La communauté internationale aurait-elle
affaire à une force intraitable que nul ne fait ébranler, ni les
menaces, ni les sanctions, ni même les offres alléchantes ?
C'est en tout cas le message que semble vouloir transmettre
Téhéran en réaffirmant une fois de plus sa détermination à ne
pas céder d'un iota quant à ses droits nucléaires. Pour l'heure
donc, la résolution du Conseil de sécurité qui a donné à l'Iran
jusqu'au 31 août pour suspendre toutes ses activités
d'enrichissement d'uranium, faute de quoi il envisagera des
sanctions, n'a pas porté ses fruits. Bien au contraire, elle a
rendu Téhéran plus têtu et plus réticent : « Cette résolution
est illégale et sans valeur. L'Iran n'accepte pas la suspension
de son enrichissement car nos activités sont en accord avec le
Traité de Non-Prolifération (TNP) », a affirmé, samedi, Ali
Larijani, le principal négociateur du dossier nucléaire iranien,
ajoutant que son pays « étendra son programme nucléaire selon
ses besoins », et que les installations d'enrichissement,
constituées de cascades de centrifugeuses, « seront étendues ».
En même temps, M. Larijani a laissé la porte
entrouverte à une suspension, en affirmant que Téhéran
considérait toujours une offre des grandes puissances visant à
ce qu'il suspende son enrichissement, et à laquelle il doit
répondre le 22 août. Analysant l'attitude iranienne parfois
ambiguë, le Dr Mohamad Abdel-Salam, expert à l'unité militaire
au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS)
d'Al-Ahram, explique : « Les responsables iraniens ne sont pas
bêtes, ils ne peuvent pas fermer complètement la porte au nez de
la communauté internationale. Ils se donnent toujours l'occasion
de changer de position, à la dernière minute. Telle est
l'essence de la politique iranienne : faire pression jusqu'au
dernier moment pour collecter le plus de gains possibles ».
L'analyse du Dr Abdel-Salam a sa part de crédibilité. Que de
fois Téhéran a changé de position à la dernière minute pour
éviter le pire. Le guide de la République islamique, l'ayatollah
Khomeini, disait toujours : « Parfois, je suis obligé à
m'empoisonner moi-même mais toujours à la dernière minute ».
Tactique bien calculée. L'attitude dilatoire
de la République islamique vise à gagner du temps pour avancer
dans l'enrichissement, mais jamais l'Iran ne donnera à la
communauté internationale l'occasion de lui imposer des
sanctions car les Iraniens réalisent bien que le mot sanctions
est synonyme de lourdes pertes économiques. N'oublions pas
l'opinion publique iranienne qui a commencé à s'élever, ces
derniers jours, contre la politique des conservateurs ainsi que
l'influence du courant réformateur, toujours présent en Iran, et
qui interviendra le moment opportun pour éloigner le spectre des
sanctions. N'oublions pas non plus le soutien de la Russie et de
la Chine, qui n'ont jamais donné carte blanche à des sanctions
contre l'Iran, même si elles étaient obligées à voter la semaine
dernière la résolution du Conseil de sécurité : « Le vote de la
Chine et de la Russie était motivé par l'attitude dilatoire de
Téhéran qui atermoyait toujours la réponse à l'offre européenne.
Mais en même temps, elles n'accepteront pas l'idée de sanctions
pour ne pas nuire à leurs intérêts économiques en Iran »,
explique le Dr Mohamad Al-Saïd Idriss, expert politique,
ajoutant que l'adoption des sanctions exige une autre résolution
du Conseil de sécurité que Pékin et Moscou pourraient bien
entraver.
En attendant l'expiration du délai accordé
par le Conseil de sécurité, les Etats-Unis ont déjà pris les
choses en main en imposant, vendredi dernier, des sanctions
contre sept sociétés étrangères, dont la compagnie aéronautique
russe Soukhoï, ce qui leur a valu une vive dénonciation de la
part de la Russie. Le prétexte avancé par Washington est que ces
compagnies fournissent à l'Iran du matériel qui pourrait être
utilisé dans le développement d'armes de destruction massive et
que cela permettrait de faire progresser la politique de non-prolifération
américaine. Ces sanctions constituent une sirène d'alerte à
Téhéran. « Les Etats-Unis veulent dire à Téhéran : nous sommes
sérieux. Cette fois-ci n'est pas comme les autres », conclut le
Dr Abdel-Salam.
Maha Al-Cherbini