« Vengeance ! », crie le quotidien
d’opposition Al-Wafd. « Le crime » titre en couverture le
magazine hebdomadaire Al-Moussawar qui relève la « cruauté
israélienne et la complicité internationale ». « Avec le
massacre de Cana II, la bataille pour mettre fin à la guerre au
Liban commence », souligne l’éditorialiste Abdel-Qader Choheb
dans Al-Moussawar. « Soyez une fois pour toutes des hommes !! »,
titre en Une l’hebdomadaire Al-Osboue.
Chaque jour, la presse publie en Une des
photos d’enfants morts dans le bombardement de Cana, certains
journaux n’hésitant même pas à parler de « nouvel holocauste »,
tout en estimant que le drame pourrait constituer un tournant
dans le conflit. « Ce carnage est un crime de guerre », affirme
de son côté l’éditorial d’Al-Ahram. « Les bouchers israéliens
ont écrit une nouvelle page de leur histoire sanguinaire. Cette
page noire ressemble à celle écrite il y a presque dix ans. Le
lieu est le même, le boucher est le même et les victimes sont
encore des enfants et des femmes sans défense », écrit
l’éditorial d’Al-Ahram.
« Ehud Olmert commence sa carrière politique
avec un massacre qui fait de lui un criminel de guerre au même
rang que Begin, Shamir et Sharon », avance le quotidien Al-Gomhouriya,
qui titre en première page : « La conscience du monde en
vacances ».
Dans l’hebdomadaire Al-Fagr, Mohamad Fayeq,
secrétaire général de l’Organisation arabe des droits de l’homme,
met en garde contre ce qu’il appelle « une remise en ordre de la
région entière et d’une façon unilatérale par Israël.
Aujourd’hui, le Liban, avec la promesse de revenir en Egypte, en
Syrie et dans tous les pays qui ont des frontières communes avec
Israël ». Mettant en doute les capacités israéliennes,
l’écrivain libanais Maan Béchour s’interroge dans Al-Masri
Al-Yom : « Pouvons-nous dire que l’Etat hébreu bénéficiera après
la guerre au Liban du même soutien qu’avant la guerre ? ». Et
Ibrahim Al-Bahrawi, (spécialiste en études israéliennes)
d’ajouter dans Al-Masri Al-Yom : « Qu’Israël massacre des civils
est une couverture de sa défaite militaire ».
« Le tournant stratégique dans la sixième
guerre israélo-arabe est cette résistance qui ne signifie rien
d’autre que la défaite israélienne », explique l’éditorialiste
Abdallah Al-Sennaoui dans l’hebdomadaire nassérien Al-Arabi.
« Bien que la guerre israélienne contre le
Liban soit clairement une guerre américaine, les traits de leur
projet du nouveau Moyen-Orient restent encore à déterminer »,
affirme l’écrivain libanais Adel Malek dans le quotidien
londonien Al-Hayat.
Dans le même contexte, l’écrivain Bilal Al-Hassan
explique : « Qu’ils optent pour un Moyen-Orient nouveau ou
grand, les Etats-Unis ont subi une nouvelle défaite qui vient
s’ajouter aux défaites en Afghanistan, en Iraq et en Palestine
». Face à ce projet du nouveau Moyen-Orient, Amin Howeidi, un
des Officiers Libres et ancien ministre de la Défense, demande
de lutter pour « un Moyen-Orient arabe où le pouvoir ne se
transmet pas par héritage. Et puis aux Arabes de savoir qu’ils
ont des cartes de pression ».
Les Arabes et l’Onu fustigés
Beaucoup de journaux s’en sont pris à la
passivité de la position égyptienne officielle. « L’Egypte
pouvait prendre officiellement des positions plus respectables
dans la crise libanaise, sans toutefois s’exposer au moindre
danger militaire de la part d’Israël », souligne Hassan Naféa,
dans Al-Masri Al-Yom.
Dans l’éditorial d’Al-Ahram, on peut ainsi
lire : « Alors que le sang arabe coule à flots, les regards des
Arabes se sont dirigés vers Rome et non pas vers une capitale
arabe. Dans la capitale italienne, le destin arabe a été mis sur
la table devant un jury international sous leadership américain.
(…) La décision relative à nos causes vitales n’est plus entre
nos mains ».
Des écrivains, des intellectuels et des
artistes, comme Sékina Fouad et Ossama Anouar Okacha, ont
exprimé dans l’hebdomadaire Sawt Al-Omma, leur espoir de voir «
l’Egypte prendre une position ferme face à l’escalade de la
violence au Liban ».
Mettant en doute les capacités de l’Onu,
l’éditorial d’Al-Ahram affirme que « le Conseil de sécurité de
l’Onu a fait preuve d’incapacité face au massacre de Cana et
face à l’agression contre tout le Liban ». « Il n’y a pas de
doute que (…) la guerre d’extermination que mène Israël au Liban
a mis au grand jour la faiblesse des Nations-Unies en tant
qu’organisation d’arbitrage international », souligne Al-Masri
Al-Yom. L’écrivaine Sanaa Al-Saïd affirme dans Al-Osboue que «
souffrant de vieillesse, les Nations-Unies ont perdu leur
crédibilité, leur poids ainsi que leur valeur ».
« Cana 2006 est une honte pour Israël et la
communauté internationale », souligne Moustapha Abdel-Qader dans
le quotidien indépendant Nahdet Misr.
Le quotidien libanais An-Nahar se démarque en
publiant : « Le sacrifice des enfants de Cana a changé la donne
internationale en renforçant les chances d’un cessez-le-feu
auquel s’est ralliée la quasi-totalité de la communauté
internationale » .
Hoda Ghali
L’erreur
Israël ne semble pas avoir tiré les leçons du
passé et s’apprête à commettre une nouvelle erreur lourde de
conséquences au Liban. Incapable d’arrêter les roquettes du
Hezbollah, l’Etat hébreu, qui ne veut pas sortir les mains vides
de son aventure meurtrière au pays du Cèdre, est décidé à
rétablir une « zone de sécurité » de plusieurs kilomètres au sud
de ce pays comme celle qui existait il y a six ans, avec le
déploiement d’une dizaine de milliers de soldats, en attendant
l’arrivée d’une force internationale dans ce secteur.
La création évoquée par Israël de cette «
zone » et le déploiement envisagé d’une force internationale
rappellent deux initiatives mises en œuvre au Liban dans le
passé, avec des conséquences dramatiques. De 1985 à 2000, Israël
a occupé au Sud-Liban une « zone de sécurité » de 850 km carrés,
combattue sans merci par le Hezbollah que l’Etat hébreu veut
éliminer aujourd’hui. L’armée israélienne a été contrainte de la
quitter après une longue guerre d’usure. La nouvelle « zone »
envisagée par Israël ne prévoit pas de positions fixes, ni la
présence d’une milice locale auxiliaire, comme ce fut le cas
avec l’Armée du Sud-Liban (ALS). Elle conçoit plutôt un « cordon
sanitaire », de cinq à six kilomètres de large, vidé de sa
population, où les Israéliens tireront sur tout intrus. Une idée
qui n’apportera sûrement pas la paix à Israël. Au contraire,
elle renforcera la résistance libanaise contre cette nouvelle
occupation d’une partie du Sud-Liban : des accrochages
quotidiens le long de cette « nouvelle » frontière sont
probables, des tirs de roquettes ou de missiles sur Israël sont
également possibles au-dessus de la « zone de sécurité ». Pour
éviter justement ce genre d’incidents, les Etats-Unis et Israël
veulent que se déploie dans cette « zone » une force
multinationale puissante capable par les armes de les empêcher.
Cette force, si elle se matérialise, sera ainsi considérée par
les Libanais comme une « force d’occupation » à la solde de
l’Etat hébreu. Tout le monde se souvient de l’expérience
tragique de la Force multinationale de 1982 et 1983, et qui
était composée d’Américains, de Français et d’Italiens. En
octobre 1983, 241 militaires américains et 58 légionnaires
français avaient été tués lorsque des camions piégés, conduits
par des kamikazes, ont explosé dans leurs campements à Beyrouth.
C’est pour ces raisons que le gouvernement libanais s’oppose à
cette idée et préfère un renforcement de la Finul, qui aiderait
l’armée libanaise à se déployer jusqu’à la frontière
internationale et à ramener chez eux des dizaines de milliers de
Libanais chassés des villages frontaliers, qu’il faudra
reconstruire.