Sa
modestie était légendaire, son engagement militant exemplaire.
Au point que certains l’appelaient « le saint ». Comment
qualifier autrement un homme qui avait pris la décision de
rompre avec son père, Naguib pacha, premier ministre sous Farouq,
propriétaire de 700 feddans de terres sans compter les palais,
et d’abandonner tous ses droits sur son héritage pour se
consacrer corps et âme à la défense des travailleurs et de tous
les « sans », sans-droits, sans-terres, sans-avocats.
Il avait ainsi pris la défense, lors de l’un
de ses procès les plus célèbres, de Safouat Abdel-Ghani, accusé
d’avoir assassiné le président de l’Assemblée du peuple, Réfaat
Al-Mahgoub. Au bout d’une exténuante plaidoirie de 16 heures, il
avait réussi à faire reconnaître que l’accusé n’était pas
impliqué dans cet assassinat. Il s’agissait pour lui de garantir
le droit des accusés à un procès équitable, devant des cours
civiles, et non militaires, ainsi que le droit de l’ensemble des
courants politiques à l’expression, même ceux avec lesquels il
était en profond désaccord.
C’était un choix profondément cohérent avec
l’ensemble de son parcours politique.
Né en 1928, Nabil Al-Hilali était devenu
communiste en 1946. C’est dans un tribunal, lors d’une rencontre
avec Youssef Darwich, « l’avocat des ouvriers », décédé le
mercredi 7 juin dernier (Voir Al-Ahram Hebdo n°614), où Al-Hilali
défendait avec son père une grande entreprise de pétrole, qu’il
a fait subitement volte-face et décidé de prendre la défense des
ouvriers face à son père.
La voie était tracée, pour toute une vie.
Tour à tour membre de l’Organisation des communistes égyptiens
et du Parti communiste unifié, il avait été l’un des fondateurs
du Parti socialiste du peuple en 1989. Comme les autres
militants de sa génération, il a connu la prison en 1972, lors
du mouvement estudiantin, puis en 1981, avec tous les
intellectuels arrêtés par Sadate. Mais les années les plus dures
ont été, comme pour beaucoup, celles du bagne à l’époque de
Nasser, de 1959 à 1964, en même temps que sa femme, Fatma Zaki,
détenue, elle, de 1959 à 1963.
Après la mort, en avril 2004, de celle qui
avait, plus qu’une épouse, été la compagne de toute une vie de
militantisme, il avait annoncé qu’il « continuerait le chemin
tout seul ». Il avait ainsi, entre autres, pris la défense des
paysans expulsés de leurs terres à Serando, accueilli les «
ouvriers de l’amiante » et suivi leur dossier, tout en
intervenant dans les meetings contre l’occupation de l’Iraq et
de la Palestine. Et surtout, il luttait pour l’unité de la
gauche radicale, du Parti communiste à l’extrême gauche.
Peu d’hommes se sont aussi totalement dévoués
à une cause. S’ils s’étaient, avec son épouse, « jurés de vivre
communistes et de mourir communistes », comme il le raconte dans
un article d’adieu, l’aura d’Al-Hilali était telle qu’il était
sans doute l’une des rares personnalités à « faire l’unanimité »
dans les rangs de l’opposition. Beaucoup, au lendemain de sa
mort, se sentiront orphelins .
Dina Heshmat