Après
deux ans et demi d'exil au Nigeria, l'ex-président libérien
Charles Taylor a été arrêté. La comparution initiale de l'ancien
président Taylor, inculpé par le Tribunal Spécial pour la Sierra
Leone (TSSL), a eu lieu lundi dernier, mais le procureur du
Tribunal, Desmond da Silva, avait précisé que son procès n'aurait
pas lieu avant plusieurs mois.
Taylor
a été inculpé par le Tribunal spécial de crimes contre l'humanité
et crimes de guerre et d'autres violations graves des droits
humains internationaux, comme l'esclavage sexuel et les mutilations
commis après le 30 novembre 1996, date à partir de laquelle
les faits peuvent être jugés par la Cour spéciale. Taylor est
également accusé pour son appui à la rébellion du Front révolutionnaire
uni (RUF), responsable de nombreuses atrocités et dont il est
accusé d'avoir été le parrain. Son soutien aurait notamment
eu pour motif de mettre la main sur les richesses diamantifères
de la Sierra Leone, selon l'acte d'accusation. Ses crimes ont
été commis pendant le conflit qui a ravagé la Sierra Leone de
1991 à 2001, faisant quelque 120 000 morts.
De
l'autre côté, le TSSL, invoquant des risques pour la stabilité
de la région, souhaite délocaliser à La Haye le procès de l'ancien
chef de guerre libérien, et les Pays-Bas ont donné jeudi 30
mars un accord sous conditions. Les Pays-Bas souhaitent une
résolution onusienne, un accord formel entre le TSSL et le pays
hôte prévoyant le départ de Charles Taylor dès que le verdict
sera rendu, et que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone
s'occupe lui-même d'organiser l'utilisation des locaux d'une
des cours internationales de La Haye.
Le
procureur du Tribunal spécial, Desmond da Silva, a expliqué
que « la présence physique de Taylor à Freetown, où il est actuellement
détenu, pouvait menacer la stabilité de la région », a-t-il
souligné. La présidente du Liberia, Ellen Johnson Sirleaf, élue
en novembre dernier à l'issue d'une délicate période de transition,
a abondé dans ce sens : « Nous attendons encore une résolution
du Conseil de sécurité de l'Onu qui autoriserait un changement
de lieu vers un environnement plus favorable, comme la Cour
Pénale Internationale (CPI) ». Mme Sirleaf ne s'était résolue
que début mars à demander l'expulsion de Taylor du Nigeria,
où il était en exil depuis 2003 aux termes d'un accord de paix
ayant mis fin à 14 années de guerre civile au Liberia. Et elle
avait toujours insisté pour qu'il ne remette pas les pieds dans
son pays d'origine.
De
nombreux observateurs redoutent que les partisans de celui qui
fut un très puissant chef de guerre ne cherchent une nouvelle
fois à déstabiliser la région après son arrestation. Taylor
est considéré comme un des principaux responsables des guerres
civiles qui ont ravagé, près de 15 ans durant, son pays et la
Sierra Leone voisine, faisant au total plus de 400 000 morts.
Après
une brève cavale suite à l'annonce par le Nigeria de son intention
de le remettre aux autorités libériennes, il a été arrêté mercredi
à la frontière camerounaise et immédiatement expulsé vers Monrovia.
Le président américain George Bush, dont le pays fut l'un des
principaux instigateurs du Tribunal spécial et en est le premier
donateur, avait dès son arrestation souhaité un procès à La
Haye.
Aucun
des tribunaux internationaux actuels n'a compétence sur ce dossier,
mais des locaux de la CPI pourraient être utilisés. Cette cour
n'a actuellement qu'un seul prisonnier, le chef de milice congolais
Thomas Lubanga Dyilo. La CPI, premier tribunal permanent pour
les crimes de guerre et contre l'humanité, ne peut juger que
les faits commis après sa création en juillet 2002.
Mais
les responsables de l'Onu et défenseurs des droits de l'homme
estiment que l'arrestation de Taylor constitue un avertissement
aux autres inculpés de crimes de guerre qu'il n'y aura pas d'impunité.
Ces défenseurs des droits de l'homme émettent l'espoir que ce
sera bientôt au tour des principaux fugitifs accusés de crimes
de guerre dans les Balkans, Radovan Karadzic et Ratko Mladic,
d'être traduits en justice. |