Les
élections israéliennes ont donné naissance à
trois tendances qui auront des répercussions
claires sur la voie que prendra le conflit palestino-israélien.
La
première tendance est l’échec du projet de formation
d’un bloc d’hégémonie politique ou la formation
d’un milieu politique qui occuperait une position
de force sur la scène politique israélienne
et qui garantirait la stabilité. Ceux qui avaient
fait la propagande de la légende du milieu ou
du centre politique avaient fondé leurs espoirs
sur le fait que le Kadima obtiendrait le tiers
des sièges à la Knesset de sorte à pouvoir convaincre
toute la société du plan de séparation ou du
plan unilatéral.
Ce
pari se basait sur l’énorme pouvoir populaire
réalisé par Sharon durant les deux dernières
années. En effet, il avait réussi à regagner
la confiance d’un large secteur des nouvelles
forces en Israël, celui-là même qui votait auparavant
pour la gauche. Mais il est clair qu’Ehud Olmert
n’a pas pu pallier l’absence de Sharon. De plus,
les estimations optimistes en ce qui concerne
l’avenir du Kadima étaient dès le départ très
exagérées. De fait, le Kadima a obtenu 28 sièges,
c’est-à-dire moins du quart des sièges à la
Knesset. Ce chiffre est largement insuffisant
pour fonder un bloc d’hégémonie politique capable
de mettre fin au démantèlement de la scène politique
israélienne. Ceci signifie que ce bloc sera
faible et ne pourra imposer sa vision quant
au règlement du conflit avec les Palestiniens.
Cette déduction peut autant s’appliquer à la
gauche qu’à la droite israéliennes, conformément
aux conditions et coalitions politiques intérieures
et extérieures.
La
deuxième tendance concerne la stabilité de la
grande déviation qui a poussé la scène politique
israélienne vers l’extrême droite depuis le
déclenchement de l’Intifada en 2000. Il n’est
pas du tout vrai que le Kadima se place au centre
politique, en particulier pour ce qui est des
plans et axes du conflit palestino-israélien.
Cette prétention n’est qu’un mensonge insensé.
La plupart des piliers de ce parti appartiennent
à l’extrême droite et ont une longue histoire
au Likoud. Le fait d’ajouter quelques noms venant
du Parti du travail ou des petits partis transitoires
ne changera pas cette vérité. Il y a une grande
différence entre la diversité des idéologies
et des expériences politiques, et la nature
du parti qui se détermine par ses programmes,
les conditions de sa fondation, le rôle qu’il
joue dans le régime et les politiques qu’il
défend. Les directions les plus importantes
au parti après Sharon, comme Olmert et Tzipi
Livni (ministère actuel des Affaires étrangères),
sont parmi les personnalités israéliennes les
plus antagonistes au peuple palestinien. Ils
dédaignent la valeur de la paix et croient en
ce qui est appelé le Grand Israël. De façon
générale, il n’y a aucun doute que la droite
israélienne a obtenu la grande part du gâteau
dans les dernières élections.
Quant
à la troisième tendance qui est relativement
nouvelle, c’est la victoire d’une nouvelle génération
de direction ou plus précisément d’une nouvelle
école de direction politique qui ne se base
pas sur la légitimité de la participation à
la fondation d’Israël ou sur la légitimité purement
idéologique. L’élite qui a fondé Israël a quasiment
disparu des rangs des directions des partis
israéliens. Non seulement l’époque de Sharon
est révolue, mais aussi l’époque de la génération
fondatrice, malgré la présence de quelques rares
anciennes directions dans certains partis. La
vérité est que les principales directions qui
détiennent les décisions relatives à l’avenir
d’Israël sont nouvelles. Elles ne basent pas
leur popularité seulement sur l’idéologie ou
sur la valeur personnelle, mais aussi sur l’interaction
des intérêts entre les grands blocs ethniques
et culturels et les différentes couches sociales
en Israël. Ces nouvelles directions font un
amalgame entre la dimension idéologique et les
intérêts, ce qui nécessite de posséder les talents
de courtier politique. Les politiques israéliennes
connaissent donc une nouvelle tendance. La preuve
en est que Sharon a été obligé d’adopter cette
stratégie, ce qui lui a permis de défier la
légitimité historique du Likoud avant d’entrer
dans le coma. La réussite du Kadima, malgré
l’absence de son fondateur, ainsi que l’échec
flagrant de Netanyahu sont une nouvelle preuve
de l’émergence d’un nouveau genre de politiques
en Israël. L’importance de la troisième tendance
réside dans le fait que la crise de la direction
a suivi une nouvelle voie en Israël.
Cette
crise avait commencé avec l’assassinat de Rabbin,
puisqu’il s’était avéré que plus personne ne
possédait les facultés lui permettant de gagner
spontanément la confiance du peuple, en particulier
lors de la prise de décisions importantes concernant
le règlement du conflit arabo-israélien. Et
aujourd’hui, outre cette vérité, la génération
actuelle de directions doit aussi réorganiser
la carte des intérêts de façon à pouvoir fonder
une coalition sociopolitique capable d’occuper
la position de majorité. Cette coalition doit
être formée non d’Israéliens qui basent leurs
destins sur celui d’Israël, mais de citoyens
appartenant aux différentes cultures et ethnies
et qui se rassembleraient de façon partielle
autour de leurs origines et appartenances. Les
intérêts de ces citoyens israéliens doivent
avoir la priorité sur les slogans généraux qui
ont une relation avec l’avenir d’Israël de façon
absolue. Il y a maintenant une majorité qui
a des intérêts à garder les territoires occupés
en 1967. L’occupation et la colonisation israéliennes
sont devenues un projet beaucoup plus rentable
que le projet idéologique. Ceci signifie que
la politique israélienne devient de plus en
plus féroce et violente. Dans ce contexte, il
est clair qu’il n’y a pas une grande chance
pour ceux qui veulent réaliser une paix équilibrée
ou ceux qui veulent guider Israël vers des décisions
sages et braves visant à instaurer la paix avec
les Arabes. Il est possible qu’Amir Peretz,
président du Parti du travail, puisse occuper
une position importante dans la politique israélienne,
puisqu’il a réussi à guider avec succès le Parti
du travail en plein milieu de cette dérive générale
vers la droite. Il pourra peut-être même participer
au nouveau gouvernement, mais il est sûr qu’il
est presque impossible qu’il puisse diriger
Israël dans un avenir proche. Non seulement
la société israélienne penche de plus en plus
vers l’extrême droite, mais cette droite bénéficie
également d’un soutien total de la part de l’Administration
Bush et de la droite américaine de façon générale
.