Israël mène
une campagne militaire agressive au cours de laquelle il a
commis des crimes de guerre et des génocides. Cela concerne
d’abord son agression contre la Palestine et aujourd’hui, contre
le Liban. Les opérations militaires au Liban, sous l’alibi de
vouloir récupérer ses soldats enlevés, sont une réaction
disproportionnée et injuste. A supposer qu’Israël ait raison, ce
qui est loin de l’être bien sûr, il a quand même négligé tous
les principes de guerre en ne faisant aucune distinction entre
les cibles civiles et les cibles militaires. C’est l’un des
principes de la guerre qui est tombé ici, celui de la
distinction. La proportionnalité a elle aussi disparu chez les
Israéliens. On ne peut pas raser toute une ville sous prétexte
que deux ou trois soldats s’y cachent. Ce sont les deux
principes de base que les Israéliens ont violés. Ce qui se passe
au Liban ou dans les territoires palestiniens est alors
qualifiable de crime de guerre.
Tel-Aviv a osé attaquer des hôpitaux, des
écoles et des institutions publiques sous prétexte qu’ils
abritent des hommes ou des armes du Hezbollah. Israël applique
aujourd’hui au Liban le principe de la « guerre globale » qui
était appliquée pendant la seconde guerre mondiale, et qui
consiste à tout se permettre durant le conflit. Il suffit de se
référer aux récentes déclarations d’Ehud Olmert dans lesquelles
il a annoncé l’intention de son armée de bombarder Beyrouth et
non pas même des objectifs dans la capitale libanaise. Par ces
déclarations, Israël avoue publiquement qu’il commet un crime de
guerre par préméditation. C’est d’ailleurs la nuance qui existe
entre le Hezbollah et les Israéliens.
— De quelle nuance parlez-vous ? Le Hezbollah
a également touché des civils en Israël ...
— Je veux dire que le Hezbollah adopte une
politique de dissuasion, qui consiste à attaquer son ennemi pour
le pousser à arrêter la violence. C’est très compliqué, mais
cela veut dire que le Hezbollah agit en hors-la-loi pour obliger
Israël à respecter le droit humanitaire. Par exemple, lorsque
les Israéliens ont déclaré qu’ils allaient attaquer Beyrouth, le
Hezbollah a répondu que dans ce cas, il attaquerait Tel-Aviv,
pour pousser Israël à revoir sa politique.
— Oui, mais Israël dispose d’une sorte
d’immunité internationale ...
— C’est tout à fait vrai. Et c’est d’ailleurs
pourquoi aucun Israélien n’a jamais été jugé. A part une
commission officielle d’enquête israélienne, qui a jugé Ariel
Sharon parmi d’autres Israéliens, en raison de leur
responsabilité dans les massacres de Sabra et Chatila. Mais la
commission de Kahan avait soigneusement évité toute accusation
de responsabilité directe, et s’est contentée, dans son rapport
publié en 1983, de reprocher à Sharon d’avoir « négligé le
danger d’acte de vengeance et de bains de sang de la part des
Phalangistes contre les populations des camps de réfugiés et
pour ne pas avoir ordonné des mesures appropriées pour prévenir
ou pour le moins réduire le danger du massacre ». On ne devait
pas d’ailleurs s’attendre à plus d’une commission israélienne.
En tout cas, je crois que désormais, il existe deux lois : une
très rigoureuse pour les Arabes et l’autre plus tolérante pour
le reste du monde. Israël est fondé en tant qu’Etat sans
frontières fixes, et c’est illégal. Le mur de séparation en
Cisjordanie est illégal d’après un jugement de la Cour
Internationale de la Justice (CIJ), mais sa construction se
poursuit. Et personne ne réagit .
— Pourquoi ni la Cour internationale de
justice ni la Cour pénale internationale ne peuvent-elles pas
juger Israël ?
— Pour la CIJ, c’est le pays victime lui-même
qui doit faire la démarche. Le Liban, par exemple, a le droit
d’aller porter plainte contre Israël. Nous savons tous qu’Israël
ne va pas se conformer à la décision de la justice, mais le
procès en lui-même ne manquera pas d’avoir un effet. L’affaire
est différente avec la CPI. Celle-ci n’est compétente qu’avec
les pays signataires du statut de Rome. Pour l’instant, seule la
Jordanie l’a signé et ratifié, alors que le reste des pays
arabes et Israël ne l’ont pas fait. Ils attendent peut-être que
cette cour fasse preuve d’efficacité, mais surtout
d’indépendance. Et puis Israël et les Etats-Unis n’ont pas
ratifié le statut de Rome, prenant donc une position claire
contre la cour.
Propos recueillis par Chaïmaa Abdel-Hamid