Craintes
et expectatives après les déclarations cette semaine d’Aymane
Al-Zawahri. Dans un enregistrement vidéo diffusé par la chaîne
de télévision qatarie Al-Jazeerah, le numéro deux du réseau Al-Qaëda
et son maître à penser affirme que des islamistes égyptiens de
la Gamaa islamiya ont décidé de rallier les rangs de son groupe.
Zawahri a énuméré plusieurs noms comme Omar Abdel-Rahmane (ancien
guide spirituel de la Gamaa qui purge une peine de prison aux
Etats-Unis ), Abou-Khalil Al-Hakayma, Mohamad Al-Islamboli,
Réfaï Taha, Mohamad Al-Moqrie, et Abdel-Akher Hammad. « Ces
cheikhs ont décidé de faire fusion avec Al-Qaëda pour unir les
forces de la nation islamique contre nos ennemis qui ont lancé
une compagne féroce contre l’islam », a déclaré le numéro deux
d’Al-Qaëda critiquant au passage ceux qui ont choisi de renoncer
aux armes. « Un groupe de nos frères dans la Gamaa ont suivi les
allégations du gouvernement égyptien et des Etats-unis et ont
dévié de la ligne immaculée de la Gamaa basée sur le Coran et
les paroles du prophète », a déclaré Zawahri faisant ainsi
allusion aux adeptes de l’initiative d’arrêt de la violence
lancée par certains chefs historiques de la Gamaa en 1997.
L’enregistrement de Zawahri a été suivi d’un autre montrant
Abou-Khalil Al-Hakayma en tenue pakistanaise dans un champ avec
un fusil sur l’épaule affirmant son adhésion à Al-Qaëda et
critiquant l’initiative d’arrêt de la violence. Les deux
enregistrements n’ont pas manqué de susciter des interrogations
en Egypte.
S’agit-il réellement d’un nouveau front
terroriste ? Ou bien est-ce une manœuvre d’Al-Qaëda ? La Gamaa
islamiya, elle, s’est hâtée de démentir l’annonce de Zawahri. «
La Gamaa n’a jamais pris la décision de fusionner avec qui que
ce soit. Nous avons nos chefs et nos dignitaires qui décident de
la voie que nous devons emprunter », a déclaré Abdel-Akher
Hammad. Sur son site Internet, la Gamaa se dit étonnée par les
déclarations de Zawahri. « Comment le cheikh Omar Abdel-Rahmane
qui se trouve actuellement dans une prison américaine peut-il
adhérer à Al-Qaëda alors qu’il a été le premier à soutenir
l’initiative d’arrêt de la violence », déclare un communiqué de
la Gamaa publié sur le site. Le document affirme que la plupart
des noms cités par Zawahri n’entretiennent aucune relation avec
Al-Qaëda. « Réfaï Taha s’est retiré en août 1998 du front
mondial de lutte contre les juifs et les croisés (formé à
l’appel d'Ossama bin Laden), Mohamad Al-Moqrie s’est prononcé
contre l’usage de la violence et le meurtre des innocents.
Mohamad Al-Islamboli est très connu car il est le frère de
l’assassin de Sadate et il a des liens familiaux avec Ossama bin
Laden mais il ne joue aucun rôle au sein de la Gamaa. Quant à
Hakayma, c’est une personne inconnue qui n’a jamais fait partie
de la Gamaa », assure le communiqué. Quant à Karam Zohdi, chef
du conseil consultatif de la Gamaa, il a qualifié Zawahri de
menteur. « Il est déplorable qu’une personne qui parle au nom de
la religion ait proféré de tels mensonges. Personne ne connaît
ce dénommé Hakayma que l’on voit dans cet enregistrement vidéo
».
La Gamaa islamiya est l’un des deux
principaux groupes clandestins armés responsables de plusieurs
actes de violence dans les années 1980 et 1990. Le groupe qui
comptait plusieurs milliers de militants s’est orienté vers un
arrêt total de la violence à la fin des années 1990. C’est en
1997 que les chefs historiques du mouvement emprisonnés lancent
une initiative d’arrêt de la violence.
Les observateurs écartent toute hypothèse
d’un retour de la Gamaa à la violence. « Il n’est plus question
aujourd’hui pour la Gamaa de revenir à la violence. En 1997,
j’étais l’intermédiaire entre les membres du groupe qui ont
signé l’initiative d’arrêt de la violence. C’est vrai qu’il y
avait des objections mais tout a été réglé », souligne Montasser
Al-Zayat, avocat des groupes islamistes.
Zawahri ment-il ? Même si l’annonce du numéro
II d’Al-Qaëda a été démentie, rien ne permet de l’infirmer à 100
%. Mais il reste à savoir pourquoi maintenant ? La diffusion des
propos de Zawahri intervient au moment où des membres
emprisonnés du Djihad ont fait savoir qu’ils étudiaient une
initiative semblable à celle de la Gamaa. « Aymane Al-Zawahri
était l’un des chefs du Djihad. Il est probable qu’il ait voulu
avorter l’initiative de ce groupe », analyse Montasser Al-Zayat.
Diaa Rachwane, chercheur au Centre des Etudes
Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram est d’accord. Il
énumère d’autres raisons pour expliquer cette manoeuvre
d’Al-Qaëda. Premièrement, exploiter l’état de révolte qui existe
actuellement dans les milieux islamistes en raison de la
situation en Palestine, au Liban et en Iraq. Le numéro deux
d’Al-Qaëda a voulu également donner l’impression qu’il y a un
grand front islamiste et que son groupe a de l’influence en
Egypte. « Al-Qaëda n’a aucune influence en Egypte et
souhaiterait avoir de l’existence », assure Rachwane affirmant
que Zawahri a voulu également transmettre un message aux
appareils de sécurité égyptiens qui veulent donner l’exemple de
la Gamaa islamiya comme modèle d’un groupe islamiste qui a
réussi à se convertir en renonçant à la violence. Tout compte
fait, la situation telle qu’elle se présente témoigne d’un faux
pas de Zawahri qui reste peu expliquée.
Chérine Abdel-Azim