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Cinéma.
La dernière édition du München
Filmfest a organisé une rétrospective exhaustive de l’œuvre de
la famille Makhmalbaf. Entretien avec son doyen, le réalisateur
engagé,
Mohsen Makhmalbaf.
« Je suis convaincu que l’esprit de la
démocratie est enraciné dans la culture iranienne »
Al-Ahram
Hebdo : Pourquoi avoir créé à Téhéran l’école de cinéma La
Maison de film Makhmalbaf (Makhmalbaf Film House) ?
Mohsen Makhmalbaf :
Cela est parti du fait que je
n’appréciais pas beaucoup l’éducation traditionnelle religieuse
en Iran. Et puis Samira, ma fille, était extrêmement malheureuse
à l’école. A l âge de 14 ans, elle a quitté son établissement
scolaire et j’ai établi une « école » à la maison. On
travaillait ensemble du matin au soir, sur les tournages de mes
films. Et petit à petit d’autres enfants ont appris le métier,
mais surtout ils ont pris goût au cinéma.
— Vous avez choisi l’Afghanistan pour
réaliser plusieurs de vos films, traduisant les problèmes et la
souffrance de sa population. Quelle est la raison de ce choix ?
— Parce que c’est un milieu très proche de
notre culture et de notre langue. Quelque fois quand je parle
des problèmes en Afghanistan, j’évoque en fait les problèmes de
mon pays que je ne peux pas exprimer à cause de la censure qui y
règne. Bien sûr, l’Afghanistan est différent de l’Iran, surtout
à l’époque des Talibans. Le peuple en a beaucoup souffert. Deux
ans avant le 11 septembre, j’étais en Afghanistan pour tourner
secrètement mon film Kandahar, terminé en 2001. A l’époque,
l´Occident ne s’intéressait pas à la misère du peuple afghan,
alors que les gens mourraient de faim par milliers. C’est à ce
moment que j’ai écrit un livre : « Le bouddha n’a pas été démoli
par les Talibans, c’est la honte qui l’a détruit ».
Les enfants souffraient, et je voulais
changer leur situation surtout les filles qui étaient privées de
toute éducation. Pour soutenir les enfants, j’ai fait mon
documentaire Afghan Alphabet. La situation des enfants réfugiés
en Iran était misérable aussi, à cause d’une loi iranienne. J’ai
arrêté mon travail cinématographique pendant trois ans durant
lesquels j’ai créé 80 projets d’éducation pour les enfants
afghans en Iran. Ainsi, 500 000 enfants ont pu aller à l’école.
— Pourquoi avoir tourné votre dernier film en
Inde ?
— Ce sont les écrits du Mahatma Gandhi et les
films de Satyajit Ray qui m’ont inspiré de l’amour pour ce pays
et sa culture. Cela sans oublier la magie de ses religions et de
sa spiritualité. Car pour moi l’être humain est croyant par
nature, mais je déteste le fanatisme des religions :
christianisme, islam, bouddhisme, hindouisme. Car le fanatisme
mène à l’agression et au fascisme.
— Quel est votre avis sur la situation
politique actuelle en Iran ? Vos créations en font-elles part ?
— Khatami avait essayé d’effectuer des
réformes. Je suis convaincu que l’esprit de la démocratie est
enraciné dans la culture iranienne, cependant Khatami a échoué à
cause des forces conservatrices en Iran et, aussi, parce qu’il
n’était pas soutenu par les Etats-Unis, qui au contraire ont «
salué » la fin de l’ère Khatami. S’il avait réussi, l’Iran
aurait servi de modèle de démocratie pour le reste du monde
musulman. Mais après Khatami la situation a empiré.
— Est-ce la raison pour laquelle vous avez
quitté l’Iran pour vous installer en France ?
— J’ai été en France pour travailler avec mes
coproducteurs français. Lors d’un séjour à Berlin, pendant le
festival de cinéma, j’ai décidé de ne pas rentrer en Iran,
jugeant qu’il me serait impossible de travailler dans
l’atmosphère extrêmement répressive du régime actuel, qui a
banni quelques-uns de mes films et refusé mes scénarios. Dans
quelques mois, je me rendrai avec ma fille Samira en Afghanistan
pour réaliser un nouveau projet.
Fawzi Soliman |
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Itinéraire familial
Le réalisateur iranien de renommée
internationale Mohsen Makhmalbaf était présent à Munich, avec sa
femme Marziyeh Meshkini, ses filles Samira et Hana et son fils
Maysam. Tous cinéastes, ils ont débattu de leurs films avec le
public. Ses films comme Salaam Cinema (1994), Gabbeh (1996),
Kandahar (2001) Sexe et philosophie (2005) ont enchanté les
cinéphiles de par leur réalisme et leur poésie. D’ailleurs, le
dernier film de Makhmalbaf, Le Cri des fourmis, réalisé en 2006
en Inde, avait eu sa première mondiale à Munich.
Le premier film de sa fille, Samira
Makhmalbaf, La Pomme, a reçu en 1997 la Caméra d’or à Cannes.
Tandis que sa sœur, Hana, a réalisé son premier film Joie de
folie, à l’âge de 14 ans, accueilli par le Festival de Venise.
Marziyeh, sa femme, a remporté pour sa part un succès
international en l’an 2000, avec son premier film Le Jour où je
devenais femme, un film bouleversant évoquant la situation de la
femme opprimée. |
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