Avec
l'escalade des agressions israéliennes au Liban, l'intérêt
médiatique s'est quelque peu détourné des événements qui se
déroulent dans d'autres pays arabes. La Somalie et l'Iraq
traversent tous deux des moments difficiles. En Somalie, les
tribunaux islamiques se sont emparés de nouveaux emplacements
géographiques à l'heure où le gouvernement transitoire a subi un
coup dur. En effet, plus de la moitié de ses membres ont
présenté leur démission en protestation contre la faiblesse du
gouvernement et son incapacité de réaliser une réconciliation
nationale globale. Quant à l'Iraq, il se trouve face à des choix
difficiles d'autant plus que de nombreux indices indiquent que
le pays se dirige vers une guerre civile acharnée.
La guerre civile est un état où les
principales composantes de la société entrent en lice dans des
affrontements ouverts. Ce, en conséquence de la faiblesse de
l'autorité centrale et de l'absence d'un organisme capable de
maîtriser le conflit social et politique, et d'assurer la
sécurité des citoyens. Le fait qui pousse chaque communauté à
revenir à ses appartenances d'origine, qu'elles soient
géographiques, ethniques ou confessionnelles. C'est ainsi que
toute la société entre en lice dans des affrontements ouverts
pour obtenir davantage de profits aux dépens des autres
communautés ou du moins pour préserver ses intérêts. Dans la
plupart des cas, les guerres civiles s'accompagnent d'une
ingérence étrangère de la part de forces régionales ou
internationales. La situation se complique davantage lorsque
l'ingérence étrangère prend la forme d'une occupation manifeste
qui suscite la division des citoyens du même pays, comme c'est
le cas en Iraq depuis près de trois ans et demi.
La situation en Iraq semble extrêmement
compliquée à cause de la diversité des sources de violence.
D'une part, la violence s'adresse aux forces d'occupation qui, à
leur tour, ripostent par des actes de violence de large
envergure. D'autre part, la violence est exercée par des
groupuscules religieux contre les forces d'occupation, contre
les Iraqiens qui coopèrent avec elles et aussi contre certains
Iraqiens pour des raisons ethniques. Une partie de ces
groupuscules ne sont pas iraqiens alors que d'autres
appartiennent à des organisations et partis religieux iraqiens
dont la majorité est chiite et la minorité sunnite. Le conflit
s'accentue de jour en jour entre ces organisations. Leur
principal objectif n’est pas les forces d'occupation mais les
Iraqiens qui appartiennent à d'autres confessions que ce soit
pour les tuer ou pour les terroriser et les obliger à se
déplacer vers d'autres régions. Le fait qui mènera à une
répartition géographique selon des fondements confessionnels.
Ainsi la division du pays deviendra-t-elle chose évidente.
C'est ainsi que les sunnites quittent les
régions du sud à majorité chiite et que les chiites qui vivaient
dans les milieux sunnites quittent aussi leurs habitations. Ce
phénomène dangereux est aussi apparu à Bagdad où les milices de
l'armée d'Al-Mahdi dirigées par Moqtada Al-Sadr exercent
différentes formes de violence et de terrorisme contre les
sunnites qui se sont trouvés contraints eux aussi à former des
milices populaires pour protéger leurs régions.
Selon les déclarations du secrétaire d'Etat à
la défense américain, Donald Rumsfeld, les tensions
confessionnelles font désormais partie du quotidien iraqien et
les forces américaines vont changer leurs plans si les choses
deviennent incontrôlables. Cependant, Rumsfeld n'a pas dévoilé
les grands traits de ces plans. Les Etats-Unis œuvreront-ils à
étrangler la sédition confessionnelle ou bien laisseront-ils
l'Iraq couler ? Les rapports promulgués par les Centres de
recherche proches de l'Administration américaine révèlent que
l'Iraq s'est effectivement divisé selon des bases
confessionnelles, que la répartition géographique
confessionnelle est devenue évidente et qu'il faut trouver une
stratégie d'issue rapide afin de protéger les soldats américains
pour ne pas s'impliquer dans une guerre civile évidente. Dans ce
même contexte, l'ambassadeur britannique, dont le mandat a
expiré en Iraq, a présenté un rapport au ministre britannique
des Affaires étrangères dans lequel il a déclaré que les
tensions confessionnelles en Iraq sont devenues incontrôlables.
Il a aussi conseillé à son pays de réfléchir sérieusement à ce
qu'il fera dans le cas du déclenchement d'une guerre civile
officielle en Iraq.
Le gouvernement de Maliki avait déclaré que
son principal objectif était d'améliorer la sécurité et de
réaliser la réconciliation nationale globale. Mais après trois
mois, les résultats sont toujours déplorables. Le fait qui a
poussé le président américain à décider, il y a trois semaines
lors de la visite de Maliki à Washington, l'envoi de nouvelles
forces américaines en Iraq pour aider le gouvernement iraqien à
assurer la sécurité. Ces plans, semble-t-il, ont aggravé la
situation sécuritaire. En effet, le nombre de morts a atteint 1
889 personnes le mois dernier, dont 50 % n'ont pu être
identifiées et ont subi des tortures avant d'être tuées.
Les évolutions en Iraq sous l'occupation et
en l'absence d'une forte volonté destinée à réaliser la
réconciliation nationale globale basée sur la solidarité pour
mettre un terme à l'occupation indiquent que les choses
s'aggravent. Ce qui se passe aujourd'hui en Iraq est une guerre
civile non déclarée entre les dirigeants des grandes forces
politiques. Il est certain que l'occupation américaine est à
l'origine de cette situation. Ces dirigeants, qui ont accepté de
coopérer avec l'occupation, assument une grande partie de la
responsabilité historique de la perte de leur grand pays. C'est
comme s'ils n'avaient pas lu l'Histoire et n'avaient pas compris
que la guerre civile ne profite à personne, si ce n'est les
ennemis historiques.
L'Iraq est un grand pays. S'il entre dans une
guerre civile, ce sera une catastrophe. Cette guerre entraînera
de profondes mutations sociales et politiques qui s'étendront
certainement aux pays voisins. Le grand paradoxe est que l'Iraq
regorge de capacités humaines et politiques ainsi que de grandes
références religieuses qui peuvent jouer un rôle important dans
la préservation de l'Iraq et de son unité. Cependant, il souffre
de la présence d'une élite politique à l'horizon limité, d'une
occupation impérialiste qui lève des slogans brillants mais qui
exerce les pires atrocités. Il souffre aussi de groupuscules aux
appartenances inconnues qui exercent la violence avec un esprit
sadique. Après trois ans et demi d'occupation
américano-britannique, l'Iraq se dresse face à l'inconnu. Il a
perdu la volonté de construire une société cohérente pour un
avenir meilleur. Le plus triste est que certains dirigeants
iraqiens s'attachent à la violence, attisent les feux de la
sédition confessionnelle, posent les fondements de la division
de l'Iraq et planifient pour le pire en se basant sur des forces
étrangères qui ne connaissent que leurs propres intérêts et qui
se préoccupent peu de l'intérêt de l'Iraq.