour qui lui convient, même si c’est pour un jour ou un simple
passage. En motos ou au volant de leurs voitures de sport, des
jeunes roulent à toute vitesse pendant que les familles
attablées au Porto Marina profitent pour respirer de l'air pur.
Restaurants et cafés sont bondés de jeunes qui viennent se
défouler en groupes. Ce village qui s'étend sur 12 km le long de
la mer accueille environ 3 000 visiteurs quotidiennement, outre
ses résidents dont le nombre s'élève à 9 000 familles. Au cours
des mois de juillet et août, impossible d'obtenir une
réservation. Mais, comme tout le monde le sait, les réservations
sont faites dès le début de l'été et les dispositions prises à
l'avance.
Les habitués de Marina, aussi bien les jeunes
que les adultes, sont en quête de chaque nouveauté. Cette année,
Marina Country Club a remplacé le Rio où l'ambiance est plutôt
familiale. La discothèque Kiwi a laissé sa place au Pacha, où
les jeunes viennent passer des soirées euphoriques. Cette saison,
le magazine Akhbar Al-Nogoum programme des concerts à Marina
Country Club et un championnat de foot balnéaire est prévu à la
zone 9. Quant au Porto Marina, il ne cesse d'offrir de nouvelles
prestations et les chalets qui l'entourent sont mis en vente à
des sommes astronomiques. Ocean Blue est aussi entré dans la
concurrence et Cuba Cabana et Sea Gull continuent d'offrir
d’agréables soirées à l’intention des jeunes. Quant aux deux
plages La Femme et Yachmak, réservées aux femmes et interdites
aux hommes, elles programment à chaque fois des séjours
différents animés par des activités sportives, un panel de
divertissements outre les concours de danse ou de beauté.
En fait, à Marina, on a l'embarras du choix à
condition de consulter son budget, car un séjour de luxe peut
tout simplement ruiner. Mais ceci n'empêche guère les visiteurs
d'affluer, même ceux qui ne sont pas aisés s'arrangent pour
économiser et y passer au moins un week-end. Une réalité que les
businessmen ont saisie en exploitant chaque petite parcelle de
terre pour tirer de grands profits. Marina, qui a su conserver
son charme, a changé d'aspect au fil des ans.
Une progression fulgurante
Hicham Al-Gazzar, l'un des plus anciens
investisseurs à Marina, explique qu'au début des années 1990,
personne ne connaissait cette station balnéaire avec ses deux
entrées. Et investir dans un tel endroit réservé à l'élite
semblait être un projet aventureux. « Ces quinze dernières
années, Marina s'est développée et les deux accès principaux se
sont transformés en sept pour s'étendre jusqu'à Matrouh,
dernière station balnéaire de la Côte-Nord », explique Al-Gazzar,
en ajoutant qu'il est cependant difficile actuellement de
qualifier les visiteurs de Marina comme de véritables « Marinois
» comme à l'époque de sa création.
Et comme la carte géographique du village ne
cesse de changer, les estivants qui cherchent un peu d'intimité
ou de calme préfèrent se rendre à Marina 5 ou 6 ou 7 dans les
nouveaux villages tels que Ghazala ou autres. En fait, les
véritables Marinois ont su préserver certains coins pour eux et
informent leurs proches de l'endroit où ils peuvent être
tranquilles, cédant ainsi aux jeunes le centre de Marina pour
vivre à leur cadence.
Attrayant, ce village continue de séduire un
grand nombre d'hommes d'affaires, d'estivants et même de simples
visiteurs. Le Dr Mohamad Hosni et sa famille sont habitués à
passer les vacances d'été dans ce joli pôle d'attraction
balnéaire comme le surnomme Rodayna, sa fille aînée de 16 ans. «
A Marina, on ne dort pas, les restaurants et les cafés situés au
bord de la mer ne désemplissent pas. Chants, danses et autres
divertissements ne s'arrêtent qu'aux premières lueurs de
l'aurore. Ici, on peut jouir de la mer, nager tranquillement
sans risquer de se noyer comme c'est le cas d'autres plages où
il y a des tourbillons. On peut faire son marché dans les souks
et son shopping dans les magasins. Il y a même un hôpital pour
enfants, sans compter les autres services. C'est un coin magique
», explique Rodayna.
Etre au paradis
Allongée au bord de la piscine de Marina
Country Club remplie d'eau de mer traitée, Rodayna pose sa tête
sur le genou de son père, qui explique : « A Marina, on a
l'embarras du choix : des plages privées pour ceux qui cherchent
le calme et l'intimité et celles ouvertes à tout le monde ».
Et le village, qui a pris de l'ampleur du
jour au lendemain pour gagner un nouvel espace sur la
Méditerranée, semble être en quelque sorte divisé pour
satisfaire tous les goûts des visiteurs. « Entre Porto Marina,
l'un des récents grands projets offrant aux familles un beau
séjour au bord de la mer, les yachts, le jet-ski et les
restaurants comme le Chili's, Carino's ou Studio Misr, au décor
à l'italienne, les magasins de luxe, l'Ocean Blue avec son
nouveau style, les cafés et les sorties, le séjour à Marina est
toujours bien chargé », ajoute ce chef de famille, qui a choisi
le Marina Country Club pour sa tranquillité.
Et bien qu'un séjour puisse revenir à plus de
4 000 LE par jour pour une famille de 4 personnes, Marina
ressemble à une ruche en juillet et août. Tareq Ahmad,
travaillant dans le domaine du marketing, explique que beaucoup
d'hommes d'affaires et ceux qui travaillent dans le domaine du
marketing jouent sur le fait que Marina est le village de
l'élite. On y rencontre ministres, stars, fortunés et s'y rendre
pour beaucoup de visiteurs est devenu un phénomène de mode. Les
businessmen ont saisi la règle du jeu et ne cessent d'investir
dans cette station.
Nouveaux projets, restaurants, cafés,
diverses boutiques, parcs d'attractions pour enfants et même des
restaurants de fast-food. La zone 9 en rassemble d’ailleurs une
quantité : Kentucky, Saber, de petits restaurants de kochari et
de foul, de quoi satisfaire tous les goûts. Et aux
Champs-Elysées Marina, on se croirait à la rue Abbass Al-Aqqad
de Madinet Nasr, avec son grand souk : Zahran Mall, Cinnabon,
Braziliano café, Happy Dolphin, Sadko, Cyramica Cléopatra et
bien d'autres centres commerciaux. Quant aux directeurs de
publicités, ils ne ratent aucune occasion pour exploiter à fond
Marina. Et même des antennes de Mercedes et BMW se sont
implantées pour être proches de leur véritable clientèle.
D'autre part, les hommes d'affaires
n'hésitent pas à dépenser. A Marina, on est sûr de ne pas perdre
de l'argent, mais plutôt d'en gagner, comme l'assure Tareq qui
ajoute que prendre en location le parking à Porto coûte 30 000
L.E. la saison et avoir le droit de faire de la publicité
revient à 3 000 000 de L.E. Des sommes astronomiques, mais les
bénéfices sont garantis dans une région qui ne cesse de se
développer et d'attirer les visiteurs. Des jeunes, des familles
et même des enfants s'arrangent pour rejoindre leurs amis à
Marina, une tendance de l'été. Comme le confirment Omniya,
Raghda et Yasmine, trois jeunes adolescentes. Laissant leurs
familles dans d'autres villages sur la Côte-Nord, elles se
donnent rendez-vous à Marina et dressent leur programme :
s'attabler au Sidi Mansour ou aller au casino, l'essentiel pour
elles est de s'éclater. Jeunes et belles, elles se baladent le
soir même si elles s'exposent à la drague. Une scène courante,
surtout que beaucoup de jeunes viennent avec l'idée d'aguicher
les jolies filles de Marina. Et pour y passer un week-end, tous
sont prêts à claquer de l'argent.
Louer un chalen groupe ou passer la nuit en
voiture, l'essentiel est de se vanter en rentrant, d'avoir passé
deux jours dans le village de l’élite. En quelque sorte c'est un
prestige pour eux. Même s'ils n'ont pas les moyens d'être dans
une plage privée, où il faut payer 500 L.E. la saison, ils
peuvent se rendre dans d'autres ouvertes au public et beaucoup
plus abordables. Et des endroits comme Marina Country Club,
nouveauté de la saison, à qui son directeur Tareq Mosselhi tente
de lui donner une personnalité, on ne s'ennuie pas : activités
sportives, cafétéria et piscine remplie d'eau de mer, jeux pour
enfants, il suffit de payer 20 L.E. par personne pour y accéder
même si ce prix est fait pour attirer la clientèle. Ainsi Tareq,
comme beaucoup d'autres investisseurs à Marina, a choisi un
créneau.
Il a opté pour une équation difficile, celle
de présenter ses services aux familles le matin, et aux jeunes à
partir de 18h tout en leur imposant une certaine discipline. Une
chose qui ne semble pas facile à Marina. Il rapporte que pendant
la Coupe du monde, des jeunes de bonnes familles sont venus un
jour dans son club pour arracher les drapeaux de divers pays,
exposés sur la façade. « Ils étaient sous l'effet de l'alcool et
je n'ai pas voulu porter plainte. Le lendemain, quelques-uns
sont venus s'excuser », explique Tareq, qui a pu avec diplomatie
contenir cet incident. Cependant, l'abus du pouvoir peut être
parfois une source de problèmes, surtout dans une société qui a
ses codes et où chacun essaye de défendre ses objectifs :
intimité, business, tranquillité ou séjour exceptionnel, telle
est la magie de Marina .
Doaa Khalifa