Al-Ahram Hebdo, Afrique | Au bord du précipice
  Président Salah Al-Ghamry
 
Rédacteur en chef Mohamed Salmawy
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 Semaine du 19 à 25 avril 2006, numéro 606

 

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Dossier
Tchad . La situation reste extrêmement tendue bien que l’armée ait repris le contrôle de la capitale après l’assaut manqué de la rébellion.

Au bord du précipice

Incertitudes. Tel est le mot d’ordre aujourd’hui au Tchad, même si un calme précaire est revenu en début de semaine après la victoire de l’armée sur les rebelles, qui étaient arrivés aux portes de la capitale N’Djamena. Les inquiétudes touchent en effet à plusieurs questions hautement délicates : l’avenir du régime du président tchadien Idriss Deby à trois semaines des présidentielles, les relations avec le Soudan, voisin accusé de soutenir la rébellion, le conflit du Darfour, qui est à l’origine même de la crise entre les deux pays et enfin la position de la France qui soutient le président Deby et qui est liée au Tchad par un accord de coopération militaire. On peut même ajouter à cela le conflit qui oppose le Tchad à la Banque mondiale sur la gestion de ses revenus pétroliers. C’est dire que la récente escalade au Tchad suite à l’assaut manqué des rebelles du Front Uni pour le Changement (FUC) contre N’Djamena ne risque pas de s’arrêter là. Et la reprise du contrôle de la capitale, ainsi que la répression de la rébellion ne signifient, en aucun cas, que la menace s’est écartée. Il s’agit en effet d’un enchevêtrement de circonstances qui ont donné naissance à la donne actuelle.

C’est d’abord au Soudan voisin qu’il faut, en partie, chercher l’origine de la crise qui sévit actuellement au Tchad. Le président tchadien accuse en effet Khartoum de soutenir les rebelles du FUC ayant mené l’assaut contre la capitale tchadienne, alors que le FUC a encore démenti, samedi, tout soutien du Soudan, accusant au contraire N’Djamena de recruter des rebelles soudanais du Darfour. Pour N’Djamena, qui a dénoncé dès jeudi une « agression programmée à partir de Khartoum » et qui a rompu ses relations diplomatiques avec le Soudan, c’est Khartoum qui finance et arme les rebelles, ce que le gouvernement soudanais dément tout aussi systématiquement, rétorquant que le régime tchadien appuie les rébellions actives au Darfour.

Accusations et contre-accusations fusent de toutes parts. Le président soudanais a ainsi accusé le Tchad d’être responsable de l’insécurité à la frontière, estimant que « son échec à envoyer des représentants à un comité de sécurité chargé de superviser la frontière bloquait l’application de l’accord ». Il faisait référence à l’accord de paix signé le 8 février sous l’égide de la Libye entre Khartoum et N’Djamena, dans lequel les deux pays s’interdisaient mutuellement d’entretenir sur leur territoire des rébellions ou de mener des activités hostiles à l’autre et que le Soudan « respecte toujours », selon M. Béchir.

Relations intrinsèques

En fait, c’est pour avoir trouvé refuge en 1990 au Darfour, après sa défection du régime d’Hissène Habré et en avoir fait le point de départ de son offensive victorieuse sur N’Djamena, que le président tchadien Idriss Deby a compris dès 2003 les risques du conflit du Darfour pour son régime. Après s’être dans un premier temps impliqué dans ce conflit, Deby a fait marche arrière.

Aujourd’hui que la menace s’abat directement sur son régime, il fait appel à la communauté internationale pour régler le conflit et s’en prend ouvertement aux autorités de Khartoum. Samedi, le président tchadien a ainsi violemment critiqué son homologue soudanais, Omar Al-Béchir, parlant de « génocide » au Darfour et qualifiant Béchir de « traître ». Idriss Deby veut en fait tirer profit de la mauvaise gestion par Béchir du dossier du Darfour pour faire intervenir la communauté internationale. « Je demande à toutes les grandes puissances, à l’Union africaine, aux Nations-Unies, à l’Union européenne, aux Etats libres épris de paix et de justice d’intervenir militairement pour sauver les populations du Darfour qui subissent le pire génocide de la part du président Béchir de Khartoum », a-t-il déclaré, réclamant que cette province soit « sous mandat onusien ».

Mais son objectif n’est certainement pas de sauver les populations civiles. Pour le président Deby, régler le conflit du Darfour équivaut à affaiblir la rébellion. De même, une stabilisation de la région lui permettrait de mieux garder le contrôle de la situation à l’intérieur du Tchad.

Quoi qu’il en soit, que le Soudan soit impliqué ou non, la crise du Darfour a un retentissement direct sur la situation au Tchad, et vice-versa. Sur le plan interne, Idriss Deby a été longtemps soumis à la pression d’une grande partie de son clan zaghawa, une ethnie qui se partage entre le Tchad et le Soudan, pour qu’il aide les « cousins » zaghawas du Darfour. Son refus ferme de s’impliquer dans le conflit a alors provoqué une large fracture au sein du clan, et une tentative de coup d’Etat, dont les instigateurs auraient été des proches du chef de l’Etat, a été déjouée en mai 2004. Selon les observateurs, cette tentative de coup d’Etat était destinée à obliger Deby à changer son attitude sur le Darfour, même si des conflits au sein du clan sur la gestion de la manne pétrolière, la réforme de l’armée ou les velléités de Deby de briguer un troisième mandat ont exacerbé les ressentiments.

Abir Taleb

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Un conflit en engendre un autre

N'Djamena et Khartoum entretiennent des relations tendues depuis le début du conflit, en 2003, dans la province du Darfour, voisine du Tchad. En voici les dates importantes.

2003 :

— Fin fév. : Début de la rébellion armée dans le Darfour. Environ 200 000 personnes sont réfugiées au Tchad.

— 26 mars : Les rebelles du Darfour prennent Tiné, localité située de part et d'autre de la frontière.

2004 :

— 29 janv. : Raid de l'armée soudanaise sur le secteur tchadien de Tiné.

— 13 fév. : N'Djamena dément toute implication dans la guerre au Darfour.

— 8 avr. : Signature au Tchad, médiateur dans le conflit, d'un accord entre Khartoum et les rebelles du Darfour prévoyant un cessez-le-feu, pas respecté.

— 6 mai : N'Djamena proteste contre les incursions de milices arabes djandjawids, combattant aux côtés de l'armée soudanaise.

— 17 mai : Khartoum dément la présence d'opposants tchadiens sur son territoire.

2005 :

— 7 avr. : N'Djamena accuse le Soudan d'entretenir une milice de 3 000 hommes près de la frontière.

— 20 nov. : Le Tchad accuse le Soudan d'« utiliser » des déserteurs de l'armée tchadienne au Darfour afin de le « déstabiliser ».

— Déc. : Recrudescence de la tension après une attaque de rebelles tchadiens de la localité d'Adré (Est du Tchad). M. Deby accuse le président soudanais Omar Al-Béchir de vouloir « déstabiliser » le Tchad et déclare que l'attaque contre Adré « est une agression directe » du Soudan. Le Tchad se dit « en état de belligérance avec le Soudan ». Khartoum rejette toute « escalade » et dément son implication.

2006 :

— 8 fév. : Les présidents Deby et Béchir signent un accord à Tripoli, qui prévoit notamment « l'interdiction d'utiliser le territoire de l'un pour des activités hostiles contre l'autre ».

— 10 mars : N'Djamena accuse les Djandjawids de « violation flagrante » de l'accord.

— 13 avr. : Le ministre tchadien des Affaires étrangères dénonce une « agression programmée à partir de Khartoum contre le Tchad », après un assaut sanglant lancé par le Fuc sur N'Djamena et repoussé par les forces loyalistes. Son homologue soudanais dément toute implication dans cette « affaire interne ».

— 14 avr. : Le président Deby annonce la rupture des relations diplomatiques avec le Soudan. Il menace d'expulser les quelque 200 000 réfugiés soudanais dans l'est du Tchad si une solution n'est pas trouvée pour mettre un terme au conflit au Darfour.

 

 




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