Une guerre civile en Iraq est-elle imminente
? S’agit-il d’une véritable crainte d’explosion de violences
interconfessionnelles ou simplement d’une volonté américaine de
donner une fausse image de la situation afin de justifier sa
présence militaire ? Ces questions ont vraiment leur raison
d’être ces jours-ci étant donné que les responsables militaires
américains ne cessent de souligner que les risques de guerre
civile en Iraq sont désormais fort probables. Raison pour
laquelle des renforts américains sont arrivés à Bagdad afin d’y
rétablir la stabilité et la sécurité. « Quelque 3 700 soldats de
la 172e brigade d’infanterie Stryker sont en train d’être
redéployés à Bagdad depuis le nord de l’Iraq », a déclaré le
lieutenant-colonel Barry Johnson, porte-parole de l’armée
américaine.
Bien avant lui, le général John Abizaid, chef
du Commandement central américain (Centcom), qui supervise les
opérations américaines en Iraq, avait prévenu que « les
violences confessionnelles sont aujourd’hui plus importantes que
jamais, en particulier à Bagdad, et si elles ne s’arrêtent pas,
il est possible que l’Iraq sombre dans la guerre civile ».
Et si autrefois, l’armée américaine a
toujours justifié sa présence militaire dans le pays de la
Mésopotamie — une présence qui a dépassé les quarante mois,
depuis le renversement du régime de Saddam Hussein — par le fait
qu’elle combat Al-Qaëda, son ennemi numéro un, aujourd’hui, ce
réseau ne représente désormais qu’une menace secondaire par
rapport à la violence interethnique. « Al-Qaëda est
significativement diminuée » depuis la mort du chef du réseau en
Iraq, Abou-Moussab Al-Zarqaoui, tué dans un raid aérien
américain le 7 juin dernier, a souligné le général Abizaid.
En effet, d’aucuns ne peuvent nier que la
situation sécuritaire en Iraq laisse à désirer. L’opération En
avant ensemble, lancée mi-juin par le premier ministre Nouri Al-Maliki
afin de ramener la sécurité à Bagdad, a essuyé un échec : 70
attaques quotidiennes sont recensées dans la capitale, où les
violences ont fait des milliers de morts depuis le début de
l’année. Dimanche, une bombe placée dans un autobus par un
passager a explosé, tuant une personne et blessant le chauffeur.
Les corps de vingt personnes assassinées par balles, dont quatre
soldats iraqiens, ont été découverts à Bagdad. Au sud de Kirkouk
(250 km au nord de Bagdad), trois personnes sont mortes dans
l’explosion de leur propre véhicule alors qu’elles
transportaient des explosifs, de source policière. Sur ce, le
secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan, a recommandé
au Conseil de sécurité la prorogation pour un an du mandat de la
Mission d’assistance de l’Onu en Iraq (MANUI), qui vient à
expiration le 11 août.
Fauteurs de troubles
Mais d’aucuns peuvent par ailleurs croire que
les Etats-Unis cherchent l’intérêt du peuple iraqien. «
Contrairement à ce que les Américains font croire aux gens, ils
sont les fauteurs de troubles en Iraq. Ils tentent d’attiser le
feu de la guerre civile parce qu’ils peuvent profiter de
l’éclatement d’un tel conflit. Ils chercheront à écraser la
résistance par la sédition confessionnelle. Ce but n’est pas
nouveau, ils l’avaient déjà en tête lorsqu’ils ont conçu la
répartition de l’Iraq sur le sectarisme », assure le journaliste
et chercheur au Centre d’études arabes et africaines, Magdi Al-Gallad.
Et pour preuve, après avoir réitéré en juin la possibilité de
réduire le nombre de soldats d’ici la fin de l’année,
l’Administration américaine vient d’annoncer des renforts. Pour
certains experts, il y a trop d’enjeux en Iraq pour que les
Etats-Unis abandonnent la partie, car un retrait américain
signifierait une flambée des cours du pétrole, et une éventuelle
confrontation avec la Syrie et l’Iran, deux pays qui seront
impliqués dans le conflit. C’est donc en fomentant des
dissensions susceptibles de déstabiliser le processus politique
iraqien et de conduire à une guerre ethnique et religieuse
totale que les Etats-Unis garantissent leur présence. D’autre
part, l’éclatement d’une guerre civile ne fait partie que du
plan américain, le nouveau Moyen-Orient, visant à émietter le
monde arabe.
Mais, rien ne pourra-t-il arrêter ce cercle
vicieux ? Pour bon nombre d’observateurs, c’est aux Iraqiens de
ne pas s’enliser dans une lutte sur la distribution du pouvoir
et des ressources, et de mettre l’intérêt du pays au-dessus de
leurs confessions et ethnies. « Il faut de même mettre au point
un calendrier accrédité auprès de l’Onu du retrait des forces
américaines de l’Iraq, procéder à des élections sous la
surveillance des Nations-Unies et supprimer les lois injustes
promulguées lors de cette dernière période », poursuit M. Al-Gallad.
Il faut peut-être aussi miser sur l’opinion
publique américaine exaspérée par cette guerre et par la perte
de ses soldats. Lors d’une audition devant la commission
sénatoriale, le sénateur républicain John Warner a reproché au
Pentagone d’avoir suscité des attentes chez les militaires et
leurs familles en affirmant pouvoir diminuer de manière
significative le nombre de soldats en Iraq d’ici la fin de
l’année, avant d’y renoncer récemment en raison de la
persistance des violences.
Rania Adel